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Thaïlande : Le gouvernement devrait veiller aux droits des manifestants détenus

L’adoption d’un Décret d’urgence soulève des inquiétudes en matière de mauvais traitements des détenus

(New York, le 20 mai 2010) - Le gouvernement thaïlandais devrait s'assurer que les individus détenus en vertu des réglementations d'urgence suite à la récente violence politique qui a touché le pays ne sont pas gardés dans des lieux secrets et ne font pas l'objet de mauvais traitements, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.

Cette semaine, les forces de sécurité thaïlandaises ont dispersé de force des milliers de partisans du Front uni pour la démocratie contre la dictature (UDD), plus connus sous le nom de Chemises rouges, qui avaient établi un camp dans le quartier commercial de Bangkok depuis mars et s'étaient livrés à des actions de plus en plus violentes. Le gouvernement a arrêté plusieurs dirigeants de l'UDD et nombre de ses sympathisants.

« Cette terrible crise ne doit pas servir d'excuse pour maltraiter les manifestants détenus ou pour les maintenir en détention secrète », a déclaré Elaine Pearson, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Ceux qui ont commis des délits devraient être inculpés en bonne et due forme, mais tous devraient être traités conformément aux normes internationales relatives aux droits de l'homme et selon une procédure régulière. »

Le 7 avril 2010, le Premier ministre Abhisit Vejjavija a déclaré l'état d'urgence à Bangkok et dans d'autres provinces suite aux manifestations de l'UDD et aux atteintes à la loi qu'elle avait perpétrées. Les tensions se sont aggravées depuis le 14 mai, se concluant par les combats de rue les plus violents qu'ait connus la Thaïlande depuis des décennies alors que les forces de sécurité gouvernementales s'en prenaient à des militants anti-gouvernement lourdement armés mêlés à des manifestants de l'UDD non violents à Bangkok. Les affrontements armés se sont soldés par au moins 52 morts et plus de 450 blessés, et la violence s'est propagée à d'autres régions du pays.

Le recours par le gouvernement thaïlandais à son draconien Décret d'urgence sur l'administration publique en régime d'état d'urgence (« Décret d'urgence ») soulève des interrogations quant à un éventuel non-respect des droits des manifestants détenus, a ajouté Human Rights Watch. Le Décret d'urgence accorde aux autorités thaïlandaises une immunité juridique et de larges pouvoirs leur permettant de détenir des individus sans chef d'inculpation dans des lieux informels. Il n'assure aux détenus ni une surveillance judiciaire effective ni un accès prompt aux services d'un avocat ou aux membres de leur famille. Le Centre de résolution des situations d'urgence (CRES) du gouvernement n'a pour l'instant pas communiqué d'informations sur le nombre de détenus et sur leurs lieux de détention, d'où une inquiétude grandissante quant à la possibilité de mauvais traitements.

Le risque de « disparitions », de torture et autres mauvais traitements augmente considérablement lorsque les détenus sont gardés au secret dans des lieux non officiels placés sous le contrôle des militaires, qui manquent de formation et d'expérience en matière d'application du droit civil, a précisé Human Rights Watch.

Human Rights Watch a fait part de sa vive préoccupation quant au fait que le Décret d'urgence servirait selon certaines allégations à garder des individus dans des lieux de détention non officiels, tels que des camps militaires, au lieu de postes de police ou de prisons. Le 22 avril, le CRES a ordonné que trois camps militaires situés dans les provinces de Prachinburi et de Kanchanaburi servent à détenir des manifestants. Le 19 mai, on signalait qu'un camp de la police des frontières de la province de Petchaburi servira spécifiquement à détenir et interroger les dirigeants de l'UDD, notamment Jatuporn Prompan, Nathawut Saikua, Veera Musikhapong, Weng Tojirakarn Korkaew Pikulthong, Kwanchai Praipana, Wiphuthalaeeng Pattanaphumthai, Nisit Sinthuprai et Yosvaris Chuklom.

Depuis le 15 avril, le CRES a également sommé des centaines d'hommes politiques, d'anciens représentants du gouvernement, d'hommes d'affaires, d'activistes et d'exploitants de radios communautaires de répondre à des allégations d'implication dans le mouvement de protestation. En vertu du Décret d'urgence, le CRES est habilité à arrêter tous les individus qui ne se présenteraient pas.

« L'utilisation de lieux de détention secrets et le fait que les représentants du gouvernement ne sont pas tenus de rendre des comptes sont deux éléments qui ne peuvent forcément qu'engendrer des atteintes aux droits humains », a conclu Elaine Pearson. « Les personnes arrêtées devraient comparaître devant un juge et être accusées de délit pénal ou relâchées. »

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