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Thaïlande : Une victime présumée d'actes de torture se voit refuser des réparations

Cette décision suscite des inquiétudes quant à la protection des Thaïlandais contre la torture

(Bangkok, le 13 octobre 2014) - Le gouvernement royal de Thaïlande devrait s’acquitter de ses obligations internationales relatives aux droits humains et offrir des recours et des réparations aux victimes de torture et de mauvais traitements, ont déclaré conjointement aujourd’hui la Commission internationale de juristes (CIJ), Human Rights Watch et Amnesty International.

Le 7 octobre, le tribunal de la province de Pattani, située dans l’extrême-sud du pays en proie à des troubles, a statué que Hasan Useng, victime présumée d’actes de torture et de mauvais traitements, n’avait pas droit à un recours judiciaire ni à des réparations, car sa requête avait été déposée au titre de l’article 32 de la Constitution thaïlandaise de 2007, abrogée par le Conseil national pour la paix et l’ordre (NCPO) après le coup d’État militaire du 22 mai 2014.

Selon la requête déposée par la sœur de Hasan Useng le 2 mai, c’est-à-dire avant l’abrogation de la Constitution de 2007 par l’armée, des policiers et des soldats ont arrêté Hasan Useng le 13 avril et perquisitionné son domicile, dans la province de Narathiwat. Il a été conduit au camp militaire d’Inkhayuthaborihan, dans la province de Pattani, où les soldats lui auraient donné des coups de pied et lui auraient ordonné de faire plusieurs centaines de pompes et de sauts les bras écartés alors qu’il était pieds nus, sur le sol en béton brûlant.

« La décision rendue par le tribunal n’est pas conforme aux obligations incombant à la Thaïlande au titre du droit international : elle est tenue d’interdire la torture et les mauvais traitements et de fournir aux victimes des recours effectifs et des réparations proportionnées », a déclaré Ian Seiderman, directeur politique et légal de la Commission internationale de juristes (CIJ). «  L’effet de cette décision va à l’encontre de l’obligation qui lui incombe de garantir l’accès à un recours effectif en cas de torture et de mauvais traitements, en tous lieux et en tous temps, même sous la loi martiale. »

Le 31 juillet, la CIJ a soumis au tribunal de Pattani un « amicus curiae » (mémoire destiné à éclairer la cour). Ce document a fait valoir que l’abrogation de la Constitution de 2007 ne modifie pas l’obligation du gouvernement thaïlandais d’accorder des réparations et des recours en cas de torture et de mauvais traitements, au titre du droit international relatif aux droits humains, notamment du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La Thaïlande est en effet partie à ces deux traités.

Dans son jugement oral, le juge n’a fait aucune référence aux obligations juridiques internationales de la Thaïlande. Il n’a pas non plus mentionné l’article 4 de la Constitution provisoire actuellement en vigueur, qui reconnaît les obligations internationales de la Thaïlande en termes de droits humains, notamment au titre du PIDCP et de la Convention contre la torture. Un jugement écrit est attendu le 13 octobre.

Le Centre des avocats musulmans (Muslim Attorney Centre, MAC), qui représente la sœur de Hasan Useng, a déclaré qu’elle ferait appel de la décision devant la Cour d’appel de Thaïlande. Ce centre a été fondé par un groupe d’avocats musulmans en février 2007 afin d’apporter une assistance juridique gratuite aux personnes défavorisées dans les quatre provinces de l’extrême-sud de la Thaïlande.

« La décision rendue dans l’affaire Hasan Useng met en lumière l’effritement des protections des droits humains en Thaïlande depuis le coup d’État militaire, et l’extrême difficulté lorsqu’il s’agit d’amener les forces de sécurité à rendre compte de leurs actes », a déclaré Brad Adams, directeur de la division Asie à Human Rights Watch. « Si cette affaire répond à la requête d’une seule personne, la décision du tribunal aura pour effet de nier la pertinence du droit international relatif aux droits humains en Thaïlande, laissant à penser que les Thaïlandais ne sont pas protégés juridiquement contre la torture. »

La décision du tribunal provincial de Pattani va à l’encontre des engagements répétés du gouvernement thaïlandais de respecter et de mettre en œuvre la Convention contre la torture. Il s’y est encore engagé lors de sa présentation devant le Comité contre la torture à Genève, le 1er mai.

Dans ses Observations finales, le Comité contre la torture a recommandé à la Thaïlande de prendre des mesures efficaces afin de garantir, en droit et en pratique, que tous les détenus bénéficient des garanties juridiques fondamentales dès le début de leur détention : les détenus et les personnes exposées aux actes de torture ou aux mauvais traitements doivent bénéficier de recours judiciaires et autres leur permettant de voir leurs plaintes examinées rapidement et équitablement, de défendre leurs droits et de contester la légalité de leur détention, ou de dénoncer des mauvais traitements.

« Les obligations internationales de la Thaïlande en termes de droits humains demeurent inchangées, notamment l’interdiction de la torture, qui s’applique en tous temps, indépendamment de la situation politique ou de la loi martiale », a déclaré Richard Bennett, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. « La Thaïlande doit également lever les nombreuses restrictions imposées à d’autres droits depuis le coup d’État, notamment à la liberté d’expression et de réunion pacifique. »

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