(Londres, le 26 juillet 2012) – La participation de deux athlètes saoudiennes aux Jeux olympiques de Londres est une première étape importante, bien qu’insuffisante pour résoudre les problèmes de discrimination liée au genre qui sont solidement implantés en Arabie saoudite, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. L’Arabie saoudite devrait mettre un terme à l’interdiction en vigueur qui empêche des millions de femmes et de filles de pratiquer un sport dans le royaume.
Deux athlètes féminines représenteront l’Arabie saoudite : Wujdan Shahrkhani en judo et Sarah Attar en athlétisme. Cette dernière, qui vit et s’entraîne à l’étranger, a indiqué : « J’espère que cela se traduira par de grandes avancées pour que, là-bas, les femmes puissent s’impliquer davantage dans des activités sportives. » Le Comité international olympique (CIO) a déclaré que les deux femmes ont été invitées aux épreuves en vertu de la clause d’« universalité », qui permet l’inscription d’athlètes non qualifiés par leurs performances lorsque leur participation est jugée importante « pour des raisons d’égalité ».
« Deux femmes vont concourir au sein de l’équipe saoudienne pour la première fois dans l’histoire des Jeux olympiques : c’est une première étape », a expliqué Minky Worden, directrice de la Division Initiatives mondiales à Human Rights Watch. « Mais la course vers l’égalité des sexes en Arabie saoudite ne pourra être gagnée tant que les millions de femmes et de filles actuellement privées de l’opportunité de pratiquer des sports ne pourront également exercer ce droit. »
Le 5 juillet 2012, un fonctionnaire du ministère des Sports saoudien a rejeté une requête présentée par des citoyens ordinaires afin qu’ait lieu un tournoi sportif féminin de ramadan proposant basket-ball, volley-ball et football. Les organisateurs avaient précisé que l’événement « se conformerait aux exigences de la charia et de la législation nationale, comme la non-mixité des genres, [l’obtention de] l’approbation des tuteurs et le respect d’une tenue vestimentaire modeste ». Ce fonctionnaire n’a fourni aucun motif en refusant l’autorisation du tournoi.
L’Arabie saoudite est le seul pays au monde qui prive les filles d’activités sportives dans les écoles publiques. Dans le domaine du sport, il n’existe aucune infrastructure gouvernementale pour les femmes, l’ensemble des bâtiments, clubs et parcours, ainsi que les postes d’entraîneur et d’arbitre, étant exclusivement réservés aux hommes.
L’interdiction visant les clubs sportifs privés, payants et adéquatement équipés, destinés aux femmes, a contraint les Saoudiennes à se limiter le plus souvent aux installations de « remise en forme » généralement associées à des hôpitaux, mais celle-ci disposent rarement de piscines, de pistes de course ou de terrains de sports collectifs. De plus, les frais d’adhésion y sont trop élevés pour bon nombre des femmes et filles de ce pays.
Les organismes sportifs officiels ne mettent en place aucune compétition pour les athlètes féminines du royaume et n’apportent aucun soutien aux sportives saoudiennes lors des rencontres nationales ou internationales.
Ces formes de discrimination fondées sur le genre constituent une violation manifeste de la Charte olympique, qui énonce dans son 6ème principe fondamental de l’Olympisme que « toute forme de discrimination », y compris lorsqu’elle s’appuie sur des considérations de sexe, « est incompatible avec l’appartenance au Mouvement olympique ».
L’Arabie saoudite présente l’un des bilans les plus médiocres en matière de droits des femmes, comme Human Rights Watch l’a exposé en détail, notamment dans son rapport intitulé « Perpetual Minors » (« Mineures à perpétuité »). Le gouvernement interdit aux femmes de conduire un véhicule et impose un système de « tutelle masculine » qui réduit les Saoudiennes à la condition de mineures dans tous les aspects de la vie. Il existe aussi une ségrégation stricte en fonction du genre qui entrave la liberté des femmes de quitter leur maison, de travailler, de participer à la vie publique, d’accéder aux bureaux du gouvernement et aux tribunaux, ou de solliciter des soins médicaux.
« Les femmes et les filles saoudiennes ne peuvent pratiquer aucun sport, et ne peuvent même pas regarder une compétition dans un stade », a précisé Minky Worden.
Depuis longtemps, Human Rights Watch exhorte le CIO à user de son influence auprès de l’Arabie saoudite pour que les responsables sportifs de ce pays respectent les valeurs et les principes du Mouvement olympique en adoptant des politiques bénéfiques pour toutes les femmes et filles saoudiennes, notamment :
• Établir un calendrier et des critères afin d’ajouter l’éducation physique aux matières obligatoires pour les filles dans les écoles publiques et privées.
• Autoriser l’ouverture de salles et de clubs de sports pour les femmes.
• Créer des départements féminins au ministère des Sports (Présidence générale de la Protection de la jeunesse) et au Comité national olympique.
« Les spectateurs du monde entier devraient acclamer Wujdan Shahrkhani et Sarah Attar qui, à Londres, laissent leur empreinte dans l’Histoire, mais sans oublier pour autant les millions de femmes et de filles qui, en Arabie saoudite, ne peuvent qu’être spectatrices en coulisses », a déclaré Minky Worden. « Le CIO peut amener le ballon bien plus près du but pour le sport féminin en indiquant clairement qu’à l’avenir, si on ne joue pas selon les règles, on ne jouera pas du tout. »