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Ce document « Questions et réponses » porte sur des questions relatives au droit international humanitaire (les lois de la guerre) qui s’appliquent au conflit entre Israël et le Hamas et d'autres groupes armés palestiniens dans la bande de Gaza, qui a débuté le 7 juillet 2014. Israël a lancé une invasion terrestre de Gaza le 17 juillet ; le retrait des troupes a été annoncé le 5 août. L'objectif de ce document est de fournir des éléments d’analyse aux personnes qui étudient les affrontements, ainsi qu’aux parties au conflit et aux personnes qui ont la capacité de les influencer.

Ce document est axé sur les principes du droit international régissant la conduite des hostilités par chaque partie au conflit. Il n’aborde pas la question de savoir si les forces du Hamas et d'autres groupes armés palestiniens d’une part, ou Israël d’autre part, étaient justifiés dans leurs attaques et dans leurs violations des accords de cessez-le-feu. Le document n’aborde pas non plus d'autres questions concernant la légitimité ou non du recours à la force armée et sa conformité ou non avec la Charte des Nations Unies. Conformément à notre mandat institutionnel, Human Rights Watch maintient une position de neutralité sur les questions de jus ad bellum (« droit de faire la guerre », principes juridiques  justifiant dans certains cas le recours à la force armée), notre objectif principal étant d'encourager toutes les parties à des conflits armés à respecter les lois de la guerre, ou jus in bello (« droit dans la guerre » définissant la conduite juridiquement acceptable en temps de guerre).

1. Quels principes du droit international humanitaire s’appliquent au conflit actuel entre Israël et le Hamas ?

Le conflit armé en cours entre Israël et le Hamas et d'autres groupes armés palestiniens est régi par des traités internationaux, ainsi que par les principes du droit international humanitaire coutumier. Le droit des traités, tout particulièrement l'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949, auxquelles Israël et la Palestine sont parties, énonce des normes minimales pour toutes les parties à un conflit armé, les États comme les groupes armés non étatiques.

Les lois coutumières de la guerre énoncent les protections pour les civils et autres non-combattants contre les dangers du conflit armé. Elles traitent de la conduite des hostilités – les moyens et méthodes de guerre – par toutes les parties à un conflit. Le plus important avant tout est la règle selon laquelle les parties à un conflit doivent constamment faire la distinction entre les combattants et les civils. Les civils ne peuvent jamais être la cible d'attaques délibérées. Comme exposé ci-dessous, les parties belligérantes sont tenues de prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les dommages aux civils et aux biens de caractère civil. Les attaques peuvent cibler uniquement des objectifs militaires. Les attaques visant des civils ou qui omettent de distinguer entre combattants et civils, ou qui sont susceptibles de causer un préjudice disproportionné à la population civile « par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu », sont interdites.

L'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève fournit un certain nombre de garanties fondamentales pour les civils et les personnes qui ne prennent plus part aux hostilités, telles que les combattants capturés, et celles qui ont déposé les armes ou sont incapables de combattre en raison de blessures ou de maladie. Il interdit la violence contre les personnes - en particulier le meurtre, les traitements cruels et la torture - ainsi que les atteintes à la dignité des personnes et les traitements humiliants ou dégradants.

Les États sont également tenus de respecter le droit international des droits humains dans les zones où ils exercent un contrôle effectif, à moins qu’il ne soit supplanté par un droit international humanitaire plus spécifique.

2.  Quelles sont les cibles légitimes d'une attaque militaire ?

Les lois de la guerre limitent les moyens et méthodes de guerre qui peuvent être utilisés par les parties à un conflit armé, et les obligent à respecter et protéger les civils et les combattants capturés. Les principes fondamentaux de cette loi sont « l'immunité des civils » et le principe de « distinction ». Alors que les lois de la guerre reconnaissent que certaines victimes civiles sont inévitables en période de conflit armé, elles imposent aux parties belligérantes le devoir constant de faire la distinction entre combattants et civils, et de prendre pour cible uniquement les combattants et autres objectifs militaires.

Les combattants comprennent les membres des forces armées d'un pays, ainsi que les commandants et les combattants de groupes armés non-étatiques. Ils peuvent faire l'objet d'attaques à tout moment pendant les hostilités, sauf s'ils sont capturés ou réduits à l’incapacité. Les civils perdent leur immunité contre les attaques lorsqu'ils participent directement aux hostilités, mais seulement pour la durée de cette participation. Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), les lois de la guerre distinguent les membres de forces belligérantes organisées d'un État non partie, qui peuvent être pris pour cible lors d’affrontements, des personnes qui assument des fonctions exclusivement politiques, administratives ou autres non relatives aux affrontements, qui ne peuvent pas être prises pour cible, même lors d’affrontements. Une personne recrutée, formée et équipée par un groupe armé non étatique est considérée comme intégrée dans ce groupe même avant d’avoir procédé à un acte d'hostilité au cours d’un combat. À l’inverse, des combattants qui quittent le groupe armé, ainsi que les réservistes de l'armée régulière qui se réinsèrent dans la vie civile, sont considérés comme des civils jusqu'à ce qu'ils soient rappelés en service actif.

Comme exposé ci-dessous, le simple fait d’être membre du Hamas ou d’être affilié avec ce groupe, qui est une entité politique disposant d’une branche armée, ne suffit pas pour faire d’un individu une cible militaire légitime. La désignation par Israël de certaines personnes comme « terroristes » ne fait pas d'elles des cibles militaires sur le plan juridique, de sorte que les attaques contre ces personnes peuvent être considérées comme des attaques délibérées contre des civils ou des attaques indiscriminées au motif qu'il n'y avait aucune cible militaire présente, en violation des lois de la guerre.

Les lois de la guerre protègent également les biens civils, qui sont définis comme «  tous les biens qui ne sont pas des objectifs militaires » (Protocole additionnel I aux Conventions de Genève, art. 52). Les attaques directes contre des biens civils, tels que les maisons et les appartements, les lieux de culte, les hôpitaux, les écoles et les monuments culturels - à moins qu'ils ne soient utilisés à des fins militaires - sont interdites. Les biens de caractère civil peuvent faire l'objet d'une attaque légitime quand ils deviennent des objectifs militaires – c’est-à-dire, lorsqu’ils apportent une contribution effective à l'action militaire et que leur destruction, capture ou neutralisation offre un avantage militaire précis. Cela comprendrait le déploiement de forces militaires dans ce qui est normalement considéré comme un bien de caractère civil. En cas de doute sur la nature d'un objet, il doit être présumé comme étant de caractère civil.

Les lois de la guerre interdisent en outre les attaques indiscriminées (art. 51 du Protocole I). Les attaques sans discrimination sont définies comme des attaques qui ne font pas la distinction « entre la population civile et les combattants, ainsi qu'entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires » (art. 48).  Des exemples de telles attaques sont celles qui ne sont pas dirigées contre un objectif militaire spécifique ou qui utilisent des armes qui ne peuvent pas être dirigées contre un objectif militaire spécifique. Les attaques sans discrimination interdites comprennent les bombardements de zone, qui sont des attaques d'artillerie ou d'autres moyens qui traitent comme un objectif militaire unique un certain nombre d'objectifs militaires nettement séparés et distincts situés dans une zone contenant une concentration de civils et de biens civils.

Les attaques qui violent le principe de proportionnalité sont également interdites. Les attaques disproportionnées sont celles qui peuvent être susceptibles de causer incidemment des pertes de vies civiles ou des dommages aux biens civils « qui seraient excessifs par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu » de l'attaque (art. 57).

3. Quelles sont les obligations d'Israël et du Hamas à l'égard des combats dans les zones peuplées ?

La bande de Gaza est l'une des zones les plus densément peuplées au monde. Le droit international humanitaire n'interdit pas les combats dans les zones urbaines, bien que la présence de nombreux civils confère de plus grandes obligations aux parties belligérantes quant à prendre des mesures pour réduire au minimum les dommages causés aux civils.

Les lois de la guerre exigent que les parties à un conflit prennent constamment soin au cours des opérations militaires d’épargner la population civile et de « prendre toutes les précautions pratiquement possibles » afin d’éviter ou de minimiser la perte accidentelle de vies civiles et les dommages aux biens de caractère civil (art. 57). Ces précautions comprennent faire tout le possible pour vérifier que les cibles d'attaques sont des objectifs militaires et non des civils ou des biens de caractère civil, et donner un avertissement «  en temps utile et par des moyens efficaces » quand les circonstances le permettent.

Les forces déployées dans des zones peuplées doivent éviter de placer des objectifs militaires – notamment des combattants, des munitions et des armes – au sein ou à proximité de zones densément peuplées, et s'efforcer d’éloigner les civils de la proximité des objectifs militaires. Il est interdit aux parties belligérantes d'utiliser des civils pour protéger des objectifs militaires ou des opérations contre des attaques. La notion de « bouclier humain » se réfère à l'utilisation délibérée de la présence de civils pour placer des forces militaires ou des zones à l'abri des attaques.

Dans le même temps, la partie attaquante n'est pas libérée de son obligation de prendre en compte le danger pour les civils, notamment le devoir d'éviter de causer un préjudice disproportionné aux civils, tout simplement parce qu'elle considère la partie attaquée comme responsable pour avoir placé des cibles militaires légitimes au sein ou à proximité de zones habitées. Autrement dit, la présence d'un commandant du Hamas ou d'une installation militaire dans une zone peuplée ne justifierait pas l’attaque de la zone, sans égard pour la population civile menacée.

4. Les parties belligérantes doivent-elles avertir les civils préalablement aux attaques ? Qu’est-ce qui constitue un avertissement « efficace » ?

À de nombreuses reprises depuis le début de l'offensive aérienne israélienne le 7 juillet 2014, Israël a émis de prétendus avertissements préalables aux attaques à l’intention de la population civile dans la bande de Gaza. Ceux-ci ont pris la forme de petits missiles qui « tapent sur le toit » et de messages transmis par téléphone.

Les lois de la guerre exigent, tant que les circonstances le permettent, que les parties belligérantes donnent un « avertissement […] en temps utile et par des moyens efficaces » concernant les attaques pouvant affecter la population civile. Ce qui constitue un avertissement « efficace » dépend des circonstances. Cette évaluation devrait tenir compte du moment de l'avertissement et de la capacité des civils à quitter la zone. Un avertissement qui ne donne pas suffisamment de temps aux civils pour partir dans une zone plus sûre ne sera pas considéré comme « efficace ».

Les civils qui n'ont pas évacué les lieux à la suite d’avertissements sont encore pleinement protégés par le droit international. Sinon, les parties belligérantes pourraient utiliser les avertissements dans le but de causer le déplacement forcé des civils en les menaçant de dommage délibéré s'ils n'en tiennent pas compte. En outre, certains civils sont incapables de tenir compte d'un avertissement d’évacuation, pour des raisons de santé, par peur ou en raison de l’absence d’un autre endroit où aller. Ainsi, même une fois que les avertissements ont été donnés, les forces attaquantes doivent encore prendre toutes les précautions possibles pour éviter les pertes de vies et biens civils. Cela inclut l'annulation d'une attaque quand il devient évident que la cible est civile ou que la perte civile serait disproportionnée par rapport à l'avantage militaire attendu.
 
Les lois de la guerre interdisent également « les actes ou menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile » (art. 51 du Protocole I). Les déclarations appelant à l'évacuation des zones qui ne sont pas de véritables mises en garde, mais sont principalement destinées à provoquer la panique parmi les résidents ou les obliger à quitter leurs foyers pour des raisons autres que leur sécurité, seraient soumises à cette interdiction. Cette interdiction ne tente pas de répondre aux effets des attaques légitimes, qui provoquent habituellement la peur, mais plutôt aux menaces ou attaques contre des civils qui ont ce but précis.

5. Quelles sont les protections juridiques relatives aux hôpitaux, au personnel médical et aux ambulances ?

Les unités sanitaires sont des biens civils qui disposent de protections spéciales en vertu des lois de la guerre. Elles comprennent les hôpitaux, les cliniques, les centres médicaux et les établissements similaires, qu’ils soient militaires ou civils. Bien que d'autres structures présumées civiles deviennent des objectifs militaires si elles sont utilisées à des fins militaires, les hôpitaux ne perdent leur protection contre les attaques que s’ils sont utilisés, en dehors de leur fonction humanitaire, afin de commettre des « actes nuisibles à l'ennemi » (art. 19 de la 4e Convention de Genève). Plusieurs types d'actes ne constituent pas des « actes nuisibles à l'ennemi », comme la présence de gardes armés, ou lorsque des armes légères appartenant aux blessés sont trouvées dans l'hôpital. Même si les forces militaires font un usage impropre d’un hôpital pour stocker des armes ou abriter des combattants valides, la force attaquante doit émettre un avertissement de cesser ce détournement, en fixant un délai raisonnable pour y mettre fin et en attaquant seulement après qu’un tel avertissement ait été ignoré.

Selon les lois de la guerre, les médecins, le personnel infirmier et autre personnel médical doivent être autorisés à faire leur travail et être protégés en toutes circonstances. Ils ne perdent leur protection que s'ils s'engagent, en dehors de leur fonction humanitaire, dans des actes nuisibles à l'ennemi.

De même, les ambulances et autres moyens de transport médicaux doivent être autorisés à fonctionner et être protégés en toutes circonstances. Ils ne perdent leur protection que s’ils sont utilisés pour commettre des actes nuisibles à l'ennemi, comme le transport de munitions ou de combattants en bonne santé.

6. Israël a-t-il le droit d’attaquer des mosquées dans la bande de Gaza ?

Les mosquées, comme tous les lieux de culte, sont des objets présumés civils qui ne peuvent pas être attaqués sauf s’ils sont utilisés à des fins militaires, comme un quartier général militaire ou un emplacement pour stocker des armes et des munitions. Toutes les parties doivent prendre des précautions particulières lors d’opérations militaires afin d’éviter d'endommager les lieux de culte et autres biens culturels.

7. Les tirs de roquettes du Hamas sur Israël sont-ils légitimes ?

En tant que parties au conflit armé, le Hamas et autres groupes armés palestiniens sont tenus de respecter le droit international humanitaire. Prendre pour cible des installations militaires et d'autres objectifs militaires est autorisé en vertu des lois de la guerre, mais le Hamas doit prendre toutes les précautions possibles pour éviter des pertes civiles et il lui est interdit de prendre des civils pour cible, ou de lancer des attaques indiscriminées ou des attaques qui causeraient un préjudice disproportionné aux civils par rapport à l'avantage militaire attendu. Les commandants du Hamas doivent choisir les moyens d'attaque qu'ils peuvent diriger contre des cibles militaires et minimiser les dommages fortuits aux civils. Si les armes que le Hamas utilise sont tellement imprécises qu'il ne peut pas les pointer sur des cibles militaires sans imposer un risque important de préjudice civil, il ne devrait pas les déployer.

Les roquettes lancées par les groupes armés palestiniens – des roquettes de fabrication locale à courte portée et améliorées pour une plus longue portée ainsi que quelques roquettes « Grad » de conception russe – sont considérées comme étant si imprécises qu’il est impossible de les diriger de manière à distinguer entre les cibles militaires et les biens de caractère civil lorsque, comme cela a été le cas, elles sont lancées vers des zones peuplées. Cette imprécision et incapacité quant à cibler des objectifs militaires est exacerbée aux distances plus éloignées auxquelles certaines roquettes sont tirées sur Israël.

Des déclarations de la part des groupes armés palestiniens indiquent qu'ils dirigent leurs roquettes sur des centres de population israéliens. L'utilisation de ces roquettes contre des zones civiles viole l'interdiction des attaques délibérées et sans distinction. De même, une partie qui lance des roquettes à partir de zones densément peuplées – rendant ainsi les civils vulnérables à des contre-attaques – peut omettre de prendre toutes les précautions possibles pour protéger les civils sous son contrôle contre les effets des attaques.

8. Israël a-t-il le droit de prendre pour cible les dirigeants du Hamas ainsi que leurs bureaux et leurs domiciles?

Le droit international humanitaire permet de cibler des commandants militaires dans le cadre d'un conflit armé, à condition que de telles attaques soient par ailleurs conformes aux lois qui protègent les civils. Normalement, les dirigeants politiques ne prenant pas part à des opérations militaires, en tant que civils, ne seraient pas des cibles légitimes d'attaques.

Les dirigeants du Hamas qui commandent des forces belligérantes seraient des cibles légitimes. Cependant, étant donné que le Hamas est impliqué dans la gouvernance civile au-delà de sa composante militaire, le simple fait d’être un dirigeant du Hamas ne constitue pas en soi une raison  légale de soumettre une personne à une attaque militaire.

Les combattants ne disposent pas d'immunité contre les attaques dans leurs domiciles et leurs lieux de travail. Cependant, comme pour n'importe quelle attaque contre une cible militaire par ailleurs légitime, la force attaquante doit s'abstenir d'attaquer si cela pouvait affecter de façon disproportionnée la population civile ou si l’attaque serait lancée d'une manière qui ne parvient pas à distinguer entre combattants et civils. En vertu de ce devoir de prendre toutes les précautions possibles pour éviter des pertes civiles, la force attaquante devrait également examiner s’il existe d'autres emplacements où les combattants peuvent être ciblés sans mettre les civils en danger.

Attaquer le domicile d'un combattant qui n'était pas présent à ce moment-là serait une atteinte illégale à un objet civil qui, si elle est effectuée délibérément, constituerait un crime de guerre. Un domicile civil ne perd pas son statut protégé en tant que bien de caractère civil simplement parce que c'est le domicile d'un militant qui n'est pas présent. Dans la mesure où l'attaque est conçue pour nuire à la famille des combattants, il s’agirait également d’une forme de punition collective interdite (voir ci-dessous).

9. Qu'entend-on par « punition collective » de la population civile ?

Les lois de la guerre interdisent la punition d'une personne pour une infraction autre que celle qu'elle a commise personnellement. La punition collective est un terme utilisé en droit international pour décrire toute forme de sanctions et de harcèlement punitifs, ne se limitant pas à des sanctions judiciaires, mais comprenant les sanctions de « toute sorte, administratives, par l'action de la police ou autre », qui sont imposées à des groupes de personnes ciblées pour des actions qu’elles n'ont pas commises personnellement. L'imposition d'une punition collective est un crime de guerre.

Une attaque ou une mesure pourrait équivaloir à une punition collective en fonction de plusieurs facteurs, notamment l'objectif de la mesure et son effet punitif, mais ce qui est particulièrement important c’est l'intention à l’origine d’une mesure donnée. Si l'intention était de punir, purement ou principalement en raison d'un acte commis par des tiers, alors l'attaque est susceptible d'avoir constitué une punition collective.

10. Comment les combattants capturés et les civils en détention doivent-ils être traités ?

Les lois de la guerre n'interdisent pas aux parties belligérantes de détenir des combattants capturés au cours d'un conflit armé.

L'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949, applicable lors des conflits armés non internationaux, exige la protection de toute personne en détention, notamment les combattants capturés et les civils, contre «les atteintes portées à la vie et à l’intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices » ainsi que « les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants ». Aucune condamnation ne peut être prononcée sauf par un « tribunal régulièrement constitué » répondant aux normes internationales d'équité des procès.

L'interdiction de la torture et d'autres mauvais traitements est l’une des interdictions les plus fondamentales du droit international humanitaire et des droits humains. Aucune circonstance exceptionnelle ne peut justifier la torture.

Les lois de la guerre exigent d'une partie à un conflit qu’elle autorise les personnes privées de leur liberté à correspondre avec leurs familles et qu’elle ne refuse pas arbitrairement la demande par le Comité international de la Croix-Rouge de rendre visite aux détenus.

L'article 3 commun aux Conventions de Genève interdit en outre la prise d'otages. Le document « Éléments des crimes » publié en 2011 par la Cour pénale internationale définit la prise d'otages comme la capture ou la détention d'un combattant ou d’un civil, combiné avec la menace de tuer, blesser ou maintenir la personne en détention, avec  « l'intention de contraindre un État, une organisation internationale […] ou un groupe de personnes à agir ou à s'abstenir d'agir » comme condition de la sécurité ou de la libération de cette personne. C’est l'intention spécifique qui caractérise la prise d'otages et la distingue de la privation légale de liberté d'une personne.

11. Israël a-t-il le droit d’attaquer des stations de radio et de télévision du Hamas ?

Les attaques militaires contre des installations de diffusion utilisées pour les communications militaires sont légitimes en vertu des lois de la guerre, mais de telles attaques contre les stations de télévision ou de radio civiles sont par ailleurs interdites parce qu'elles sont des structures civiles protégées et non des cibles militaires légitimes. En outre, si l'attaque est conçue principalement pour saper le moral des civils ou harceler psychologiquement la population civile, il s’agit également d’un but de guerre interdit. Les stations de télévision et de radio civiles ne sont des cibles légitimes que si elles répondent aux critères d'un objectif militaire légitime ; c'est-à-dire si elles sont utilisées d'une manière qui apporte une « contribution effective à l'action militaire » et si leur destruction dans les circonstances du moment offre un « avantage militaire précis » (art. 52 du Protocole I). Plus précisément, les installations de radiodiffusion civiles exploitées par le Hamas pourraient devenir des cibles militaires si, par exemple, elles sont utilisées pour envoyer des ordres militaires ou bien faire progresser concrètement la campagne armée du Hamas contre Israël. Cependant, les installations de radiodiffusion civiles ne deviennent pas des cibles militaires légitimes, simplement parce qu'elles débitent de la propagande pro-Hamas ou anti-israélienne. Tout comme il est illégal d'attaquer la population civile de façon à la démoraliser, il est illégal d'attaquer les établissements qui ne font que façonner l’opinion civile ; et qui ne contribuent pas directement à des opérations militaires.

Si des stations devenaient des objectifs militaires légitimes en raison de leur utilisation pour transmettre des communications militaires, le principe de proportionnalité dans l'attaque doit toujours être respecté. Cela signifie que les forces israéliennes devraient vérifier à tout moment que les risques pour la population civile concernant l’entreprise d’une telle attaque ne l'emportent pas sur les avantages militaires attendus. Elles devraient prendre des précautions particulières en ce qui concerne les bâtiments situés dans les zones urbaines, notamment avertir des attaques chaque fois que possible.

12. Quelle sont les obligations d’Israël et du Hamas envers les agences humanitaires ?

Au regard du droit international humanitaire, les parties à un conflit doivent autoriser et faciliter le passage rapide et sans encombre de l'aide humanitaire distribuée de manière impartiale à la population dans le besoin. Les parties belligérantes doivent consentir à permettre aux opérations de secours de se dérouler et ne peuvent pas refuser un tel consentement pour des motifs arbitraires. Elles peuvent prendre des mesures pour veiller à ce que les expéditions ne comprennent pas des armes ou autre matériel militaire. Cependant, l’entrave délibérée des secours est interdite.

En outre, le droit international humanitaire exige que les parties belligérantes garantissent la liberté de mouvement du personnel de secours humanitaire essentielle à l'exercice de leurs fonctions. Ce mouvement ne peut être limité que temporairement pour des raisons de nécessité militaire impérieuse.

13. Qui peut être tenu responsable de violations du droit international humanitaire ?

Les violations graves des lois de la guerre qui sont commises avec une intention criminelle sont des crimes de guerre. Les crimes de guerre énumérés dans les dispositions relatives aux « infractions graves » des Conventions de Genève et en tant que droit coutumier dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (art. 8) et d'autres sources, comprennent un large éventail d'infractions, notamment les attaques délibérées, indiscriminées ou disproportionnées qui mettent en danger la vie des civils, les prises d'otages, l’utilisation de boucliers humains et le recours à des formes de punition collective, entre autres. Les personnes peuvent également être tenues pénalement responsables pour avoir tenté de commettre un crime de guerre, ainsi que pour avoir participé à, facilité, aidé ou encouragé un crime de guerre.

La responsabilité peut également incomber aux personnes qui envisagent ou incitent à la commission d'un crime de guerre. Les commandants et les dirigeants civils peuvent être poursuivis pour crimes de guerre comme une question de responsabilité de commandement, alors qu'elles avaient ou auraient dû avoir connaissance de la commission de crimes de guerre et ont pris des mesures insuffisantes pour les prévenir ou punir les responsables.

Les États ont l'obligation de mener des enquêtes et des poursuites équitables contre les personnes sur leur territoire impliquées dans des crimes de guerre.

14. Les crimes de guerre allégués peuvent-ils être jugés par la Cour pénale internationale ?

La Cour pénale internationale (CPI) est un tribunal international permanent ayant pour mandat de faire enquête, mettre en accusation et juger les personnes soupçonnées de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis après le 1er juillet 2002. Cela peut inclure les personnes soupçonnées d'avoir ordonné ou aidé de tels crimes, ou les commandants politiques ou militaires dont les subordonnés commettent ces crimes et qui omettent de prendre des mesures raisonnables pour les prévenir. Toutefois, la Cour ne peut exercer sa compétence sur ces crimes que dans certaines conditions (art. 11-13 du Statut de Rome) :

  1. Les crimes ont été commis sur le territoire d'un État qui est partie au traité de la CPI ;

  2. La personne accusée des crimes est ressortissante d'un État qui est partie au Statut de la CPI ;

  3. Un pays qui n'est pas un État partie au Statut de la CPI accepte l'autorité de la Cour pour les crimes en question en soumettant une déclaration officielle à la cour ; ou

  4. Le Conseil de sécurité de l'ONU défère la situation au Bureau du Procureur de la CPI.

Ni Israël ni la Palestine n’est un État partie au Statut de Rome, le traité instituant la CPI. Israël a signé, mais n'a pas ratifié le Statut de Rome et a annoncé en 2002 ne pas avoir l'intention de devenir un État partie.

En janvier 2009, l’Autorité nationale palestinienne a déposé auprès du Greffier de la CPI une déclaration acceptant la compétence de la Cour, mais le Bureau du Procureur a déterminé en avril 2012 (ang fra) que la déclaration ne pouvait être considérée comme juridiquement valide en raison du statut incertain de la Palestine en tant qu’État à l'époque.

Par la suite, en novembre 2012, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution accordant à l'État de Palestine le statut d’« État non membre observateur » . En avril 2013, la Procureure de la CPI a déclaré que « la balle est maintenant dans le camp de la Palestine », s’agissant d’obtenir la compétence de la CPI.

Depuis la promotion de son statut aux Nations Unies, l'État de Palestine a ratifié de nombreux traités relatifs aux droits humains ainsi que les Conventions de Genève. Cependant, il n'a pas cherché à ratifier le Statut de Rome ou déposé une déclaration d'acceptation de la compétence de la Cour. Les principaux États membres de la CPI, notamment le Royaume-Uni et la France, se sont à différents moments publiquement opposés à la tentative par la Palestine d’accéder à la CPI, une position en contradiction avec leur soutien à l'adhésion universelle à la CPI. Les États-Unis, qui ne sont pas partie au traité, ont adopté une forte position publique contre l'adhésion de la Palestine à la CPI.

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