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Guinée : Accusations contre des hauts responsables relatives au massacre de 2009

Il faut suspendre les accusés de leurs fonctions gouvernementales et protéger les juges et les victimes

(Nairobi) – Le panel national des juges de la Guinée enquêtant sur le  massacre et les viols commis en 2009 dans un stade de la capitale du pays a franchi une étape importante le 28 juin 2013, en accusant un suspect de haut niveau, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Étant donné les risques potentiels d'interférence avec l'enquête, le gouvernement devrait placer le suspect en congé et prendre des mesures supplémentaires pour protéger les juges, les témoins et les victimes.

Le suspect, le lieutenant-colonel Claude « Coplan » Pivi, est le ministre guinéen chargé de la sécurité présidentielle, un poste qu'il occupait déjà au moment des crimes de 2009. Selon les médias, Pivi a été inculpé de meurtres, viols, incendies, pillage, destruction d’édifices et complicité. Conformément au droit international, Pivi est présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit jugé et reconnu coupable.

« Les juges ont fait un pas important en faveur de la justice pour le massacre et les viols du stade commis en 2009 en portant des accusations contre une autorité influente de haut niveau », a déclaré Elise Keppler, conseillère senior pour la division Justice internationale de Human Rights Watch. « Les autorités guinéennes doivent désormais faire preuve de leur engagement pour la justice en mettant Pivi en congé afin qu'il ne soit pas en mesure d'influencer l'enquête. »

Le 28 juin, Pivi a brièvement comparu devant les juges, qui à cette occasion lui ont notifié que des accusations avaient été portées contre lui. Le 4 juillet, Pivi devrait de nouveau comparaître devant les juges pour interrogatoire.

Human Rights Watch a largement documenté les crimes de 2009 et suivi l'enquête de près. Le 28 septembre 2009, plusieurs centaines de membres des forces de sécurité guinéennes avaient fait irruption dans un stade de la capitale de la Guinée, Conakry, et ouvert le feu sur des dizaines de milliers de partisans de l'opposition qui s’y étaient rassemblés pacifiquement. En fin de journée, au moins 150 Guinéens gisaient morts ou mourants, et des dizaines de femmes avaient subi des violences sexuelles brutales, notamment des viols individuels et collectifs.

Human Rights Watch, une Commission internationale d'enquête soutenue par les Nations Unies, ainsi que d’autres organisations indépendantes de défense des droits humains ont identifié Pivi comme quelqu'un dont le rôle éventuel dans les crimes devrait être étudié.

« Le caractère sensible de l’accusation d'un tel officier de haut rang entraîne un risque accru aussi bien pour les juges que pour les témoins et les victimes », a remarqué Elise Keppler. « Les autorités guinéennes doivent veiller à ce que les juges, les témoins et les victimes soient protégés contre les menaces. »

Le panel de juges a fait d'importants progrès dans l'enquête. Ils ont interrogé plus de 200 victimes et mis en accusation au moins 8 personnes, dont Pivi et d'autres officiers militaires de haut rang.

Parmi les autres accusés figurent le ministre de la Guinée en charge de la lutte contre le trafic de drogue et le crime organisé, le colonel Moussa Tiégboro Camara, et le colonel Abdoulaye Chérif Diaby, ministre de la Santé à l'époque. Un autre suspect clé que les juges ont mis en accusation, le lieutenant Abubakar « Toumba » Diakité, est toujours en fuite.

Toutefois, l'enquête a  souffert d’un manque de soutien matériel et de préoccupations concernant la sécurité des juges. Et l'enquête n'est toujours pas conclue près de quatre ans après les faits. Certains suspects ont déjà été en détention préventive plus longtemps que les deux ans autorisés par la loi guinéenne.

En décembre 2012, Human Rights Watch a identifié plusieurs critères clés que le gouvernement guinéen devrait remplir pour soutenir les juges afin qu’ils puissent achever leur enquête. Il s’agit notamment de s’assurer que les juges disposent de ressources et de sécurité adéquates, d’établir un programme de protection des témoins et des victimes, et de traiter une demande adressée depuis deux ans au gouvernement du Burkina Faso visant à interroger l'ancien président de la Guinée, Dadis Camara, qui vit dans ce pays.

Ce rapport de Human Rights Watch a également exhorté le gouvernement à suspendre certains suspects  – à savoir le colonel Moussa Tiégboro Camara et le lieutenant-colonel Pivi –  de leurs fonctions gouvernementales lorsqu’il existe un risque qu'ils pourraient interférer avec l'enquête. Cela est particulièrement important étant donné le rôle prépondérant que joue l'armée dans la société guinéenne.

Le 14 octobre 2009, le bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a confirmé que la situation en Guinée faisait l'objet d'examen préliminaire – une étape qui peut ou non conduire à l'ouverture d'une enquête. La CPI a suivi de près la situation et a joué un rôle central dans le maintien de l’obligation de rendre des comptes sur l'agenda du gouvernement. Elle a également favorisé les progrès en se rendant régulièrement en Guinée et en s’entretenant avec les médias locaux.

« Les victimes en Guinée sont désespérément en attente de voir la justice rendue pour les crimes odieux commis le 28 septembre 2009 et les jours suivants », a conclu Elise Keppler. « Une enquête et des poursuites justes sont essentielles pour apporter réparation aux victimes et pour donner un signal fort qu’il est mis un terme définitif à l'impunité de longue date pour les abus commis par des membres des services de sécurité. »
 

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