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Comment ne pas libérer les femmes

Les restrictions imposées aux femmes portant le voile dans les lieux publics constituent une violation de leurs droits au même titre que le voile obligatoire

Publié dans: The Guardian

Le port du voile musulman est redevenu le principal thème d'actualité en Europe. Les mesures de son interdiction actuellement envisagées ou déjà en vigueur, que ce soit à l'échelle nationale ou municipale, que ce soit dans les édifices ou les transports publics, portent atteinte à l'autonomie et à la liberté religieuse des femmes musulmanes. Les arguments invoqués pour justifier ces interdictions peuvent être regroupés en quatre catégories, et aucun de ces arguments ne résiste à un examen sérieux.

L'interdiction du voile permet de libérer la femme. Les idées perçues selon lesquelles le voile est un symbole d'oppression de la femme nuisent énormément à l'un des principes de base de l'égalité des sexes, à savoir le droit des femmes à l'autodétermination et à l'autonomie. Les restrictions imposées aux femmes voilées dans les lieux publics sont des violations de leurs droits au même titre que le port obligatoire du voile. Les enseignantes musulmanes en Allemagne que nous avons interrogées nous ont déclaré qu'elles portaient le foulard par choix. Les interdictions du port du foulard dans certains états (Länder) allemands ont obligé de nombreuses enseignantes à abandonner leur profession et entraîné ainsi une perte d'autonomie, de statut social voire de bien-être matériel. De nombreuses femmes musulmanes en Europe qui portent le voile le font par choix. Pour celles qui y sont contraintes, des interdictions généralisées restreindraient voire élimineraient la possibilité qu'elles ont de recevoir des conseils et de l'aide. Cette situation peut les obliger à rester au foyer et les isoler davantage de la société. Les gouvernements européens doivent soutenir ces femmes en leur donnant un meilleur accès à l'éducation, la justice et à l'emploi, plutôt que d'exercer davantage de pressions sur elles.

Le voile devrait être interdit pour des raisons de sécurité. Une interdiction générale du voile intégral musulman est une réponse disproportionnée à la nécessité légitime de vérifier l'identité d'une personne dans diverses situations, telles que les contrôles à l'aéroport, aux sorties d'école, pendant les démarches dans les bureaux de l'administration publique ou l'encaissement d'un chèque. Des mesures appropriées, définies avec tact, peuvent être adoptées pour respecter à la fois le droit d'une femme d'exprimer ses convictions religieuses et l'obligation d'identification à laquelle elle est soumise. Dans ces situations, une femme portant le voile intégral peut être conduite à un endroit isolé pour dévoiler son visage.

Les interdictions de port de vêtement religieux permettent de préserver la laïcité. La neutralité de l'État requiert que les institutions publiques s'abstiennent d'imposer des opinions religieuses particulières tout en autorisant la libre expression des convictions religieuses au sein de la société. Les interdictions de porter des symboles et des vêtements religieux dans les lieux publics sont plus susceptibles de compromettre que de préserver ce principe. En fait, l'espace public pourrait être perçu comme un lieu interdisant les signes religieux.

L'interdiction du voile est nécessaire à l'intégration. Le port du voile intégral par les enfants d'immigrants et les personnes converties ainsi que les nouvelles immigrantes en Europe s'inscrit en faux contre l'argument selon lequel l'interdiction est nécessaire à l'intégration. Les politiques d'intégration qui exigent des nouveaux arrivants d'apporter des aspects fondamentaux de leur identité sont vouées à l'échec. L'interdiction du voile intégral risque de restreindre plutôt que d'accroître les possibilités de ces femmes à contribuer à la société dans son ensemble.

La polémique sur le port du voile intégral chez les femmes musulmanes reflète à la fois les problèmes complexes inhérents à ce sujet et les réactions passionnelles qu'il suscite. Le droit international relatif aux droits humains n'est pas en mesure de répondre à toutes les questions soulevées, mais peut favoriser un dialogue constructif. Selon ce droit, toute ingérence dans les droits de la personne doit être basée sur un motif légitime et engendrer le moins de restrictions possible.  Au fond, ce débat concerne le rôle de l'État quant à des questions relatives à l'autonomie personnelle, à la religion, ainsi qu'aux convictions et à la conscience individuelles. Les femmes victimes de coercition et d'abus méritent un soutien. Néanmoins, l'interdiction est plus susceptible de leur porter préjudice que de les aider. Les convictions des femmes qui choisissent de porter le voile méritent d'être respectées.

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