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Arabie saoudite/CIO : La participation annoncée de femmes saoudiennes aux JO n’est qu’un début

L’envoi d’une délégation féminine aux Jeux olympiques de Londres de 2012 doit être le point de départ de réformes concrètes

(New York, le 23 mars 2012) – L’annonce selon laquelle l’Arabie saoudite va probablement envoyer pour la première fois une délégation féminine aux Jeux Olympiques (JO) de Londres en 2012 est le signe d’un recul de la discrimination généralisée qui touche les Saoudiennes dans le domaine du sport, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Toutefois, l’Arabie saoudite reste en infraction avec la Charte olympique car le royaume viole de manière systématique le droit des femmes à participer de manière significative à la pratique sportive dans le pays et le Comité international olympique (CIO) devrait user de son influence pour contribuer à faire changer durablement la situation des Saoudiennes.

« L’envoi par l’Arabie saoudite d’une délégation féminine aux JO de Londres ne changera pas en soi le fait que, dans ce pays, les filles et les femmes saoudiennes sont exclues de la pratique sportive » a observé Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch.« Le CIO ne devrait pas trop se réjouir alors que, dans les écoles d’État d'Arabie saoudite, les jeunes filles n’ont par principe pas le droit de participer aux cours d’éducation physique. »

L’Arabie saoudite est l’un des trois seuls pays qui n’ont jamais envoyé d’athlète de sexe féminin aux Jeux olympiques. Les deux autres, le Qatar et le Brunei, n’empêchent pas les femmes de participer à des sports de compétition et leur gouvernement a annoncé qu’il enverrait une délégation féminine aux JO de Londres en 2012.

Comme les médias l’ont récemment révélé, le prince héritier d’Arabie saoudite, Nayef ben Abdel Aziz, a autorisé la participation d’athlètes de sexe féminin aux Jeux de Londres à condition qu’elles « se plient aux principes de la décence féminine et qu’elles respectent la loi islamique. » Dans une déclaration datée du 19 mars 2012, le CIO a indiqué avoir tenu « une réunion très constructive avec le Comité olympique de l’Arabie saoudite à Lausanne » et avoir désormais « la certitude que le pays va faire participer des athlètes et des officiels de sexe féminin aux JO de Londres, conformément aux règles de la Fédération internationale. »

Dans un rapport publié en février 2012, intitulé « ‘Steps of the Devil’:Denial of Women and Girls’ Right to Sport in Saudi Arabia » (« Les pas du diable : L’Arabie saoudite refuse aux femmes et aux filles le droit de pratiquer un sport »), Human Rights Watch décrit la politique discriminatoire systématique menée par le gouvernement saoudien à l’encontre des femmes dans les domaines du sport et de l’éducation physique :

  • les filles saoudiennes, contrairement aux garçons, ne bénéficient d’aucune éducation physique dans les écoles d’État ;
  • en 2009 et 2010, le gouvernement a fermé les salles de sport destinées aux femmes sous prétexte que ces dernières n’avaient pas de licence, après avoir refusé de délivrer des licences à des femmes qui en avaient fait la demande ;
  • ni le Comité national olympique saoudien, ni les fédérations sportives saoudiennes, ni les 153 clubs de sports du pays règlementés par le ministère ne sont dotés d’une section féminine ;
  • l’absence d’infrastructures sportives réservées aux femmes prive les femmes et les filles de toute pratique.

Human Rights Watch a appelé à l’engagement rapide de vraies réformes, à savoir de mettre en place des programmes d’éducation physique pour les filles dans les écoles saoudiennes, de créer des équipes féminines dans les clubs de sports et d’allouer au ministère de la Jeunesse, au Comité olympique saoudien et aux fédérations sportives saoudiennes des fonds dédiés à la pratique sportive des femmes.

« Nous partageons l’espoir désormais renforcé que les femmes saoudiennes participent aux JO, mais il est temps que le CIO fasse pression sur le gouvernement saoudien afin qu'il se conforme à la Charte olympique et qu'il amorce un changement profond de la politique d'accès au sport pour les femmes et les filles », a déclaré Sarah Leah Whitson.

Quatre mois avant le coup d’envoi des 30e JO d’été à Londres, Human Rights Watch appelle le CIO à inscrire à l’ordre du jour de la réunion de son Comité exécutif, qui se tiendra le 23 mai à Québec (Canada), le manquement de l’Arabie saoudite à l’obligation de non-discrimination sexuelle prévue par la Charte olympique.

Lors de la publication de son rapport en février, Human Rights Watch avait rappelé que le fait d’exclure les femmes et les filles de toute activité sportive ou physique en Arabie saoudite n’était qu’une facette de la démarche discriminatoire systématique et généralisée dont celles-ci sont victimes dans le pays.

Les Saoudiennes sont privées des droits élémentaires requis pour vivre de façon autonome ; Elles doivent nécessairement obtenir l’autorisation d’un tuteur de sexe masculin (leur père, leur fils ou leur mari) pour pouvoir vaquer à leurs occupations quotidiennes, notamment pour exercer un emploi, étudier, consulter un médecin, créer une entreprise, ouvrir un compte en banque, voyager ou se marier. Bien que l’Arabie saoudite se soit engagée à réformer son système de tutelle en 2009, elle n’a encore pris aucune mesure tangible dans ce sens.

En outre, les femmes font l’objet d’une ségrégation légale dans les lieux publics, notamment sur le lieu de travail, dans les écoles et les universités. Human Rights Watch a déclaré que l’élimination de la discrimination dans le sport pourrait contribuer à affaiblir le système de tutelle et d’autres pratiques préjudiciables.

« La lutte contre les discriminations à l’égard des femmes et des filles en Arabie saoudite peut être comparée à une course de relais, où la participation d’une délégation féminine aux JO reviendrait à remporter la première partie de la course », a conclu Sarah Leah Whitson. « Pour que la victoire se concrétise, le gouvernement saoudien devrait prendre immédiatement des mesures concrètes pour mettre fin aux discriminations envers les femmes dans le sport. »

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