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Canada : Le comité parlementaire faillit à sa tâche de protéger les femmes autochtones

Le rapport du Comité spécial de la Chambre des communes sur la violence faite aux femmes autochtones ignore la nécessité d'une enquête nationale

(Toronto, le 7 mars 2014) – Un important rapport parlementaire canadien publié le 7 mars 2014 a omis de recommander les mesures nécessaires pour endiguer la violence contre les femmes autochtones, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Le comité n’a pas non plus recommandé une enquête nationale indépendante ni un plan d'action national global sur la violence et n'a fait aucune recommandation pour répondre à l’obligation de rendre des comptes pour les abus commis par des policiers.

Le Comité spécial de la Chambre des communes sur la violence faite aux femmes autochtones a présenté son rapport après une année d'audiences sur les nombreuses violences subies par les femmes et les filles autochtones dans tout le Canada.

« Les faibles recommandations du comité représentent une acceptation du statu quo choquant de la violence contre les femmes et les filles autochtones, même aux mains de ceux-là mêmes qui sont censés les protéger », a déclaré Meghan Rhoad, chercheuse auprès de la division Droits des femmes à Human Rights Watch. « Le statu quo est un état d’insécurité permanente pour les femmes et les filles autochtones qui sont confrontées à des menaces pour leur vie et sentent qu'elles n'ont aucun moyen de protection fiable. »

Les recherches de Human Rights Watch publiées en février 2013 ont documenté l'échec de la Gendarmerie royale du Canada dans le nord de la Colombie-Britannique quant à protéger les femmes et les filles autochtones contre la violence. Human Rights Watch a également documenté le comportement abusif de la police contre les femmes et les filles autochtones, notamment l'utilisation excessive de la force ainsi que les agressions physiques et sexuelles. La Colombie-Britannique dispose de mécanismes de plaintes contre la police et de procédures de contrôle insuffisants, et il n'existe aucune réglementation nationale pour les enquêtes civiles indépendantes sur tous les cas signalés de graves abus policiers.

Le Parlement a créé le comité spécial multipartite en février 2013 afin de tenir des audiences sur la question des femmes autochtones assassinées et disparues et de proposer des solutions pour s'attaquer aux causes profondes de la violence contre les femmes autochtones. Human Rights Watch a déclaré que la création d’une commission parlementaire était une mesure positive mais qu’elle ne saurait se substituer à une commission nationale d'enquête politiquement indépendante sur les violences.

Le 30 janvier 2014, des représentantes de Human Rights Watch ont témoigné devant le comité au sujet de l'importance d'une enquête nationale et de la nécessité d'une plus grande responsabilisation pour les abus commis par des policiers.

Le rapport officiel de la commission contient 16 recommandations, notamment des appels à une campagne de sensibilisation du public, des peines « appropriés » pour les criminels et la création d’une base de données ADN pour les personnes disparues, qui avaient déjà été annoncées dans le budget du gouvernement. Au lieu de recommander l’élaboration d'un plan d'action national global, le comité a appelé à un « plan d'action » pour mettre en œuvre ses recommandations. Les recommandations du comité pour une Déclaration des droits des victimes et pour que les pouvoirs publics envisagent d'améliorer la collecte de données sur la violence contre les femmes autochtones sont des étapes importantes, mais les recommandations dans leur ensemble sont insuffisantes pour répondre à l’ampleur du problème, selon Human Rights Watch.

La composition du comité a reflété l'équilibre politique au Parlement, où le Parti conservateur détient la majorité des sièges. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le Parti libéral ont tous les deux publié des rapports dissidents le 7 mars, recommandant tous les deux une enquête nationale et un plan d’action. En expliquant le désaccord du parti, le NPD a déclaré que le rapport officiel du comité « ne stipule pas qu'il y a une urgence de sécurité publique se déroulant dans tous les coins du pays et qu'une réponse coordonnée est nécessaire pour réduire les taux élevés de violence contre les femmes et les filles autochtones. » Le rapport dissident du Parti libéral a indiqué que le rapport du comité officiel « ne recommande pas de mesures concrètes, mais au lieu de cela fait une série de recommandations exploratoires visant à maintenir le cap. »

L'Association des femmes autochtones du Canada a recueilli des données montrant qu’à l'échelle nationale, entre les années 1960 et 2010, 582 femmes et filles autochtones ont été portées disparues ou ont été assassinées au Canada. Trente-neuf pour cent de ces cas sont survenus après 2000. Les données complètes ne sont plus disponibles depuis que le gouvernement a interrompu le financement pour la base de données de l'organisation, et les forces de police du Canada ne recueillent pas systématiquement les données sur la race et l'ethnicité.

Plus d'une douzaine de pays ont soulevé la question lors de l'examen périodique de la situation des droits humains au Canada par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies en avril. Tant le Comité de l’ONU sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes que la Commission interaméricaine des droits de l'homme ont envoyé des délégations au Canada pour enquêter.

Suite à une visite effectuée en octobre 2013, le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits des peuples autochtones, James Anaya, a approuvé la demande d'une enquête nationale. Les provinces et territoires du Canada, l'Assemblée des Premières Nations et un grand nombre d’organisations ont lancé des appels similaires. Les enquêtes nationales publiques permettent de mener des investigations impartiales sur des questions revêtant une importance nationale.

« Le rapport du comité confirme la préoccupation exprimée dès le début par les sceptiques au sujet de la mise en place d'un comité – à savoir que le gouvernement l’utiliserait pour éviter de prendre des mesures décisives sur la question », a conclu Megan Rhoad. « Avec ce que nous avons appris sur la violence contre les femmes autochtones du Canada, la nécessité d'une enquête nationale politiquement indépendante n’a jamais été plus évidente. »

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