(New York, le 20 mai 2010) - Les gouvernements qui se sont engagés à ce que justice soit rendue pour les atrocités commises au Darfour ne devraient pas assister à l'investiture du Président du Soudan, Omar el-Béchir, le 27 mai 2010, a déclaré Human Rights Watch dans une lettre publiée aujourd'hui. Ces gouvernements comprennent les 111 États parties à la Cour pénale internationale (CPI), ainsi que les États-Unis et les autres membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies, qui ont déféré le Darfour à la CPI en 2005.
Le Président el-Béchir fait l'objet d'un mandat d'arrêt émis par la CPI en mars 2009 pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité pour les atrocités commises au Darfour. Le Soudan a systématiquement fait obstruction à la coopération avec les enquêtes et les poursuites menées par la CPI pour les crimes commis au Darfour.
« El-Béchir, qui fuit la justice, devrait être arrêté et non célébré », a déclaré Elise Keppler, conseillère senior du Programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Assister à l'investiture de Béchir enverrait un message terrible aux victimes du Darfour, et ailleurs dans le monde. »
Les États parties à la CPI ont l'obligation de coopérer avec la Cour en vertu du Statut de Rome, qui a créé la CPI, et devraient manifester leur soutien à son travail, a souligné Human Rights Watch. Les directives de l'ONU, qui limitent à des contacts essentiels le contact de représentants de l'ONU avec les personnes recherchées par des cours pénales internationales, stipulent que la présence à « toute cérémonie ou occasion similaire » devrait être évitée.
Assister à l'investiture serait particulièrement malvenu à l'approche de la première conférence d'examen du Statut de Rome de la CPI, qui se déroulera à Kampala, Ouganda, du 31 mai au 11 juin. La conférence d'examen constituera un moment d'attention de grande portée pour le travail de la Cour et une occasion importante pour un État partie d'exposer son engagement envers la cause de la justice internationale, a déclaré Human Rights Watch.
« Les diplomates assistant à l'investiture de Béchir tourneraient en dérision le soutien de leurs gouvernements à la justice internationale », a ajouté Elise Keppler.
Les États membres de l'UE sont confrontés à des questions particulières concernant leur éventuelle participation à l'investiture, a indiqué Human Rights Watch. L'UE a adopté une position commune soutenant la CPI, et l'UE a régulièrement dénoncé le défaut de coopération du Soudan avec les enquêtes de la CPI, et le fait que ce pays n'exécute pas les mandats d'arrêt en instance. En juin 2008, les ministres des Affaires étrangères de l'UE, ainsi que les chefs d'État et de gouvernement de l'UE, se sont publiquement engagés à envisager des « mesures additionnelles » à l'encontre de responsables de non-coopération avec la CPI sur cette question. En outre, le Conseil de l'Europe devrait adopter des conclusions la veille de l'investiture réitérant son soutien inébranlable à la CPI.
« L'UE ne peut pas jouer sur les deux tableaux », a conclu Elise Keppler. « Elle devrait être cohérente dans ses efforts visant à apporter la justice pour les crimes commis au Darfour. »