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Guinée : Il faut planifier des élections et exiger des comptes aux responsables d’abus de droits humains

Le nouveau gouvernement devrait rompre avec le passé et mettre fin aux abus

(Dakar) - Les nouveaux dirigeants de la Guinée qui sont arrivés au pouvoir à la suite du coup d'État du mois dernier devraient prendre des mesures concrètes pour rectifier le bilan lamentable de la Guinée en matière de droits humains, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui dans une lettre adressée au leader du coup d'État, le capitaine Moussa Dadis Camara. Ces mesures devraient inclure la traduction en justice de hauts responsables des forces de sécurité pour des abus commis dans le passé et l'organisation sans délai d'élections parlementaires et présidentielle.

Le capitaine Camara est arrivé au pouvoir en tant que dirigeant d'un groupe d'officiers militaires appelé le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), quelques heures seulement après le décès le 22 décembre 2008 de Lansana Conté, Président de la Guinée depuis 24 ans. Les dirigeants du coup d'État ont rapidement suspendu la constitution du pays et interdit toute activité politique et syndicale. M. Camara a promis d'organiser des élections en 2009 et de rendre le pouvoir à un gouvernement dirigé par des civils.

« La Guinée se trouve à un croisement historique », a déclaré Corinne Dufka, chercheuse principale sur l'Afrique de l'Ouest à Human Rights Watch. « L'amélioration des problèmes chroniques de droits humains qui ont sapé les droits civils, politiques, sociaux et économiques de la population guinéenne pendant des décennies doit être une priorité du gouvernement actuel. »

Depuis 2006, Human Rights Watch a effectué des recherches approfondies sur diverses violations de droits humains en Guinée, y compris la torture, les exécutions extrajudiciaires, l'extorsion généralisée et la répression brutale des manifestations. Dans la grande majorité de ces cas, les preuves montrent que ces abus ont été commis par des membres des forces de sécurité, mais le gouvernement a rarement enquêté sur ces cas, et encore moins poursuivi en justice les responsables. Cette absence de poursuites judiciaires, ainsi que la faiblesse du système judiciaire qui est miné par un manque d'indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif, par l'insuffisance des ressources et par la corruption, ne confèrent aux Guinéens ordinaires qu'un maigre espoir de justice.

La lettre inclut des recommandations concernant l'obtention de fonds et le soutien au fonctionnement de deux institutions déjà créées pour enquêter sur les violations de droits humains passées et actuelles. L'une de ces institutions est la Commission d'enquête chargée d'enquêter sur l'assassinat d'au moins 137 manifestants non armés par des forces de sécurité pendant une grève nationale entamée en 2007 contre la détérioration de la situation économique et la mauvaise gouvernance. L'autre institution est l'Observatoire national pour la démocratie et les droits de l'homme, chargée d'enquêter sur les actuelles violations des droits humains et de mener des initiatives d'éducation concernant les droits humains. Les deux institutions ont été créées sous la présidence de Lansana Conté, mais ont été incapables de fonctionner à cause d'un manque de financement, de soutien logistique et de volonté politique.

Dans sa lettre, Human Rights Watch exprime aussi son inquiétude au sujet de la présence au sein de la CNDD d'officiers militaires qui ont été liés à de graves violations de droits et à des crimes, dont la torture. Human Rights Watch a appelé le capitaine Camara à examiner rigoureusement les dossiers des personnes qui occupent actuellement une place au sein du Conseil et du gouvernement récemment nommé. Le nouveau gouvernement devrait exiger des comptes, conformément aux normes internationales relatives aux procès équitables, à tout individu qui aurait selon des preuves crédibles commis dans le passé des violations de droits humains ou des activités criminelles.

« Pendant trop longtemps, les Guinéens ont souffert d'abus commis par le gouvernement, et se sont vu refuser le droit fondamental d'élire librement et en toute transparence leurs représentants », a affirmé Mme Dufka. « Afin de rectifier cette situation préoccupante, les nouveaux dirigeants de la Guinée devront lever l'interdiction de toute activité politique et syndicale, organiser des élections et prendre des mesures concrètes pour s'attaquer aux origines des problèmes chroniques en matière de droits humains dans ce pays. »

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