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Canada: La Gendarmerie royale fait bloc face aux accusations de comportement abusif

Des mécanismes indépendants doivent être créés d’urgence pour enquêter sur les allégations d'abus policiers

(Prince George, le 19 février 2013) –Des propos tenus, selon la presse, par le Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Bob Paulson, démontrent la nécessité de mettre sur pied un mécanisme juridique civil indépendant pour enquêter sur les violations des droits humains commises par la police canadienne, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Dans un courriel daté de la fin de la semaine dernière et portant sur un récent rapport de Human Rights Watch qui documentait des mauvais traitements subis de la part de la police par des femmes et des filles autochtones, dans le nord de la Colombie-Britannique, Bob Paulson aurait déclaré aux membres de la GRC : « Le message que je vous adresse aujourd’hui est – n’en tenez pas compte, je vous soutiens».

« La réaction dédaigneuse du commissaire Paulson est de mauvais augure, et illustre bien les défis auxquels sont confrontées les victimes de la GRC », a déclaré Meghan Rhoad, chercheuse auprès de la division du Droit des femmes à Human Rights Watch. « Ses propos démontrent la nécessité d’une enquête sur les plaintes relatives à des exactions policières , menée par un organe civil indépendant qui n’ait pas un réflexe automatique d’autodéfense dès que des comportements répréhensibles sont  révélés ».

Bob Paulson a également écrit que la GRC avait « tenté de persuader [Human Rights Watch] de fournir des noms et des détails relatifs à ces allégations, afin qu’elles puissent faire l’objet d’enquêtes, en conformité avec notre politique en la matière. Sinon à nous, du moins à n’importe quel autre organe d’investigation. Jusqu’à ce jour, cette organisation a refusé».

Dans ce rapport de 96 pages, intitulé « Ceux qui nous emmènent: Abus policiers et lacunes dans la protection des femmes et filles autochtones dans le nord de la Colombie-Britannique, au Canada», Human Rights Watch a documenté les défaillances persistantes de la police en matière de protection des femmes et des filles autochtones dans le nord contre la violence, ainsi que le comportement violent de la part de certains policiers à leur encontre. Ces défaillances et mauvais traitements aggravent les tensions existant de longue date entre la GRC et les communautés autochtones de la région, selon Human Rights Watch.

Human Rights Watch a évité d’inclure dans son rapport certains détails pouvant permettre d’identifier les victimes d’actes de violence policière, à la demande expresse des femmes et des filles autochtones concernées, qui exprimaient la crainte de subir des représailles de la part de la police. Cependant, le rapport contient suffisamment d’informations et de recommandations pour que la GRC puisse commencer, d’une manière générale, à remédier aux lacunes existant dans le domaine de la protection des populations autochtones. Les mécanismes existants qui ont compétence pour recevoir des plaintes contre la police – dont la Commission des plaintes publiques contre la GRC  – n’ont pas l’indépendance, l’efficacité ou la capacité de fournir une protection adéquate aux victimes et aux témoins qui sont nécessaires à une véritable responsabilisation de la police, a affirmé Human Rights Watch.

En septembre 2012, la législature de la Colombie-Britannique a créé le Bureau des enquêtes indépendantes (Independent Investigations Office, IIO) pour fournir des enquêtes criminelles civiles indépendantes sur les incidents relatifs à la police concernant des préjudices graves. Toutefois, le champ de compétence de ce bureau n’inclut pas le viol et les autres formes d’agression sexuelle.

« Un agent de police de Colombie-Britannique qui a violé une femme n’a guère de souci à se faire à l’heure actuelle car il n’existe aucun organe civil indépendant qui ait compétence pour enquêter sur un tel crime »,a ajouté Meghan Rhoad. « Il s’agit là d’un simulacre de justice pour les victimes, ainsi que pour les agents de police qui ont un comportement honorable. »

Le 16 février, la CBC (Canadian Broadcasting Corporation) a rapporté qu’un porte-parole de la GRC avait également contesté les données chiffrées relatives aux femmes autochtones victimes de meurtre ou portées disparues, recueillies par l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) avant que le financement fédéral de leurs recherches ne se tarisse en 2010. Ce financement a par la suite été réaffecté à la GRC mais les forces de police du Canada ne recueillent pas de manière systématique de données relatives à l’ethnicité. En conséquence, il n’existe plus de décompte du nombre de femmes et de filles autochtones qui ont disparu ou ont été tuées, depuis la fin du projet de recherche de l’AFAC.

« Il est déjà suffisamment honteux que la GRC ne tienne pas de décompte des femmes et des filles autochtones tuées ou portées disparues. Mais maintenant, la GRC s’attaque aux efforts déployés par l’AFAC pour combler cette lacune », a conclu Meghan Rhoad. « Plutôt que de s’en prendre aux messagers qui ont signalé ses défaillances, la GRC ferait mieux de réfléchir sérieusement aux moyens d’améliorer ses prestations dans le domaine de la sécurité des femmes et des filles autochtones. »

Les propos du responsable de la GRC ont suivi de quelques jours un discours du Premier ministre canadien, Stephen Harper, à la Chambre des Communes, dans lequel il appelait Human Rights Watch et d’autres organisations à « tout simplement le faire » («just get on and do it») -- c'est-à-dire fournir des informations détaillées à la police afin qu'elle puisse enquêter sur les accusations de violences policières.

Le 19 février, le Conseil tribal Carrier Sekani devait tenir une conférence de presse afin d’exprimer son approbation du contenu du rapport de Human Rights Watch. Parmi les orateurs, devaient figurer Mavis Erickson, le représentant de l’organisation pour les questions relatives aux femmes; Terry Teegee, un chef de la tribu Carrier Sekani; Mary Teegee, directrice des affaires familiales de la tribu Carrier Sekani; Vivian Tom, conseiller de la nation autochtone Wetsewut'en; et Brenda Wilson, dont la sœur a disparu à l’âge de 16 ans en 1994 et a été retrouvée assassinée 10 mois plus tard à proximité de l’autoroute 16.

Cette autoroute est surnommée « l’Autoroute des larmes »à cause de toutes les femmes et filles qui ont disparu ou ont été tuées à proximité.

Les participants à la conférence devaient mettre notamment l’accent sur la crainte de représailles policières qui est répandue au sein des communautés autochtones dans le nord de la Colombie-Britannique. Human Rights Watch devait prendre la parole lors de cette conférence de presse, afin de réitérer l’engagement de l’organisation à respecter les souhaits des victimes en ce qui concerne leur décision de dénoncer publiquement ou non les violences policières et sur les modalités d’une telle démarche.

 

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