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Lettre aux États parties à la Cour pénale internationale concernant la conférence de révision du Statut de Rome

Les discussions constructives façonneront les poursuites qui viseront les crimes les plus graves au cours des années à venir

Aux Ministres des Affaires étrangères des États parties à la Cour pénale internationale

Excellence,

Comme vous le savez, la conférence de révision du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) aura lieu à Kampala (Ouganda) du 31 mai au 11 juin 2010. La conférence de révision est chargée d'examiner un nombre limité d'amendements au traité.[1] Une grande partie de ladite conférence sera consacrée aux négociations portant sur le crime d'agression.

L'Assemblée des États parties a également décidé de faire du « bilan » du système du Statut de Rome une partie intégrante de l'agenda de la conférence de révision.[2] L'inclusion officielle de sessions visant à élaborer des politiques et pratiques pour la CPI et la justice pénale internationale à travers les quatre thèmes identifiés pour la discussion - 1) l'impact de la justice sur les victimes et les communautés frappées, 2) la coopération des États, 3) la complémentarité, et 4) la paix et la justice - montre clairement que la conférence de révision pourrait marquer un tournant décisif. les discussions constructives façonneront les poursuites qui viseront les crimes les plus graves au cours des années à venir.

L'inclusion officielle de sessions visant à élaborer des politiques et pratiques pour la CPI et la justice pénale internationale à travers les quatre thèmes identifiés pour la discussion - 1) l'impact de la justice sur les victimes et les communautés frappées, 2) la coopération des États, 3) la complémentarité, et 4) la paix et la justice - montre clairement que la conférence de révision pourrait marquer un tournant décisif. En un mot, les discussions constructives menées sur ces thèmes tant par les 110 États parties à la CPI que par les États non parties façonneront les enquêtes et poursuites qui viseront les crimes les plus graves aux niveaux national et international au cours des années à venir.

Le choix de l'Ouganda comme lieu pour organiser la conférence de révision confère à l'événement une portée d'autant plus grande qu'il peut contribuer à forger un lien encore plus fort entre la CPI et l'Afrique dans la lutte contre l'impunité. C'est d'autant plus important qu'il existe en Afrique une hostilité à l'égard de la cour, comme l'ont exprimé une poignée d'États non parties par l'entremise de l'Union africaine dans la foulée du mandat d'arrêt délivré par la CPI à l'encontre du Président soudanais Omar el-Béchir. La polémique entourant les poursuites engagées contre le Président Béchir fait également ressortir le rôle essentiel de la lutte contre l'impunité sur la scène internationale et ses implications pour d'autres objectifs politiques et diplomatiques importants.

Ces facteurs illustrent clairement pourquoi un engagement au plus haut niveau de votre gouvernement dans le processus de conférence de révision est si important. Human Rights Watch estime que cet engagement devrait se concrétiser en deux phases : tout d'abord, en veillant à ce que d'éminents membres de votre administration basés dans votre capitale participent au travail préparatoire préalable, et ensuite, en envoyant à Kampala des représentants du plus haut niveau, notamment le chef de l'État et des représentants au niveau ministériel. Ces points sont analysés plus en profondeur ci-après.

I.     Travail préparatoire pour Kampala : Opportunités d'un engagement dans chaque capitale

  • a) Définir la substance du bilan

L'engagement de fonctionnaires de haut niveau dans les capitales de tous les États parties à la CPI devrait commencer bien avant Kampala. En effet, c'est durant la phase préparatoire que seront prises d'importantes décisions de politique générale - dont beaucoup pourront avoir des implications à long terme pour votre gouvernement. Ainsi, un travail préalable sur les grandes lignes du bilan a déjà débuté.

Des pays ont déjà été identifiés comme points focaux pour chacun des thèmes mentionnés plus haut : le Chili et la Finlande dirigent le travail préparatoire relatif à l'impact de la justice sur les victimes ; l'Irlande et le Costa Rica sont responsables de la coopération des États ; le Danemark et l'Afrique du Sud gèrent la complémentarité ; et l'Argentine, la République démocratique du Congo et la Suisse organisent les discussions autour de la paix et de la justice. À ce jour, ces points focaux (pays choisis par le Bureau de l'AEP) ont considérablement progressé dans leur tâche d'identification, entre autres, des modalités, de la substance et des résultats proposés pour le bilan qui sera dressé lors de leurs sessions respectives à Kampala.

La reprise de la session de l'AEP qui aura lieu au siège des Nations Unies à New York du 22 au 25 mars 2010 servira de jalon pour évaluer les progrès opérés et pour élaborer une stratégie relative aux résultats à présenter à Kampala. Human Rights Watch recommande vivement aux fonctionnaires compétents des ministères des affaires étrangères et de la justice de votre gouvernement d'apporter une contribution significative pour chacun des thèmes du bilan alors que l'on pénètre plus avant dans la réflexion autour de ces points.

Un engagement des capitales devrait également garantir que les résultats identifiés pour chaque thème seront appropriés et significatifs, en n'oubliant pas que certains thèmes, entre autres la coopération et la complémentarité, se prêtent plus facilement à des résultats concrets. À cette fin, nous recommandons vivement à votre gouvernement d'identifier et d'élaborer à l'avance des promesses ou engagements spécifiques pour promouvoir les objectifs de ces thèmes en termes pratiques. Les promesses pouvant être annoncées lors de la conférence de révision seraient notamment : la nomination d'un point focal national CPI ou la constitution d'un groupe de travail CPI intra-agences pour les pays qui ne l'ont pas encore fait ; la conclusion d'accords avec la CPI sur l'application des peines, la réinstallation des témoins ou la remise en liberté provisoire ; et la mise en œuvre du Statut de Rome au niveau national.

  • b) Élaborer une stratégie pour les interventions lors de la conférence de révision

Human Rights Watch encourage également votre gouvernement à voir comment utiliser la conférence de révision de Kampala en tant que plateforme servant à faire des interventions constructives en vue de renforcer l'efficacité des tribunaux nationaux et de la CPI dans la lutte contre l'impunité. Il s'agit notamment de déterminer comment procéder lors du bilan, des discussions sur les amendements et des négociations sur le crime d'agression qui feront partie du débat général de haut niveau. Une utilisation stratégique de ces événements peut fortement contribuer à promouvoir le soutien politique en faveur de la cour que votre gouvernement a aidé à créer. Ce soutien politique est tout aussi crucial pour le succès de la CPI que les discussions techniques qui suivront lors de la seconde moitié de la conférence de révision.

  • c) Négocier une déclaration ministérielle

Outre la préparation des événements qui sont inscrits à l'agenda officiel, nous recommandons vivement aux États parties à la CPI d'envisager sérieusement de négocier une déclaration au niveau ministériel, dont les résultats pourraient être adoptés lors de la conclusion du débat général à Kampala. Cette déclaration pourrait viser à exprimer un soutien à la CPI et à son mandat en termes généraux (faisant allusion aux thèmes du bilan sans pour autant se focaliser sur eux). Ici aussi, les négociations préalables nécessaires portant sur le texte méritent l'engagement de fonctionnaires de haut niveau dans les capitales lors de la phase préparatoire de la conférence de révision. Par ailleurs, l'adoption d'une déclaration ministérielle au début de la conférence de révision offrirait un avantage supplémentaire dans le sens où elle donnerait un ton positif en vue des autres interventions lors du bilan et des négociations ultérieures sur les amendements et le crime d'agression. La réussite des négociations et l'adoption d'une déclaration ministérielle garantiraient aussi dès le début des résultats positifs pour la conférence de révision.

II.   Une participation de haut niveau à Kampala est cruciale

La portée et la teneur des discussions de Kampala rendent essentielle la participation de hauts responsables des 110 États membres de la CPI, y compris des chefs d'État/de gouvernement et des ministres, au débat général et tout au long du bilan. L'envergure politique de ces responsables contribuerait à sceller les décisions de politique générale prises pendant la phase préparatoire et à conférer une valeur toute particulière à leur adoption officielle à Kampala. Plus généralement, une participation de haut niveau jouerait un rôle clé en faisant clairement comprendre, notamment aux criminels et criminels en puissance, que la communauté internationale considère comme une priorité la justice pour les victimes des crimes les plus graves que connaît l'humanité.

J'espère que ces suggestions s'avéreront utiles et je me tiens à votre entière disposition pour répondre à toute question que vous seriez susceptible de poser.

Vous remerciant pour l'attention que vous porterez à la présente, je vous prie d'agréer, Excellence, l'expression de ma très haute considération.

Richard Dicker
Directeur du Programme de justice internationale
Human Rights Watch


[1] Comme convenu à la huitième session de l'Assemblée des États parties (AEP) en novembre 2009. Voir AEP, « Conférence de révision », ICC-ASP/8/Res.6, 26 novembre 2009, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/Resolutions/ICC-ASP-8-Res.6-FRA.pdf (consulté le 19 février 2010).

[2] Ibid., paras. 5, 6, Annexe IV.

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