Mourir pour le changement
Les forces de sécurité guinéennes répondent par la brutalité et la répression à une grève générale
Carte de Guinée
Résumé
En janvier et février 2007, les citoyens guinéens ont essuyé l'une des plus violentes tempêtes de leur histoire depuis l'indépendance, quand les forces de sécurité gouvernementales ont brutalement réprimé une grève générale organisée par les principaux syndicats guinéens pour protester contre la corruption, la mauvaise gouvernance et la détérioration des conditions économiques. D'après les propres chiffres du gouvernement, la brutale répression s'est soldée par 129 morts au moins, et plus de 1700 blessés dont des centaines par balle. Même si la grève s'est terminée avec la nomination d'un nouveau Premier ministre de consensus à la fin du mois de février, mettant fin à la crise immédiate, la stabilité politique de la Guinée est fragile et la possibilité de nouveaux troubles et de répression demeure très réelle. Pour stabiliser la situation et pour empêcher de nouveaux épisodes de violente répression, il est décisif de faire rendre des comptes aux auteurs des violations des droits humains commises pendant la grève.
Avec une troisième grève générale en moins d'un an, l'appel des syndicats à la grève à la mi janvier a entraîné une paralysie immédiate et généralisée quand l'activité économique à Conakry et dans tous les secteurs et les villes principales, y compris les exploitations minières qui fournissent une partie importante des recettes de l'Etat, s'est arrêtée. Pour la première fois depuis l'indépendance de la Guinée en 1958, des dizaines de milliers de personnes -hommes et femmes, vieux et jeunes, comprenant des membres de tous les principaux groupes ethniques de Guinée- sont descendus dans la rue pour réclamer un meilleur gouvernement, obstruant les rues tandis qu'ils se rassemblaient, défilaient et, parfois, s'affrontaient avec les forces de sécurité. Le slogan scandé le plus souvent par les manifestants était un simple mot : changement.
Le changement, sous la forme d'un nouveau Premier ministre de consensus ayant le pouvoir de nommer son propre gouvernement, allait se produire, mais au prix fort. Tout au long de la grève, les forces de sécurité en Guinée se sont livrées à des violations courantes de certains des droits politiques et civils les plus élémentaires de leurs concitoyens, comme le droit à la vie, à la sécurité et à la liberté de la personne, ainsi qu'aux libertés d'expression, d'association et de réunion.
Human Rights Watch a interrogé 115 victimes et témoins des violences qui ont eu lieu au cours des six semaines de crise, et a rassemblé des comptes-rendus détaillés alléguant l'implication de membres de l'armée, de la police et de la gendarmerie dans des meurtres, des viols, des agressions et des vols. Les témoins oculaires de dizaines de meurtres ont dit à Human Rights Watch que les forces de sécurité avaient tiré directement sur des foules de manifestants non armés, souvent avant d'avoir épuisé les méthodes non violentes de contrôle de la foule, et avaient blessé par balle des manifestants qui essayaient de se mettre à l'abri. Un grand nombre de Guinéens, dont beaucoup étaient de simples spectateurs des manifestations, ont été sévèrement battus et volés sous la menace des armes par les forces de sécurité, souvent dans leurs propres maisons.
Lors d'opérations qui semblent avoir été bien organisées, des leaders syndicaux et de la société civile, ainsi que des journalistes, ont été menacés de mort, attaqués, volés, arrêtés arbitrairement et parfois battus par les forces de sécurité guinéennes. Les forces de sécurité ont pillé le lieu de travail de l'un des syndicats organisateurs de la grève, ainsi que celui de l'une des stations de radio privées de Guinée. Les tentatives pour réduire les syndicats au silence semblent être venues des plus hautes sphères du gouvernement, y compris le Président Conté et son fils Ousmane Conté.
La répression de janvier-février 2007, la plus importante de ces dernières années, a été la dernière d'une série d'incidents au cours desquels les forces de sécurité guinéennes ont fait un usage excessif et parfois mortel de la force contre des manifestants protestant contre l'aggravation des conditions économiques.[1] Le gouvernement guinéen n'a pas fait rendre de comptes aux auteurs de ces premières exactions. Dans beaucoup de cas, le gouvernement semble fermer les yeux sur les exactions commises par les forces de sécurité.
Pour mettre un terme à la brutalité et à la répression, il faut répondre à l'impunité qui trop souvent permet aux exactions de se poursuivre sans se laisser décourager. Bien que l'ancien ministre guinéen de la Justice ait annoncé la création d'une commission nationale d'enquête pour enquêter sur les violations des droits humains liées à la grève, beaucoup des personnes avec lesquelles Human Rights Watch s'est entretenu, des diplomates et des leaders de la société civile aux victimes de violations des droits humains dans les banlieues de Conakry, notent que ce type de commissions ont un bilan médiocre en Guinée. Elles font remarquer qu'une précédente commission établie par le ministère de la Justice pour enquêter sur les abus à la suite d'une précédente répression violente en juin 2006 n'a pas abouti à la publication d'un rapport de conclusions, encore moins à des poursuites contre des coupables.[2]
Pour permettre une enquête en laquelle les Guinéens puissent avoir confiance, et qui procédera de façon équitable, indépendante, rapide et transparente, Human Rights Watch estime qu'il est décisif que soit créé un organe indépendant chargé d'enquêter sur les crimes commis par les forces de sécurité de l'Etat pendant la grève générale de janvier-février, ainsi que les grèves précédentes comme en juin 2006 au cours desquelles des abus similaires ont été commis.[3] Cet organe devrait s'appuyer sur l'expertise de la communauté internationale avec la participation de membres de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, et du Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.
Pour sa part, la communauté internationale a un rôle clé à jouer pour garantir le devoir de rendre des comptes pour les exactions liées à la grève. Des bailleurs de fonds internationaux comme les Etats-Unis et l'Union européenne, ainsi que des organismes internationaux comme l'Union africaine (UA) et le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), doivent faire pression sur le gouvernement guinéen pour qu'ait lieu rapidement une enquête indépendante qui s'appuie sur l'expérience et l'expertise de la communauté internationale. Cette enquête doit être suivie de l'application de sanctions pénales appropriées contre les individus coupables.
Ce rapport s'appuie sur des entretiens menés par Human Rights Watch en Guinée en janvier, février et mars 2007 avec des fonctionnaires du ministère guinéen de la Justice ; du ministère guinéen de la Sécurité ; de l'armée guinéenne ; des diplomates ; des journalistes ; des représentants des Nations Unies (ONU), des organisations non gouvernementales internationales, des syndicats, et des organisations locales de la société civile; ainsi qu'avec des victimes et des témoins oculaires des violations des droits humains commises en Guinée. Les noms des victimes et autres témoins ont été omis pour protéger leur identité et pour garantir leur vie privée.
Recommandations
Au gouvernement de Guinée
- Reconnaître publiquement et condamner le recours excessif à la force par les forces de sécurité de l'Etat, à savoir la police, la gendarmerie et l'armée, au cours des récentes manifestations, y compris pendant la grève générale de juin 2006.
- Créer un organe indépendant ayant pleine autorité pour enquêter sur et pour poursuivre les exactions qui ont eu lieu pendant la grève de janvier-février, ainsi que sur les exactions similaires commises pendant la grève de juin 2006. Le mandat de cet organe devrait inclure l'évaluation de la conduite globale de l'Etat en accord avec les droits établis dans la Constitution et les traités internationaux relatifs aux droits humains et auxquels la Guinée est un Etat partie. Un tel organe devrait avoir un pouvoir de convocation ainsi que le pouvoir de protéger les témoins. En particulier, la structure indépendante créée devrait s'appuyer sur l'expertise de la communauté internationale, avec la participation de membres de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples et du Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.
- Enquêter immédiatement via l'organe indépendant mis en place, puis poursuivre en accord avec les normes internationales, les crimes commis par les forces de sécurité de l'Etat pendant les grèves générales de janvier-février 2007 et de juin 2006, à savoir les meurtres, les viols, les agressions et les vols. Les civils impliqués dans de graves exactions, comme le lynchage de membres des forces de sécurité, devraient de la même façon faire l'objet d'enquêtes et être sanctionnés.
- Examiner de façon approfondie -et revoir en fonction des besoins- le programme de formation de la police et des autres forces de sécurité afin d'assurer une formation complète sur les questions relatives aux droits humains comme les techniques d'interrogatoire légales et appropriées, le contrôle de la foule et l'usage approprié de la force. Fournir une formation globale aux officiers de police sur la conduite des investigations. Toutes les formations doivent être conformes aux normes internationales des droits humains, comme le Code de conduite des Nations Unies destiné aux agents chargés de faire appliquer la loi.
- Indemniser les victimes d'exactions liées à la grève convenablement et rapidement.
- Assurer la formation des forces de sécurité et des membres du Conseil de Communication Nationale en matière de liberté de la presse ; organiser un séminaire pour le dialogue entre officiers de police, de l'armée et de la gendarmerie avec les journalistes locaux.
- Dans le cas de l'instauration d'un couvre-feu, prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que la population est informée des heures du couvre-feu, et que les personnes en infraction avec ce couvre-feu sont traitées conformément à la loi.
Aux Etats-Unis, à la France, à l'Union européenne et aux autres bailleurs de fonds internationaux
- Appeler publiquement et en privé le gouvernement guinéen à créer une structure indépendante chargée d'enquêter sur les exactions décrites dans ce rapport. En particulier, la structure créée devrait s'appuyer sur l'expertise de la communauté internationale par le biais de la participation de membres de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, et du Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.
- Maintenir la pression sur le gouvernement guinéen pour qu'il enquête, et le cas échéant pour qu'il punisse en accord avec les normes internationales les coupables des crimes commis durant les grèves générales de janvier-février 2007 et juin 2006, à savoir les meurtres, les viols, les agressions et les vols.
- Offrir un soutien financier et autre aux organisations locales non gouvernementales pour améliorer le contrôle et la documentation des exactions commises par les forces de sécurité et pour assumer un soutien juridique au niveau national.
Aux Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples
- Continuer à fournir une assistance technique et financière aux organisations de la société civile guinéennes qui essaient actuellement de documenter les exactions liées à la grève.
- Fournir le personnel, l'assistance technique ou d'autres ressources visant à garantir le fonctionnement correct d'une commission indépendante ou d'un tribunal spécial mis en place par le gouvernement de Guinée pour enquêter et pour poursuivre en justice les exactions liées à la grève.
Contexte
La Guinée a gagné son indépendance de la France en 1958, après avoir été la première et l'unique colonie à opter pour une indépendance complète, sans intégration dans une communauté de territoires d'outre-mer français. La campagne pour l'indépendance était dirigée en partie par un ancien leader syndicaliste charismatique, Sékou Touré, qui avait acquis sa notoriété dans les années 40 et 50 après avoir dirigé une grève d'après-guerre contre l'administration coloniale française. Il allait diriger la Guinée depuis l'indépendance en 1958 jusqu'à sa mort en 1984. Professant un mélange de panafricanisme et d'idéologie marxiste, Touré a transformé la Guinée en une dictature à parti unique dans laquelle la libre expression et l'opposition politique étaient impitoyablement réprimées. Tout comme pour les partis politiques, l'appartenance syndicale sous Sékou Touré était réduite à une entité unique autorisée par l'Etat.[4]
Sous le régime de Sékou Touré et avec la terreur étatique et l'appareil du renseignement qu'il avait mis en place, des milliers d'intellectuels, d'opposants au gouvernement, et de personnes perçues comme des rivaux politiques, ont été détenus dans le célèbre Camp Boiro, le goulag de Guinée, où ils étaient systématiquement torturés et tués. Leur sort était déterminé non pas par un appareil judiciaire indépendant, mais par le Comité révolutionnaire, un organe composé de hauts dirigeants politiques et de proches du président. Du fait de l'atmosphère de paranoïa et de répression qui régnait à l'époque de Sékou Touré, des milliers d'intellectuels guinéens ont fui le pays, pour ne revenir (ou pas) qu'après la mort de Sékou Touré en 1984. Certains ont estimé que près d'un million de Guinéens avaient fui vers les pays voisins, tels que la Côte d'Ivoire, la Sierra Leone et le Liberia.[5] Bien qu'il se soit terminé il y a près d'un quart de siècle, le règne de Sékou Touré, qui a duré vingt-six ans, a laissé une marque indélébile sur la Guinée, et un héritage de peur et de suspicion mutuelle chez ceux qui tentent de demander des comptes à leur gouvernement.
Quand Touré est mort en 1984, l'armée s'est immédiatement emparée du pouvoir et le Colonel Lansana Conté, actuel président de la Guinée, est apparu pour prendre le contrôle. En quelques jours, la constitution était suspendue, le parti de Sékou Touré Parti Démocratique de Guinée, et l'Assemblée Nationale étaient démantelés, et le régime militaire était institué sous le nom de Comité militaire de redressement national ( CMRN). Le nouveau gouvernement militaire a déclaré que la protection des droits humains était l'un de ses principaux objectifs, il a libéré les prisonniers politiques du Camp Boiro, et encouragé à revenir les Guinéens de la diaspora qui avaient fui sous le régime de Sékou Touré. La règle du parti unique appliquée par Touré se poursuivant, toutes les activités des partis politiques étaient interdites. Bien qu'il y ait eu une diminution de la portée des violations de droits de l'homme si l'on compare avec le règne de Sékou Touré, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions, les actes de torture, les arrestations arbitraires d'étudiants et de personnes critiquant le gouvernement, et les meurtres de manifestants pacifiques se sont poursuivis pendant la période du régime militaire, qui a pris fin au début des années 90.[6]
A la suite d'un referendum à la fin de 1990, la Guinée a adopté une nouvelle constitution garantissant une large gamme de droits humains, et le gouvernement militaire a été officiellement dissous. Cependant, le processus de transition de la Guinée vers un système pluripartite ne devait pas être terminé avant les premières élections législatives de 1995. Lansana Conté a remporté des élections en 1993 et 1998 qui ont été considérées par les observateurs internationaux comme défectueuses, du fait des allégations de fraude électorale, d'interruption de réunions de partis d'opposition, et d'arrestation et de détention de personnalités de l'opposition.[7] Conté a été réélu pour un troisième mandat en 2003 après qu'un amendement de la constitution ait été voté, permettant au président de se présenter pour un nombre illimité de mandats.[8] La plupart des partis d'opposition ont boycotté les élections de 2003, et Conté a gagné contre un seul candidat, relativement peu connu.
Le bilan du régime de Conté en matière de droits humains, après la transition vers un système pluripartite au milieu des années 90, a continué à être marqué par des exactions et par la répression, à savoir l'usage excessif de la force contre des manifestants non armés, les actes de torture contre des criminels potentiels, y compris des enfants, se trouvant en garde en vue et dans le but de soutirer des aveux, des détentions préventives prolongées, l'arrestation et la détention de leaders et de sympathisants de l'opposition, et le harcèlement et l'arrestation de journalistes.[9] Le gouvernement de Conté s'est largement abstenu de s'attaquer à l'impunité qui accompagne souvent ces graves exactions contre les droits humains, en particulier les exactions commises par les forces de sécurité.
Ces dernières années, la santé de Conté s'est détériorée. Souffrant d'un diabète aigu, il est allé en Suisse deux fois au moins en 2006 pour des soins médicaux d'urgence, provoquant une spéculation croissante tant à l'intérieur de la Guinée qu'à l'extérieur, sur le fait de savoir si son état lui permet de gouverner efficacement.[10]
Il y a eu une détérioration parallèle de l'état de l'économie guinéenne. Malgré de vastes réserves de fer, de bauxite et de pierres précieuses, les Guinéens sont parmi les peuples les plus pauvres du monde, classés actuellement au 160ème rang sur 177 selon l'indice de développement des Nations Unies.[11] L'économie de la Guinée est rongée par la corruption et l'inflation. En 2006, l'organisme de contrôle de la corruption Transparency International a classé la Guinée comme le pays d'Afrique le plus corrompu.[12] L'inflation, qui tournait autour de 4 pour cent à la fin des années 90, est montée en flèche et tourne actuellement autour de 30 pour cent, dégradant de façon spectaculaire le pouvoir d'achat de la plupart des Guinéens.[13] La croissance économique, qui était en moyenne d'environ 4,5 pour cent dans les années 90, a ralenti depuis 2000 pour tomber à un taux moyen d'environ 2,5 pour cent par an.[14] En 2002, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale, et la Banque africaine de développement ont suspendu leur assistance économique à la Guinée à cause de la médiocrité de la gouvernance économique et politique.[15] En 2003, l'Union européenne (UE) a invoqué l'article 96 de l'Accord de Cotonou pour suspendre toute assistance autre qu'humanitaire à la Guinée, à cause de préoccupations relatives aux droits humains.[16]
La dégradation économique de la Guinée a entraîné le chaos politique, aboutissant au renvoi des Premiers ministres (le plus récent est le sixième en 10 ans) et des remaniements ministériels chroniques (à avril 2007, 172 personnes différentes avaient été ministres dans le gouvernement de Conté).[17] De nombreux observateurs attribuent en partie le désordre à des clans rivaux qui briguent la succession à la fin du mandat de Conté.[18] La rumeur présente l'armée guinéenne comme profondément divisée, selon des axes à la fois générationnels et ethniques, et on craint une prise de pouvoir militaire dans l'éventualité probable où le Président Conté n'irait pas jusqu'au bout de son mandat, dont la fin est prévue en 2010.
Une série de grèves et le développement des syndicats
Au fur et à mesure que la Guinée s'enfonçait de plus en plus dans le chaos économique et politique, il y a eu de plus en plus de manifestations des syndicats et d'autres organisations de la société civile, pour protester contre la détérioration économique et la mauvaise gouvernance. En 2006, les deux principaux syndicats de Guinée se sont révélés comme des acteurs importants de l'avenir politique de la Guinée, en organisant deux grèves générales -en février et juin 2006- qui ont effectivement paralysé le pays pendant plusieurs semaines, fermant les écoles et les entreprises.[19] Bien que les syndicats ne représentent formellement qu'une petite partie des travailleurs guinéens et de la population guinéenne, les grèves ont été largement suivies par l'ensemble de la population à travers tout le pays, aussi bien dans les secteurs formel qu'informel.[20] La plupart des Guinéens ont suivi les grèves de 2006 non pas en participant à des rassemblements ou des défilés organisés dans les rues, mais en restant chez eux et en refusant de travailler. Pendant les grèves, presque toute l'activité économique s'est arrêtée, et les transports étaient pratiquement impossibles pour les Guinéens ordinaires, car la plupart des chauffeurs de taxi observaient la grève.
Les revendications syndicales pendant les grèves de 2006 étaient essentiellement de nature économique : des prix plus bas pour les produits essentiels comme le riz et l'essence, et des salaires plus élevés pour les travailleurs. Dans chaque cas, les grèves ont été «suspendues» par les syndicats dans l'attente que le gouvernement remplisse ses promesses de diverses réformes économiques, promesses qui, selon les leaders syndicaux et d'autres leaders de la société civile interrogés par Human Rights Watch, n'ont jamais été tenues.[21]
Bien que les manifestations de 2006 aient été largement pacifiques, même si parfois elles ont été indisciplinées, les forces de sécurité ont répondu à ces grèves, en particulier à celle de juin 2006, par un usage excessif et inapproprié de la force. Au cours d'une vague de répression en juin 2006, la police ainsi que d'autres forces de sécurité ont été impliquées dans des meurtres, des viols, des agressions et des vols, aussi bien contre des manifestants non armés que contre des passants.[22] Selon les recherches effectuées par Human Rights Watch, 13 manifestants au moins ont été tués par les forces de sécurité.[23] Il n'y a eu aucune poursuite contre des membres des forces de sécurité guinéennes pour les exactions commises pendant la grève de juin 2006.
La troisième grève ; le point critique
Le 16 décembre 2006, le président guinéen Lansana Conté s'est rendu avec son cortège à la prison centrale de Conakry, et il s'est personnellement assuré de la libération de deux proches alliés, accusés d'avoir détourné des fonds de la Banque centrale de Guinée; il aurait dit à son entourage: «Je suis la justice.»[24] Le premier individu, Mamadou Sylla, serait l'homme d'affaires le plus riche de Guinée et il avait été arrêté à son domicile un peu plus tôt ce mois-là, en relation avec son supposé retrait illégal de millions de dollars de la Banque centrale.[25] Le deuxième, Fodé Soumah, ancien gouverneur adjoint de la Banque centrale, avait aussi été arrêté pour complicité supposée dans l'affaire.
Pour les syndicats, qui avaient «suspendu» les grèves de 2006 dans l'attente des réformes économiques du gouvernement, l'incident a été la goutte d'eau qui fait déborder le vase.[26] Plusieurs semaines plus tard, un nouvel avis de grève a été lancé. Invoquant l'ingérence de l'exécutif dans les affaires judiciaires et la situation économique catastrophique du pays, les syndicats ont appelé à une grève générale illimitée à partir du 10 janvier 2007, et jusqu'à ce qu'il y ait «un retour à l'état de droit.»[27]
Contrairement aux grèves de 2006, qui étaient centrées presque exclusivement sur des réformes économiques, les revendications syndicales en janvier 2007 étaient plus ouvertement politiques, et comportaient la nomination d'un Premier ministre de consensus ayant le pouvoir de former un gouvernement de consensus ; l'examen et la renégociation de certains accords d'exploitations minières, de pêche et forestières ; et la fin de la corruption avec la poursuite des individus accusés de détournement de fonds publics. Les leaders syndicaux et autres leaders de la société civile ont expliqué qu'ils ne pouvaient plus ignorer le fait que les problèmes derrière les malheurs économiques de la Guinée étaient essentiellement de nature politique.[28]
Après le début de la grève le 10 janvier 2007, les activités à Conakry et dans les villes principales de la Guinée se sont arrêtées. Les premiers jours de la grève ont été relativement pacifiques. Tandis que les écoles, les magasins et les marchés étaient fermés, des patrouilles de police supplémentaires étaient déployées dans les rues de Conakry, la capitale, et il y avait des affrontements sporadiques avec des «jeunes» qui lançaient des pierres.[29] Comme la grève se poursuivait, cependant, et que l'impasse s'accentuait entre les syndicats -qui étaient de plus en plus clairs sur leur revendication principale et non négociable, à savoir que le Président Conté cède une grande partie de ses pouvoirs à un nouveau Premier ministre de consensus- et le gouvernement, les forces de sécurité se sont livrées à une répression brutale des manifestants non armés.
Pendant les quatre premières semaines de grève, les forces de sécurité gouvernementales, à savoir la police, la gendarmerie,[30] et la garde présidentielle, connue aussi sous le nom de «Bérets rouges» , allaient se rendre coupables de la mort d'une centaine de manifestants ; en blesser par balles des centaines d'autres ; battre, voler et arrêter un grand nombre de manifestants et de passants ; et harceler, arrêter et maltraiter des syndicalistes et d'autres membres de la société civile. Human Rights Watch a conduit des entretiens détaillés avec 79 victimes et témoins des brutalités qui ont eu lieu au cours des quatre premières semaines de grève, dont une sélection est fournie ci-dessous.
Recours létal à la force
Au cours de la première semaine de grève, la plupart des manifestants étaient pacifiques. Il n'y avait pas de rassemblements ni de défilés à grande échelle organisés, et la plupart des manifestants ont choisi d'observer la grève en restant chez eux et en refusant de travailler. Dans certains endroits cependant, des manifestants ont brûlé des pneus et des voitures, et ils ont lancé des pierres, contre les forces de sécurité ainsi que contre des taxis et d'autres véhicules commerciaux qui tentaient de briser la grève.[31] Des déclarations sur la manière dont la police et les gendarmes sont intervenus indiquent que la réponse a été généralement appropriée, et leurs efforts pour disperser les manifestants ont consisté en grande partie en des moyens non létaux, comme des gaz lacrymogènes et des coups de feu tirés en l'air. Il n'y a pas eu de signalement quant au déploiement de la garde présidentielle.[32] Comme la grève se poursuivait au-delà de la première semaine, cependant, l'intensité des confrontations entre les manifestants et les forces de sécurité a augmenté, comme le décrit un cireur de chaussures de 18 ans de l'une des banlieues de Conakry,[33] qui déclare avoir été blessé par les tirs de la police le 18 janvier 2007 :
Le jour où je me suis fait tirer dessus, j'étais sorti pour essayer de trouver du riz à manger. C'était à peu près midi. Quand je suis arrivé à la grande route, j'ai vu un groupe de jeunes qui manifestaient dans la rue. Il y en avait qui jetaient des pierres sur un groupe important de policiers près de là, qui ont commencé immédiatement à nous tirer dessus. J'ai senti une douleur aiguë, j'ai regardé et j'ai vu du sang qui coulait de ma jambe et je suis tombé. Je ne pouvais pas marcher. Un groupe de jeunes m'a ramassé et a commencé à me porter à l'hôpital. Mais un groupe de policiers s'est mis à leur tirer dessus à nouveau et ils ont paniqué, ils m'ont laissé tomber par terre et sont partis en courant. Les policiers sont arrivés et j'en ai entendu un qui disait qu'ils devraient me tuer. Puis l'un d'eux m'a donné un coup de pied dans la figure et j'ai senti le sang qui se mettait à couler. Les policiers m'ont laissé là et un petit peu plus tard un autre groupe de jeunes m'a porté à l'hôpital.[34]
Au cours de la même période, un habitant du quartier de Hamdallaye à Conakry, interrogé par Human Rights Watch, a rapporté comment il s'était fait tirer dessus par la police devant sa maison, alors qu'il sortait pour passer un coup de téléphone.[35] La victime a raconté qu'un policier assis sur un camion qui passait avait directement fait feu sur lui, le blessant trois fois à la hanche et à la cuisse.[36] Un autre témoin dans le même quartier a déclaré avoir vu un manifestant qui jetait des pierres recevoir un tir dans le pied, quand un groupe de gendarmes a tiré au sol en tentant de disperser les manifestants.[37]
«La marée humaine»
Tandis qu'une dizaine de morts étaient signalés au cours des 10 premiers jours de grève,[38] le nombre de morts allait rapidement grimper le lundi 22 janvier, quand les leaders syndicaux, les coalitions de la société civile, et d'autres groupes de la communauté ont mobilisé des dizaines de milliers de manifestants pour défiler depuis les banlieues de Conakry jusqu'au centre de Conakry, où des dizaines de manifestants ont été tués par les forces de sécurité et beaucoup d'autres ont été blessés par balles.[39] Les témoins interrogés par Human Rights Watch ont décrit le flot de manifestants comme une «marée humaine,» certains d'entre eux affirmant que c'était la plus grande foule qu'ils aient jamais vue en Guinée.[40] Les manifestants interrogés ont expliqué que quand ils avaient quitté leurs maisons ce matin-là, ils avaient senti que la journée allait être décisive, d'une façon ou d'une autre. Comme l'a dit un manifestant: «Quand nous sommes sortis lundi, nous étions déterminés à changer le système en place. Cela fait 48 ans depuis l'indépendance, et nous n'avons rien.»[41]
L'objectif de la plupart des manifestants était d'atteindre le siège de l'Assemblée Nationale, connu sous le nom de Palais du Peuple, à une dizaine de kilomètres des banlieues de Conakry.[42] Malgré des épisodes sporadiques de jets de pierre dans les grandes banlieues pendant les premières heures de la matinée, tandis que les manifestants fusionnaient dans les flux qui se déversaient dans les principales artères en direction du centre de Conakry, les personnes interrogées par Human Rights Watch -tant les manifestants que les observateurs internationaux- ont signalé que les manifestants n'étaient pas armés et qu'ils défilaient pacifiquement.[43] Les manifestants ont expliqué qu'ils portaient des panneaux et des banderoles avec des slogans comme «A bas Conté,» «Nous voulons le changement,» et «A bas le PUP.»[44] De nombreux manifestants ont dit à Human Rights Watch que le maintien de l'ordre parmi les manifestants était assuré par des surveillants bénévoles, et l'un d'entre eux a expliqué son rôle comme suit :
Pendant le défilé du 22 janvier, j'étais un des surveillants. Notre rôle était d'empêcher les manifestants de lancer des pierres et de perpétrer des actes de vandalisme. Nous voulions améliorer les manifestations du 17 janvier, où des jeunes avaient jeté des pierres et voulaient insulter la police. Et même ce matin-là, près de Bambeto,[45] il y avait eu un groupe qui lançait des pierres, aussi c'était important de calmer les choses. Les personnes qui jouaient ce rôle n'étaient organisées que de façon informelle, et c'était des gars plus âgés du quartier que les jeunes respectaient. Nous ne recevions pas d'ordres d'en haut.[46]
Alors que les manifestants avançaient vers le centre de Conakry, il y a eu plusieurs affrontements avec des groupes importants de policiers et de gendarmes stationnés à divers carrefours stratégiques. Bien que les policiers et les gendarmes aient tenté à de nombreuses reprises de disperser les manifestants qui avançaient en utilisant des gaz lacrymogènes et des coups de feu tirés en l'air, les témoins oculaires interrogés par Human Rights Watch signalent qu'à plusieurs reprises les forces de sécurité ont tiré directement dans la foule qui avançait, quand les moyens non létaux ont échoué à stopper leur avancée, faisant des morts dans les quartiers de Hamdallaye et de Dixinne.[47]
De nombreux manifestants interrogés par Human Rights Watch ont raconté qu'au lieu de fuir les coups de feu, la foule des manifestants ramassait les corps des morts et poursuivait sa marche vers les forces de sécurité en portant les cadavres au-dessus de leurs têtes.[48] Le témoignage suivant est caractéristique :
Quand nous sommes arrivés à Hamdallaye, il y avait beaucoup de policiers et de gendarmes, et il y avait beaucoup de coups de feu tirés en l'air et beaucoup de gaz lacrymogènes. Mais ça ne faisait pas peur aux gens, alors ils ont tiré droit dans la foule. Il n'y a pas eu de jets de pierre à Hamdallaye. Rien. Deux sont morts là, que j'ai vus. Un a été touché au front, et l'autre à la poitrine. Je ne sais pas si c'est un policier ou un gendarme qui a tiré ces coups de feu en particulier. Nous avons pris les corps et nous les avons mis sur un morceau de tôle ondulée et nous les avons portés au-dessus de nos têtes. Les agents de sécurité ont reculé quand nous avons approché avec les cadavres et nous sommes passés pour continuer sur Bellevue.[49]
Un autre témoin interrogé par Human Rights Watch, enseignant dans une école coranique et âgé de 38 ans, a décrit un affrontement à Dar-Es-Salam, l'un des quartiers éloignés de Conakry, entre la police et les manifestants :
Ce matin-là, je suis arrivé à la grande route pour voir ce qui se passait. Quand je suis arrivé, il y avait des gens dans la rue qui scandaient «A bas Conté,» «A bas le régime,» et «A bas la dictature.» Il n'y avait pas de jets de pierres. J'ai vu un minibus de la police qui remontait la rue. Il était rempli de policiers, je ne sais pas combien. Il y en avait un assis à l'arrière. Je l'ai vu pointer son fusil vers la foule et tirer un seul coup de feu. Il a touché un manifestant, un jeune homme, au visage, et il l'a tué. Ils n'ont pas lancé de gaz, à ce que j'ai pu voir. A ce moment-là, la foule s'est mise réellement en colère et a commencé à se diriger vers le bus, et les policiers ont tiré en l'air pour effrayer les gens et puis ils sont partis. J'ai vu des manifestants prendre du sang sur le cadavre et s'en enduire le visage.[50]
Finalement, les forces de sécurité stationnées à plusieurs croisements stratégiques ont choisi de battre en retraite devant les manifestants qui avancaient pacifiquement, et dont le nombre augmentait d'heure en heure.[51]
Le pont du 8 Novembre
Conakry est situé sur une péninsule longue et étroite, large à certains endroits d'à peine plus de 500 mètres. Pour parvenir à l'Assemblée Nationale depuis les banlieues de Conakry, presque toutes les artères principales passent près d'un étranglement étroit, connu sous le nom de «Pont du 8 Novembre». Le 22 janvier 2007, des dizaines de membres des forces de sécurité, comprenant des policiers, des gendarmes, et des membres de la garde présidentielle, étaient stationnés en rang en travers du pont, formant une barrière pour empêcher toute avancée au-delà du pont, vers les bâtiments de l'Assemblée Nationale ou vers n'importe quel point du centre ville.[52]
Lorsque des groupes de manifestants ont atteint le pont du 8 Novembre, les forces de sécurité ont tenté de les disperser avec des gaz lacrymogènes et des coups de feu tirés en l'air.[53] Quand ceci a échoué, des témoins ont déclaré à Human Rights Watch que les forces de sécurité, en particulier les Bérets rouges, avaient tiré directement dans la foule.[54] Des journalistes et des responsablesappartenant à des organisations humanitaires interrogés par Human Rights Watch estiment que entre 10 et 20 personnes ont été tuées au pont, bien que beaucoup plus soient probablement mortes des suites de leurs blessures.[55] Un diplomate étranger qui a pu voir la scène qui se déroulait au pont, a fait le récit suivant :
D'après ce que j'ai pu voir de la manifestation du 22, les forces de sécurité tiraient sur une manifestation absolument pacifique. Les manifestants n'avaient pas de pierres ni d'armes d'aucune sorte. D'abord, les, forces de sécurité ont utilisé des gaz lacrymogènes pour essayer de faire reculer les gens. Mais ensuite, la première vague de manifestants qui avançaient vers le pont se rapprochait de plus en plus. Un manifestant portait un drapeau guinéen. Un groupe de manifestants s'est mis à genoux dans une attitude non menaçante en face des soldats. Mais les soldats ont fait feu sur celui au premier rang qui tenait le drapeau guinéen, alors qu'il était là à genoux. Ils ont littéralement tiré directement dans la foule. Les Bérets rouges tiraient, mais les policiers et les gendarmes aussi. Plusieurs personnes ont été blessées au pont, touchées au ventre, alors ils n'avaient pas pu tirer en l'air. J'ai vu des policiers donner des coups de pied à ceux qui étaient déjà couchés par terre, blessés et terrassés, aussi les forces de sécurité étaient clairement surexcitées. Des groupes de manifestants se dispersaient dans toutes les directions pour revenir à nouveau. Je ne sais pas pourquoi les manifestants continuaient à avancer. Peut-être qu'ils pensaient que parce qu'ils n'étaient pas armés, ils ne seraient pas blessés.[56]
Comme les forces de sécurité tiraient dans la foule qui se rapprochait du pont du 8 novembre, beaucoup de manifestants ont tenté de fuir. Des témoins oculaires interrogés par Human Rights Watch ont rapporté que les forces de sécurité stationnées au pont sont allées jusqu'à viser des manifestants non armés qui s'enfuyaient, et ne pouvaient d'aucune façon représenter une menace pour leur sécurité. Un manifestant a décrit la situation comme suit :
Alors que nous approchions du pont, nous scandions: «Nous ne voulons plus Conté.» Nous avions aussi un drapeau guinéen. Nous n'avions pas de pierres, aucune sorte d'armes. Nos seules armes étaient des petites branches d'arbres que nous agitions au-dessus de nos têtes. Vers deux heures de l'après-midi, nous sommes arrivés au pont. Il y avait là des policiers, des gendarmes et des Bérets rouges. Il y avait beaucoup de policiers. Il y avait moins de Bérets rouges, mais j'ai essayé de rester plus près de la police parce que les Bérets rouges tiraient davantage. J'ai vu les Bérets rouges qui tiraient droit dans la foule et plusieurs personnes sont tombées à terre. Nous avons paniqué et essayé de fuir. Alors que mon ami essayait d'escalader le mur d'un cimetière voisin pour s'échapper, quelqu'un a tiré et l'a touché à l'épaule. Il est tombé et a essayé d'escalader à nouveau, et ils lui ont encore tiré dessus, dans le bas du dos. Je savais que si j'essayai d'escalader le mur ils me tireraient dessus aussi, alors j'ai couru vers les policiers parce qu'ils ne tiraient pas autant et ils m'ont capturé. Ils m'ont frappé dans le dos avec la crosse de leurs fusils et ils m'ont arrêté.[57]
D'autres manifestants, qui ont réussi à s'enfuir loin des rangs des forces de sécurité qui tiraient depuis le pont, se sont retrouvés pris au piège en s'éloignant du pont quand ils sont tombés à la rencontre de groupes de policiers et de gendarmes qui venaient de l'autre direction. Coincés entre deux groupes de forces de sécurité, beaucoup des manifestants qui tentaient de fuir ont essayé de se cacher dans des maisons voisines, dans la mosquée centrale de Conakry, et même à Camp Boiro.[58] Un témoin a expliqué comment il s'était fait prendre par les forces de sécurité alors qu'il essayait de se cacher :
Après que je me suis enfui du pont, ils avaient barré la plupart des routes, aussi beaucoup de gens étaient pris au piège. Partout où je regardais, les policiers et les gendarmes frappaient et arrêtaient des gens. J'ai couru jusqu'à la grande mosquée, et puis je me suis enfui jusqu'à une maison avec un petit groupe de manifestants pour nous réfugier. Le père de la maison où nous étions nous a dit de rester là, mais plus tard il est revenu avec une quinzaine de Bérets verts.[59] Ils se sont mis à frapper les manifestants dans la maison à coups de crosses de fusil et de matraques. Ils disaient: «Vous voulez un changement ou pas ?». On comprenait que si on disait «Nous voulons le changement» ils continueraient à nous frapper, alors on a dit: «Non, nous ne voulons pas le changement,» et ils nous ont laissés partir.[60]
«Le jour de l'enfer» ; les blessés sont soignés dans les hôpitaux de Conakry
Comme le bilan des victimes s'alourdissait avec la poursuite de la grève, un grand nombre de morts et de blessés ont envahi les hôpitaux locaux. Le personnel médical en service le 22 janvier 2007, le jour le plus lourd pour les décès et les blessures de toute la période de crise qui a duré six semaines, a décrit les difficultés pour soigner l'afflux inattendu de blessés:
Le lundi 22 a été le jour de l'enfer. Nous n'étions tout simplement pas préparés à ça. Plus tôt ce jour-là nous avons vu de la fumée près de Hamdallaye[61] et nous savions que ça serait mauvais. Entre 9:30 et 10 heures, nous avons vu les premiers groupes approcher. Il y avait déjà deux corps portés par les manifestants. Nous avons demandé où ils avaient été tués et ils ont dit «à la maison de Kerfalla.»[62] Dix minutes plus tard, c'était l'enfer. Des blessés arrivaient au rythme de trois ou quatre par minute. C'était l'afollement dans tout l'hôpital. Nous voyions des tas de blessures à la tête. Pas simplement des blessures par balles, mais des têtes complètements explosées. Les blessures que nous avons vues étaient plus graves que celles que j'ai jamais vues pendant les attaques rebelles dans la forêt.[63] La Croix-Rouge et les jeunes envoyaient des corps, en particulier depuis le pont, en se servant de bâches en plastique, des jeunes blessés pour la plupart. J'ai vu des docteurs pleurer en disant: «Pourquoi est-ce qu'ils tirent sur les leurs ?». Nous travaillions sur des patients allongés par terre, sur le sol de l'hôpital. Il n'y avait pas d'autre endroit où les mettre. Et il n'y avait rien à l'hôpital en termes de fournitures. Beaucoup sont morts avant même que nous n'ayons pu les traiter.[64]
Au cours d'un épisode flagrant de recours excessif à la force contre des personnes blessées, plusieurs témoins, y compris des membres du corps médical essayant de s'occuper des blessés, ont dit avoir vu les forces de sécurité en uniformes verts tirant une cartouche de gaz lacrymogènes directement devant la salle des urgences alors que des patients étaient en train d'être soignés :
A un moment, ils ont lancé une cartouche de gaz lacrymogène dans la cour de l'hôpital, juste devant la salle des urgences où nous étions en train de soigner des gens. Un groupe de docteurs est sorti pour leur faire face et a dit: «Allez-y, tuez-nous aussi, tuez-nous tous.» Nous leur avons dit: «Vous êtes Guinéens comme nous. Entrez et nous vous montrerons ce que vous avez fait depuis ce matin.» Je voulais qu'ils rentrent pour voir les blessés mais ils ont baissé leurs armes et ils ont refusé. Il n'y avait pas de manifestants dans la cour quand ils ont tiré le gaz, et ce n'était pas une cartouche égarée. Tout le monde sait que cette zone est la salle des urgences où les manifestants étaient soignés, aussi je pense qu'elle avait été tirée exprès. Plus tard, un Béret rouge est entré dans l'hôpital parce que son frère, un manifestant, avait été tué. D'abord il était furieux, disant qu'il allait venger la mort de son frère. Puis il s'est mis à pleurer en disant:«Nous leur avons dit de ne pas tirer. Nous leur avons dit de ne pas tirer.»[65]
Coups, arrestations et vols à l'encontre de manifestants et de passants
Tout au long des quatre premières semaines de grève, alors que les manifestants se dispersaient depuis les routes principales vers les quartiers environnants, la police et les gendarmes les ont poursuivis, parfois jusqu'à plus d'un kilomètre de la route principale où se déroulaient les manifestations. Human Rights Watch a interrogé des dizaines de témoins oculaires qui ont affirmé que, alors que les forces de sécurité pénétraient dans les quartiers, elles se sont déchaînées contre les maisons et les commerces des habitants, frappant et volant non seulement les manifestants, mais aussi beaucoup d'autres personnes dont des femmes, des enfants et des hommes âgés qui n'avaient pas participé aux manifestations. Un homme de 47 ans a dit à Human Rights Watch que la police avait fait irruption dans sa maison et l'avait volé, alors qu'il s'apprêtait à partir pour Dakar, au Sénégal, pour y subir une opération des yeux :
Le vendredi 26 janvier, aux environs de 10h30 du matin, j'étais couché dans la pièce unique de ma maison avec toutes les lumières éteintes. Cinq policiers environ ont brisé la porte. L'un d'entre eux a dit: «Tuez-le.» J'ai répondu: «Vous allez tuer une personne malade ?» Ils ont arraché une barre de fer à la porte et ils m'ont frappé avec sur le dos. Puis ils ont fouillé la maison. Ils ont volé huit millions de francs CFA [soit environ16000 $ US] que je gardais dans un sac pour aller me faire opérer des yeux à Dakar. Puis ils m'ont empoigné et ils ont essayé de prendre le téléphone que j'avais dans ma poche. J'ai dit: «S'il vous plait laissez-moi ça, vous avez pris tout le reste.» Alors ils m'ont frappé à la tempe gauche avec la crosse d'un fusil. Avant que tout cela arrive, j'avais essayé d'atteindre l'aéroport pour aller me faire soigner à Dakar, mais ce n'était pas possible d'y arriver à cause de tous les coups de feu. Maintenant, je ne sais pas comment je pourrai jamais me faire soigner.[66]
Au cours de leurs expéditions au sein des quartiers, les forces de sécurité ont arrêté beaucoup de personnes qui n'avaient pas grand chose à voir avec la manifestation. Beaucoup de ces personnes arrêtées qui ont été interrogées plus tard par Human Rights Watch ont dit qu'elles avaient été amenées dans les installations pénitentiaires de la police, battues, détenues pendant plusieurs jours, et relâchées seulement après que des proches aient versé des pots-de-vin aux policiers pour obtenir leur libération. Un homme des banlieues éloignées de Conakry qui n'avait pas pris part aux grèves a décrit son arrestation à son domicile le 17 janvier 2007 :
Le jour où la police m'a arrêté, j'étais assis chez moi avec ma mère, ma femme et mon bébé. A deux heures de l'après-midi environ, ma femme a crié: «Lève-toi, des soldats arrivent !» A ce moment-là, deux cartouches de gaz lacrymogènes ont été tirées dans la cour et une quinzaine de policiers ont enfoncé la porte. Je crois qu'ils étaient de la CMIS.[67] Ils étaient tous habillés en noir. Quand ils ont fait irruption, ma mère s'est évanouie et elle est tombée par terre à cause du stress. Je les ai entendus dire en Soussou[68] «Allons-y, allons-y, ils ont de l'argent,» et l'un d'eux a tiré quatre fois en l'air avec son fusil. Je me tenais à la porte d'entrée de la maison et je ne voulais pas les laisser passer, mais ils m'ont poussé et nous nous sommes bagarrés. L'un d'eux m'a frappé par derrière avec la crosse d'un fusil. Un autre a frappé ma femme, qui est tombée en tenant notre bébé d' un mois. Puis l'un d'eux m'a frappé à terre avec son pistolet. Ils m'ont traîné jusqu'à la grande route et m'ont jeté dans leur camion et emporté au poste de police à Bellevue. Pendant tout le trajet, ils me donnaient des coups de pied et me giflaient. Au poste, ils m'ont attaché avec les menottes à un banc et ils m'ont frappé une trentaine de fois à coups de bottes et de poings. Ils m'ont laissé comme ça avec les menottes pendant deux jours. Ma mère a appelé mon cousin qui est un Béret rouge, et qui est venu à Bellevue pour me libérer. Ils ont payé 400 000 francs [francs guinéens, environ 67 $ US] pour me libérer. J'ai appris plus tard qu'après m'avoir arrêté ils avaient volé mon téléphone portable, mon appareil photo, 100 000 francs [francs guinéens, 17 $ US environ], une radio, ainsi que des vêtements de ma femme et de la nourriture de notre maison. Je ne sais pas pourquoi ils ont choisi notre maison, mais ce n'est pas la seule qu'ils aient attaquée dans le quartier. Depuis, j'ai décidé que je pourrais tout aussi bien faire grève et manifester avec tous les autres, parce que s'ils vont vous tuer, ils vont vous tuer, même à l'intérieur de votre propre maison.[69]
Un enseignant de 58 ans dont le fils a été tué le 22 janvier a décrit son arrestation alors qu'il essayait de trouver le corps de son fils :
Le lundi 22, à environ 10h30 du matin, l'ami de mon fils est venu me dire que mon fils avait été touché par une balle et qu'il était mort. Je voulais récupérer son corps, mais quand je suis arrivé à la grande route, on m'a dit que les manifestants l'avaient emporté comme faisant partie de leur manifestation, aussi j'ai décidé de les suivre dans l'espoir de retrouver le corps de mon fils. A Donka, on m'a dit que le corps de mon fils avait été abandonné près de Cameroun.[70] A ce moment, beaucoup de manifestants fuyaient dans la direction opposée, mais j'ai continué à avancer. Près du poste de police de la CMIS, il y avait un groupe de policiers.[71] Ils m'ont ramassé avec un autre gars. Puis ils ont jeté deux ou trois gosses dans le camion comme des sacs. Un policier qu'ils appelaient «Méthode» est arrivé et il m'a frappé à la tête puis il m'a arraché mon habit. Il m'a fouillé et a volé 200 000 francs [francs guinéens, 33 $ US environ] et mon téléphone portable. Je suis arrivé au poste de police pratiquement nu. C'était la CMIS. Ils ont pris nos noms et puis ils nous ont mis dans une cellule. Il y avait vingt-cinq personnes dans une cellule de moins de six mètres carrés. C'était plein d'urine et d'excréments. Ils ne nous ont pas interrogés, ils voulaient juste notre nom et notre quartier. Plus tard, nous avons été transférés dans une pièce commune plus grande avec environ quatre-vingt-quinze personnes à l'intérieur, toutes nues comme des vers de terre. Le moindre bruit et la police rentrait et frappait les gens avec des bâtons. Il y avait là beaucoup de manifestants blessés et enflés. Ils interrogeaient les syndicalistes dans la pièce à côté.[72] J'ai reconnu les visages de certains d'entre eux pendant que nous étions transférés. Plus tard, nous avons été transférés dans une troisième pièce où nous avons passé la nuit. J'ai été relâché le lendemain.[73]
Harcèlement, arrestations et mauvais traitements contre des membres de la société civile
Tout au long de la grève, les plus hauts niveaux de direction du gouvernement dont la branche de l'exécutif, en même temps que les forces de sécurité guinéennes, se sont livrés à ce qui a semblé une tentative organisée pour intimider et réduire au silence les leaders syndicalistes et autres leaders de la société civile.
Le 13 janvier, des membres d'une coalition de la société civile, le Conseil National des Organisations de la Société Civile Guinéenne (CNOSCG), se trouvaient à leur siège en train de se préparer pour une manifestation devant avoir lieu le 15 janvier.[74] Les jeunes membres s'étaient retrouvés là pour peindre des panneaux et des banderoles pour la manifestation avec divers slogans, tels que : «Nous en avons marre, nous voulons que ça change,» «Nous avons faim, nous voulons du pain,» et «Nous n'avons pas d'eau ni d'électricité.»[75]
Les membres du CNOSCG interrogés par Human Rights Watch rapportent comment cette après-midi là, un groupe de sept ou huit policiers a fait irruption dans la cour, arrêté sept de ceux qui préparaient les panneaux et les a emmenés (ainsi que les panneaux) au commissariat de police central, où ils ont été interrogés et jetés dans une cellule avec des suspects de droit commun, avant d'être relâchés tard ce soir-là après l'intervention de personnalités de la société civile.[76] Le lendemain, 14 janvier, le gouverneur de Conakry a émis un décret interdisant toutes les manifestations de rues.[77] La marche prévue pour le 15 janvier a été annulée, le dirigeant du CNOSCG, Ben Sékou Sylla, déclarant qu'il n'enverrait pas «la population à l'abattoir."[78]
Le 17 janvier, les dirigeants des syndicats de la CNTG et de l'USTG ont tenté de défiler depuis le siège de la CNTG jusqu'au bâtiment de l'Assemblée Nationale pour remettre une lettre contenant leurs revendications au président de l'Assemblée Nationale.[79] Des témoins interrogés par Human Rights Watch ont décrit la marche comme pacifique, les syndicalistes marchant en tête et des jeunes du centre de Conakry les suivant.[80] A peu près à mi chemin du Palais du Peuple, cependant, la police et les gendarmes qui suivaient les manifestants ont lancé des gaz lacrymogènes et des tirs de sommation pour disperser la manifestation, et ils ont arrêté des membres du syndicat. Un syndicaliste a décrit la scène :
Soudain, la police tirait des gaz lacrymogènes partout, et commençait à frapper des gens à coups de matraques. Les manifestants se sont enfuis dans toutes les directions. D'après ce que j'ai pu voir, les jeunes étaient les plus visés par les coups. Au total, sept syndicalistes et un jeune ont été arrêtés et emmenés au poste de police de la CMIS. Quand ceux d'entre nous qui n'avions pas été arrêtés avons réussi à parvenir à l'Assemblée Nationale, Somparé nous a reçus et nous a demandé de quoi il s'agissait.[81] Nous avons refusé de parler tant que nos camarades ne seraient pas relâchés.[82]
Les personnes emmenées par la police ont rapporté qu'elles avaient été relâchées plusieurs heures après leur arrestation et conduites au Palais du Peuple, permettant à la lettreau président de l'Assemblée Nationale, qui était portée par une des personnes arrêtées, d'être remise.[83]
Plus tard ce jour-là, les dirigeants syndicalistes rapportent qu'ils ont été convoqués à Camp Samory, une base militaire au centre de Conakry, où le Président Conté a menacé de les tuer.[84] Lors d'un entretien avec Human Rights Watch, un dirigeant syndicaliste a décrit la rencontre entre la direction du syndicat et le Président Conté :
Nous avons été amenés au bureau du Président. Chantal Cole était là, ainsi que Fodé Bangoura et Kerfalla, mais seule Chantal Cole se tenait près du Président.[85] Elle tenait une liste de nos revendications. Il y avait des Bérets rouges qui se tenaient tout autour de la pièce. Puis le Président a dit:«Vous m'avez pris ma chemise. Je n'ai plus que mes pantalons. Vous m'avez humilié, mais je vous tuerai. Si je vous tue, je n'aurai à en répondre à personne, et personne ne pourra rien y faire. Est-ce que je devrais vous couper la tête, ou juste vous faire disparaître ? Je pourrais vous faire disparaître et personne ne le saurait jamais. Si je lève mon petit doigt, mes gardes vous couperont en petits morceaux et vous mangeront devant moi. Tôt ou tard, je vous tuerai. Je me demande juste de quelle façon je vais m'y prendre."[86]
Selon le même leader syndicaliste, après ce discours, le Président Conté les a insultés et puis les a laissés rentrer chez eux.[87]
Le 22 janvier -le jour où des dizaines de milliers de Guinéens ont tenté de défiler depuis les banlieues jusqu'au Palais du Peuple, et le jour du plus grand nombre de victimes - le siège de l'un des deux principaux syndicats dirigeant la grève, la CNTG, a été attaqué par un groupe composé de policiers et de Bérets rouges. D'après des dirigeants syndicaux et d'autres personnes présentes dans le bâtiment, les Bérets rouges sont arrivés d'abord ce matin-là, conduits par Ousmane Conté, le fils du Président Conté.[88] Les dirigeants syndicaux ont dit à Human Rights Watch que les forces de sécurité avaient alors cassé plusieurs portes au niveau supérieur du siège de la CNTG et arrêté six jeunes à l'étage, qui ont été emmenés au camp Koudara, où les syndicalistes ont rapporté qu'ils avaient reçu chacun 40 coups de matraque avant d'être relâchés.[89] La plupart des dirigeants syndicaux étaient en bas au moment de la première intrusion, plusieurs d'entre eux observant Ousmane Conté depuis une fenêtre.[90]
Plus tard dans l'après-midi, les syndicalistes rapportent que les Bérets rouges et la police sont revenus au siège de la CNTG en plus grand nombre, la police prenant d'assaut le premier étage depuis l'avant du bâtiment et les Bérets rouges prenant d'assaut le niveau inférieur depuis l'arrière du bâtiment.[91] Un syndicaliste a décrit l'arrivée de la police à l'étage supérieur du siège de la CNTG :
J'étais au premier étage avec l'un des dirigeants syndicaux quand la police est arrivée. Aux environs de 5 heures de l'après-midi, nous avons entendu beaucoup de bruit et nous avons décidé de fermer la porte du bureau dans lequel nous nous trouvions, et puis de nous cacher dans les toilettes annexées à ce bureau. Nous étions une dizaine là-dedans. Peu après, la police a enfoncé les deux portes et nous a trouvés dans les toilettes. Trois policiers sont entrés dans les toilettes. L'un d'eux paraissait prêt à lancer une grenade de gaz lacrymogènes à l'intérieur et à fermer la porte. Mais un autre policier lui a saisi le bras. Nous avons levé les mains pour nous rendre et ils nous ont fouillés. Ils ont pris mon argent, 225 000 francs [francs guinéens, environ 37 $ US], et mon téléphone portable. Puis ils nous ont frappés à coups de matraques, en disant:«Vous voulez semer la pagaïe, c'est vous qu'on va mettre dans un bel état. Nous allons vous tuer tous.» Ils ont pris le secrétaire général et ils lui ont enlevé ses lunettes et ils se sont mis à le frapper partout à coups de matraques. Puis tout d'un coup ils sont partis tous les trois en courant et ils nous ont laissés, alors nous avons fermé la porte des toilettes à nouveau. Mais quelques minutes plus tard un second groupe est arrivé. Ils étaient trois. Nous avons levé les bras et ils nous ont fouillés à nouveau, et ils ont trouvé mon deuxième téléphone portable. Puis ils nous encore battus avant de nous arrêter et de nous envoyer jusqu'au camion qui était dehors. L'un d'eux a dit: «Nous allons tous vous tuer aujourd'hui.»[92]
Les syndicalistes ont dit à Human Rights Watch que pendant que les forces conjointes de la police et des Bérets rouges continuaient à dévaliser le bâtiment, renversant les ordinateurs et cassant le matériel de bureau, plusieurs d'entre eux ont convergé dans une pièce du rez-de-chaussée où se trouvaient les principaux dirigeants syndicaux. Une dirigeante syndicale a rapporté son expérience comme suit :
Vers 4h30 de l'après-midi, les Bérets rouges sont revenus. Nous avons entendu des cris et des insultes à l'extérieur de la pièce où nous nous trouvions. Puis une dizaine d'entre eux ont fait irruption dans la pièce. Il y avait un Béret rouge et les autres étaient des policiers. L'un d'eux a dit: «Fofana est là, Raby est là.»[93] Puis un autre a dit: «C'est ici que vous préparez votre coup d'état. On va vous en donner du changement.» Ils ont renversé tous les ordinateurs et le matériel. Sept d'entre eux ont pris Fofana et l'ont battu, le frappant durement à l'oeil. Ils l'ont menotté avec difficulté à cause de sa corpulence. L'un d'eux a dit: «Pique-le avec une baïonnette, ouvre-lui la tête,» et nous avons tous crié «Oh mon Dieu !» Puis ils nous ont fait les poches pour nous prendre notre argent. Ils nous ont frappés à coups de crosses de fusils pendant que nous sortions. Nous nous dépêchions de sortir de la pièce pour éviter les coups. Puis ils nous ont mis dans une camionnette pick-up dehors, mais le véhicule était si plein de syndicalistes qu'il ne pouvait pas monter la petite côte pour sortir de notre parking. Alors ils nous ont tous jetés du camion et ils nous ont répartis dans quatre véhicules. On nous a d'abord emmenés au commissariat de police central en ville. Nous pensions qu'ils allaient nous tuer. Un policier a montré Fofana et a dit: «Qui lui a mis les menottes ?» Mais personne n'a répondu. A ce point, Fofana ne pouvait voir que d'un œil parce que l'autre était si gonflé et il avait du sang sur le visage. Beaucoup d'entre nous pleuraient de le voir comme ça. Nous avons dit à la police: «Il est malade, il a du diabète.» L'un d'eux a dit: «On s'en fiche. Vous vouliez le changement, nous allons vous le donner.» Ils ont pris nos noms, et puis ils nous ont remis dans la camionnette. Il y avait des policiers assis sur le porte-bagages au-dessus de la couchette du pick-up avec les pieds qui pendaient près de nos têtes. Si l'un de nous bougeait, ils nous donnaient un coup de pied dans la tête. Puis ils nous ont amenés au poste de police de la CMIS.»[94]
Plus tard ce soir-là, les dirigeants des syndicats CNTG et USTG ont été emmenés depuis le poste de police de la CMIS voir le Président Conté à Camp Samory. Un dirigeant syndical interrogé par Human Rights Watch a affirmé que pendant cette rencontre, le Président Conté semblait ne pas avoir déjà connaissance de l'invasion des locaux de la CNTG et de l'arrestation ultérieure des syndicalistes, et qu'il avait ordonné leur libération.[95] En tout, les dirigeants syndicaux ont précisé que 70 syndicalistes environ avaient été emmenés au poste de police de la CMIS où ils avaient été détenus jusqu'à environ minuit, avant d'être escortés jusque chez eux. Un accord ultérieur entre les syndicats, le gouvernement et le Conseil National du Patronat signé le 27 janvier 2007 a officiellement «déploré l'invasion, la destruction, et le pillage de la Bourse de Travail [siège de la CNTG]…et l'arrestation arbitraire de dirigeants syndicaux.»
Intimidation des médias au cours des premières semaines de grève
Fin 2006, la Guinée est devenue le dernier pays d'Afrique occidentale à autoriser la diffusion de radios privées, mettant ainsi fin à 48 ans de monopole de la diffusion, lorsque quatre stations de radio privées se sont vues accorder des licences et ont commencé à diffuser leurs programmes.[96] Malgré cette adoption apparente de la liberté d'expression, garantie dans le cadre de la constitution de la Guinée aussi bien que par les conventions internationales auxquelles ce pays est un Etat partie,[97] pendant les premières semaines de la grève, nombre d'actions ont été menées par des agents du gouvernement guinéen pour restreindre la libre transmission de l'information par des stations de radio privées. Par exemple, des journalistes interrogés par Human Rights Watch rapportent que la transmission FM de Radio France International a été interrompue par le gouvernement à deux occasions au moins pendant la durée de la grève.[98] Le 15 janvier 2007, dans différentes visites aux diverses stations de radio, le ministre de l'information alors en poste, Boubacar Yacine Diallo, aurait interdit à toutes les stations de radio privées et publiques de diffuser toute information relative à la grève.[99] Un employé d'une des quatre stations de radio privées de la Guinée, qui a persisté à diffuser des nouvelles relatives à la grève, a dit à Human Rights Watch qu'il avait reçu plusieurs appels menaçants, de la part du gouvernement et de sources anonymes, au cours des premières semaines de la grève, y compris de la part du ministre de l'Information en personne.[100]
La grève en dehors de Conakry
Si les quartiers de Conakry ont été les foyers des manifestations comme de la répression tout au long de la grève, les manifestations ne se sont pas limitées à celles de la capitale, ni à une région particulière ou à un groupe ethnique particulier. Entre le 17 et le 23 janvier, il y a eu des manifestations importantes dans presque toutes les villes et régions principales de la Guinée, par exemple à Télimélé, Koundara, Dalaba, Pita, Labé, Mamou, Siguiri, Kankan, Kissidougou et N'Zérékoré, et une dizaine de morts au moins ont été signalés à Labé, Mamou, Kankan et N'zérékoré.[101] Bien que Human Rights Watch n'ait pas pu faire de recherches dans chacune de ces villes du fait de contraintes de temps, les chercheurs ont mené des entretiens dans les villes guinéennes centrales de Mamou, Dalaba et Labé.
Le Cas de Labé
Les forces de sécurité dans la région centrale guinéenne de Fouta Djallon ont imposé beaucoup plus de limites au cours des premières semaines de grève que leurs homologues à Conakry, ce qui a eu pour résultat un nombre de victimes beaucoup plus faible. A Labé, la capitale régionale, des témoins rapportent que des manifestations se sont déroulées dans toute la ville presque chaque jour de la grève, et certains témoins oculaires et agents du gouvernement ont affirmé que les manifestants défilaient plus souvent à Labé que dans toute autre ville de Guinée.[102] La majorité de ces manifestations étaient des rassemblements pacifiques, sans jets de pierres, ni vandalisme, ou brutalité de la part des forces de sécurité.[103] Cependant, le 17 mars 2007, un groupe de manifestants a dévalisé la résidence officielle du gouverneur ainsi que le domicile privé du préfet de Dubréka.[104] Les manifestants ont aussi attaqué la résidence du préfet, où un manifestant a été tué par balles.[105]
Malgré les manifestations fréquentes et les destructions de propriétés privées et gouvernementales, Labé a enregistré un seul mort et une poignée de blessés au cours des quatre premières semaines de grève. Les manifestants et les agents gouvernementaux interrogés par Human Rights Watch attribuent le nombre relativement faible de morts à plusieurs facteurs, tels que l'organisation mise en place par les syndicats et les groupes de jeunes pour empêcher le vandalisme, et la détermination apparente du gouverneur de Labé de minimiser les pertes humaines.[106] Le gouverneur de Labé a fourni le compte-rendu suivant du pillage de sa résidence :
Quand mes gardes m'ont appelé pour me dire que les manifestants étaient devant ma maison, l'un d'entre eux criait et disait: «Les manifestants vont nous tuer.» Je leur ai dit de ne pas tirer, et de battre en retraite s'il le fallait. En tant que gouverneur, c'est à moi de décider de tirer ou pas. Les fenêtres et les objets sont remplaçables, mais pas la vie. Les soldats chez moi étaient armés. Si je n'avais pas donné l'ordre de ne pas tirer, des manifestants seraient probablement morts en attaquant ma maison. Mais je leur ai dit de ne pas tirer, même en l'air, parce que ces balles peuvent retomber et tuer des gens. Si une maison comme celle-ci avait été attaquée à Conakry, il y aurait eu beaucoup de morts.[107]
D'autres personnes interrogées par Human Rights Watch attribuent le contrôle dont ont fait preuve les forces de sécurité à Labé pendant les premières semaines de grève, au moins en partie, à un tract mis en circulation par un groupe de jeunes après qu'un manifestant ait été tué devant la résidence du préfet, contenant la menace de tuer trois membres des familles des militaires pour chaque nouveau manifestant tué.[108]
Réaction à la nomination d'un nouveau Premier ministre
Le 27 janvier 2007, dans un accord tripartite signé par le gouvernement guinéen, les syndicats ayant appelé à la grève, et le Conseil National du Patronat ,[109] le Président Conté a accepté de déléguer des pouvoirs à un nouveau Premier ministre de consensus, qui, pour la première fois dans l'histoire de la Guinée, serait à la tête du gouvernement.[110] De plus, le gouvernement a accepté de prendre des mesures pour réduire le prix du riz et du carburant ; d'interdire l'exportation de produits alimentaires, de la pêche, forestiers et pétroliers ; de permettre aux poursuites judiciaires entamées contre ceux qui «pillent l'économie nationale» de continuer sans obstruction; et d'établir une commission d'enquête pour examiner les exactions commises pendant la grève. En retour, les syndicats ont suspendu la grève, et plusieurs semaines de calme inquiet ont suivi, tandis que les affaires et les activités reprenaient dans tout le pays, et que les Guinéens attendaient de voir qui le Président Conté allait nommer comme Premier ministre, chef du gouvernement.
La fragile trêve allait être de courte durée. Les jours passant, les dirigeants syndicaux se sont lassés d'attendre une nomination et ont menacé de reprendre la grève le 12 février si personne n'était nommé. Le 9 février, au lieu d'un Premier ministre de «consensus», le Président Conté désignait un membre de longue date de son cabinet, Eugène Camara, qui occupait alors les fonctions de ministre d'Etat aux affaires présidentielles. Cette nomination a été largement perçue comme une trahison de l'accord passé par Conté avec les syndicats, et a provoqué une réponse immédiate et violente des manifestants. Un manifestant s'est souvenu d'avoir entendu l'annonce :
Nous avions tous attendu cette annonce. Mais quand je l'ai entendue, je pouvais à peine le croire parce que ça semblait une violation tellement flagrante de l'accord entre les syndicats et le gouvernement. Ce type avait fait partie de tous les problèmes financiers de ce gouvernement, avait été au cœur du régime Conté pendant les dix années précédentes. J'étais hors de moi de colère. J'ai éteint la radio et je ne pouvais pas écouter le reste. Ce soir-là, les rues de Conakry se sont remplies de manifestants. Les gens hurlaient: «Nous ne le voulons pas, c'est l'homme de Conté,» «Le gouvernement est un menteur,» et «Conté se fiche bien de nous !»[111]
Attisée par la nomination, une violente agitation a enflammé le pays. Human Rights Watch a interrogé 36 victimes ainsi qu'un témoin du chaos et des brutalités qui ont eu lieu au cours des deux semaines qui ont suivi ; une sélection de ces récits est proposée ci-dessous.
En l'espace d'à peine une nuit, ce qui avait commencé comme une grève générale organisée à la mi janvier s'est transformé en une insurrection générale et un chaos dans lequel des émeutiers attaquaient les installations gouvernementales, pillaient les domiciles privés des représentants du gouvernement et de l'armée (y compris une maison appartenant au Président Vieira de la Guinée-Bissau voisine), brûlaient des pneus et, dans un quartier au moins, échangeaient des coups de feu avec les forces de sécurité.[112] Dans certains quartiers, des individus ont profité du chaos pour voler leurs concitoyens à des postes de contrôle temporaires.[113] Des émeutiers ont attaqué et dévalisé des postes de police et de gendarmerie, ainsi que des domiciles privés de membres de l'armée, s'emparant en même temps d'un grand nombre d'armes.[114] Au cours d'une de ces attaques à Conakry, un soldat a été battu à mort. Un témoin a décrit le chaos qui régnait dans le quartier de Hamdallaye à Conakry :
Ce week-end là, après l'annonce de la nomination de Eugène Camara, c'était déjà la loi de la jungle. Juste après l'annonce, je suis allé depuis chez moi jusqu'à une station essence et j'ai vu des jeunes qui volaient de l'argent et des téléphones, et qui frappaient des citoyens. Le lendemain, vers six heures de l'après-midi, j'ai vu au même endroit des jeunes du quartier sortir un type d'une BMW et le poursuivre. Le lundi matin, la population a dévalisé la maison d'un colonel de l'armée qui vit dans le quartier, le Colonel Chérif. En dix minutes, ils avaient vidé toute la maison. D'après ce qu'a dit plus tard le Colonel Chérif, ils ont prix seize fusils de combat et des munitions. A ce moment-là, il y avait trois soldats qui gardaient la maison et qui se sont enfuis. Deux d'entre eux se sont échappés, mais l'autre a été pris par la population et tué. Ils ont abandonné son corps nu dans la rue. La population a alors mis le feu à la maison du Colonel Chérif. Sur le mur entourant sa maison, ils ont écrit «Quitte le Pouvoir»[115] et «Nique Conté.» Le même jour, il y a eu un échange de coups de feu entre la population et des soldats pas très loin de chez moi. Je ne sais pas s'ils se sont servis des armes prises dans la maison du Colonel Chérif, ou de fusils que les gens avaient déjà. Je suis au courant de Bérets rouges qui ont été touchés par des balles dans mon quartier, mais je ne sais pas s'il y en a qui sont morts. Ce même jour, j'ai aussi vu un Béret rouge accroupi, le coude sur le genou en position de combat, tirer et toucher un garçon qui portait du pain. Je pense qu'il avait douze ou treize ans. La plupart des gens s'enfuyaient loin de la grande route chaque fois qu'ils voyaient arriver des soldats, mais ce garçon n'a pas eu de chance et il s'est fait attraper dans la rue.[116]
L'agitation attisée par la nomination d'Eugène Camara ne s'est pas limitée à Conakry. Au cours du week-end qui a suivi la nomination de Camara, des affrontements entre civils et forces de sécurité ont été signalés dans tout le pays, dans des capitales préfectorales comme Kankan, Kissidougou, Faranah, Labé, N'zérékoré et Kindia. A Kankan, les émeutiers auraient attaqué la prison municipale et auraient relâché des prisonniers[117] et un soldat aurait été lynché par une foule après qu'il ait tiré sur les manifestants, tuant deux personnes.[118] A Kindia, d'après des informations, des manifestants ont pillé le bureau du gouverneur local et les forces de sécurité ont alors tiré sur la foule, tuant sept personnes.[119] En tout, 22 civils au moins ont été tués dans les jours qui ont immédiatement suivi la nomination d'Eugène Camara.[120]
Dans un communiqué, le Conseil national des organisations de la société civile guinéenne (CNOSCG) a condamné les violences et les destructions occasionnées par les émeutiers. Dans une déclaration séparée, les syndicats ont appelé à une reprise de la grève à partir du lundi 12 février. Cependant, il est apparu que les syndicats et la société civile n'étaient plus capables de contrôler les masses de jeunes en colère. Interrogée sur les raisons pour lesquelles les émeutiers n'avaient pas attendu que les syndicats réactivent la grève et organisent une manifestation pacifique, recourant au lieu de cela à des violences spontanées et des destructions de propriété, une personne a répondu à Human Rights Watch: «La population a dépassé les syndicats. Nous ne les suivions plus. C'était plutôt à eux de nous suivre. Et nous n'avions pas besoin de l'ordre des syndicats pour savoir qu'Eugène Camara n'était pas acceptable.»[121] Le dimanche 11 février, un message SMS anonyme a été largement diffusé de téléphone portable à téléphone portable :
L'assaut final commence demain jusqu'à la chute du général. Tous ensemble. La stratégie est de défiler sans vandalisme. Mais partout où l'armée tue quelqu'un, regardez autour et pillez les maisons des familles militaires. Envoyez ce message à d'autres. Merci.[122]
Le lundi 12 février, des jeunes de Hamdallaye, Bambeto et d'autres quartiers des banlieues de Conakry se sont mobilisés dans l'intention de marcher vers le centre ville. Le long du chemin, ils ont lancé des pierres et se sont affrontés avec des membres des forces de sécurité, dont la police et l'armée. Après s'être approchés du rond point de Hamdallaye, autour duquel étaient massées d'importantes forces de sécurité, ils ont été dispersés par les forces de sécurité qui lançaient des gaz lacrymogènes et tiraient en l'air, avant de tourner leurs fusils vers la foule. Des victimes et des témoins interrogés par Human Rights Watch ont décrit les morts de plusieurs manifestants au cours de ces événements. Un témoin qui a participé à la marche a décrit les événements de cette journée :
Nous étions des milliers sur la route ce jour-là -des gens venaient de partout. Les jeunes en tête du défilé étaient armés de pierres, mais rien d'autre. Quand nous sommes arrivés dans Hamdallaye, les jeunes se sont mis à lancer des pierres contre les policiers et les soldats, qui ont commencé à lancer des gaz lacrymogènes et à tirer des coups de feu en l'air en retour. J'ai vu une cinquantaine d'hommes armés ; des policiers en uniforme noir, des soldats en tenue de camouflage et de quinze à vingt Bérets rouges. Ils travaillaient tous ensemble à empêcher les jeunes d'avancer. Les jeunes et les forces de sécurité se sont affrontés là pendant une heure environ -les gaz lacrymogènes ne nous dérangeaient pas vraiment parce que nous avions des chiffons mouillés et le nez rempli de gel pour absorber le gaz. Mais ensuite les forces armées ont commencé à tirer dans la foule. Quand c'est arrivé, les jeunes se sont dispersés dans tous les sens pour ne pas se faire tirer dessus. J'ai couru dans le quartier et je me suis caché avec une vingtaine d'autres sur le côté d'une maison qui se trouvait à une cinquantaine de mètres de la grande route. Nous pensions que nous étions bien cachés et nous attendions que les choses se calment pour pouvoir revenir sur la route. Au bout de trois minutes à peu près, nous avons vu un soldat qui marchait vers le quartier. C'était un Béret rouge- il portait une tenue de camouflage et il avait un béret rouge. Quand il nous a vus, il s'est arrêté et presque immédiatement il nous a visés avec son fusil. Quand il a fait ça, nous nous sommes tous baissés. Mais mon ami Thierno a été un peu lent. J'essayai de le faire baisser. Il était juste à côté de moi quand le Béret rouge a tiré une salve, le touchant en plein au côté droit de la tête. Le sang de Thierno a coulé partout sur moi. Après j'ai dû le laver de ma chemise. Il est mort sur le coup.[123]
Des manifestants ont été interceptés avant de parvenir au rond-point de Hamdallaye. Un témoin a dit à Human Rights Watch que son groupe avait été obligé de fuir avant d'atteindre Hamdallaye quand un groupe de Bérets rouges était arrivé dans un camion et avait tiré dans la foule, tuant son ami de 26 ans.[124]
La Guinée sous la loi martiale
A la suite des violences qui ont explosé après la nomination d'Eugène Camara comme Premier ministre, le Président Conté a signé un décret le soir du 12 février 2007, proclamant «l'état desiège».[125] Non seulement le décret donnait des pouvoirs importants à l'armée, mais aussi il interdisait toutes manifestations et rassemblements publics, et il imposait un couvre-feu de 20 heures par jour.[126] Il autorisait aussi l'armée à détenir ou à mettre aux arrêts toute personne considérée comme présentant un danger pour la sécurité publique ; à effectuer des perquisitions dans des propriétés privées à la recherche d'armes et à contrôler sans mandat tous les moyens de communication ; et à exercer des restrictions draconiennes sur les médias.[127]
Perquisitions maison par maison
A la suite de la proclamation de la loi martiale, l'armée a utilisé ses pouvoirs de perquisition pour aller maison par maison dans les quartiers de Conakry comme Hamdallaye et Bambeto.[128] Ces perquisitions avaient prétendument pour but de récupérer les armes volées qui avaient été prises illégalement dans les postes de police et de gendarmerie et les domiciles privés de membres de l'armée, au cours du chaos qui avait éclaté après la nomination d'Eugène Camara. Cependant, Human Rights Watch a interrogé de nombreuses personnes qui ont allégué qu'au cours de ces perquisitions, les militaires, et surtout les Bérets rouges, s'étaient livrés à des comportements ne présentant pas de justification militaire ou de sécurité possible, comme le vol, les agressions, le meurtre et, dans certains cas isolés, le viol. Une femme de Hamdallaye a décrit la perquisition de sa maison par des soldats le 14 février 2007 :
Ceux qui ont fait ça portaient des tenues de camouflage et des bérets rouges. Quand ils sont arrivés, nous avons tous couru dans nos chambres. J'ai dit à mes enfants [12, 13 ans] de se cacher sous le lit et puis je suis revenue à la porte, que j'avais fermée à clé. Bientôt, ils ont commencé à frapper sur la porte en disant: «Ouvrez espèces de chiens, bâtards, sortez, sortez !» Ils parlaient en français, en Soussou et un peu en Pulaar.[129] Ma porte est plutôt solide et ça leur a pris du temps pour la casser mais ils y sont finalement arrivés. Puis cinq ou six d'entre eux se sont précipités à l'intérieur. Je ne me rappelle pas exactement le nombre; j'avais si peur que j'avais comme perdu la tête. Quand ils sont entrés, ils étaient vraiment en colère et quand ils m'ont vue me cacher dans la chambre, un m'a attrapée, il m'a jetée contre le mur et il m'a enfoncé son fusil dans le cou. Il était appuyé contre moi et me pressait la tête contre le mur, comme ça les autres pouvaient s'occuper à dévaliser nos affaires. Ils ont ouvert tous les tiroirs, soulevé les matelas et fini par trouver tout l'argent : 400 000 francs [francs guinéens, environ 67 $ US] cachés dans un matelas, 25 000 francs [francs guinéens, environ 4 $ US] dans un autre endroit et ma montre. Alors que j'étais là debout avec le fusil contre mon cou, mon voileest tombé, exposant mon corps, mais il ne m'a pas touchée. Pendant que tout ça se passait, je n'arrêtais pas de dire: «Pardon, s'il vous plaît…Allah, Allah.» Quand les autres ont eu fini, il m'a laissée aller et puis m'a frappée fort sur le bras avec son fusil.[130]
Un homme d'affaires du même quartier a dit à Human Rights Watch que le matin du 14 février, un groupe de soldats avaient tiré avec leurs fusils à son portail d'entrée, fait irruption dans sa maison, et volé sa famille sous la menace des armes, emportant de l'argent, des bijoux, et des équipements électroniques pour une valeur totale d'environ 20 000 $.[131] Un diplomate étranger a dit à Human Rights Watch que le 13 février, sa maison avait été envahie par la force et dévalisée par un groupe de huit Bérets rouges, qui avaient volé trois téléphones portables et avaient battu son neveu avec une matraque devant lui et devant un capitaine des Bérets rouges.[132]
Une autre victime interrogée par Human Rights Watch rapporte que le 13 février elle a été attrapée par deux soldats Bérets rouges alors qu'elle faisait cuire du riz pour sa famille et qu'elle a été violée :
Ce matin-là, nous avions entendu des coups de feu partout, aussi presque tout le monde était enfermé dans les maisons, mais j'ai pensé que parce que je suis une femme, je pouvais rester dehors à faire cuire mon riz sans être inquiétée par les soldats. Pourtant, entre midi et une heure à peu près, deux soldats ont fait irruption dans la cour. Ils portaient des bérets rouges et des uniformes verts, et ils étaient armés de fusils. Ils étaient jeunes, moins de trente ans. Ils m'ont dit de leur donner de l'argent, mais j'ai expliqué que je n'en avais pas. Alors un des deux m'a dit: «Vous êtes ceux qui s'opposent au gouvernement. Cette fois, on va vous tuer tous.» Je pouvais entendre d'autres soldats à proximité qui tapaient aux portes des voisins et qui tiraient des coups de feu en l'air. Je leur ai offert mon riz s'ils voulaient bien me laisser tranquille, mais ils ont dit: «On s'en fiche du riz. Nous en avons déjà.» A ce moment-là, l'un deux m'a frappée à la base du cou avec la crosse de son fusil et il m'a plié le bras dans le dos pour me pousser dans une pièce à côté. A l'intérieur, l'un des deux m'a frappée et m'a jetée sur le lit. Ils m'ont dit de me déshabiller et un des deux a tiré avec son fusil à travers la fenêtre pour me faire peur. Puis un des deux m'a arraché mon voile tandis que l'autre m'écartait les jambes. Un des deux m'a violée pendant que l'autre gardait la porte. Quand le premier a fini, le deuxième est venu et le premier a fait le garde. Avant que le deuxième ait fini, j'avais presque perdu connaissance. J'étais terrifiée, mais à certain moment je voulais juste mourir. J'étais épuisée de peur et j'étais sure qu'ils me tueraient quand ils auraient fini. Mais ils ne l'ont pas fait. Ils ont tiré en l'air trois fois avant de s'en aller. Après qu'ils soient partis, j'ai continué à hurler jusqu'à ce que les voisins arrivent, et ils sont immédiatement aller dire à l'imam à côté ce qui s'était passé. L'imam est allé jusqu'à la grande route où un camion militaire était stationné. Il a dit au soldat responsable: «Maintenant ils violent même nos filles !» Mais le soldat a dit: «On s'en fiche.»[133]
La victime de viol a dit à Human Rights Watch que sa famille avait signalé l'incident à un membre des Bérets rouges, qui était venu à leur maison pour enquêter :
Le Béret rouge qui est venu a dit qu'ils faisaient des inspections dans le quartier parce qu'il y avait des gens portant des uniformes militaires qui passaient en faisant de vilaines choses, mais qui n'étaient pas des membres de l'armée. Pourtant, je ne crois pas à cette explication parce que mes voisins ont vu les soldats qui ont envahi notre quartier arriver ce jour-là dans un véhicule militaire sur la grande route, pas très loin de ma maison. Ils ne peuvent pas prétendre que des criminels ont volé des uniformes militaires et des véhicules militaires.[134]
Un autre cas au moins de viol par des membres des forces de sécurité semble s'être produit pendant l'état de siège dans le même quartier.[135]
Couvre-feu
Le couvre-feu imposé par le décret de loi martiale du 12 février 2007 autorisait à l'origine la circulation seulement entre 4 heures et 8 heures de l'après-midi, mais il a été assoupli à partir du 14 février pour permettre la circulation entre midi et 6 heures du soir.[136] Les heures changeantes de couvre-feu pendant les premiers jours sous la loi martiale semblent avoir créé des confusions chez beaucoup de témoins interrogés par Human Rights Watch, les plaçant potentiellement dans une position dangereuse vis-à-vis des forces de sécurité. Bien que le décret de loi martiale ne disait rien sur les sanctions si on était trouvé dehors pendant le couvre-feu, en pratique les conséquences pour ceux qui étaient trouvés dehors pouvaient être graves. Un homme souffrant de paralysie d'une jambe a dit à Human Rights Watch qu'il avait été battu par les Bérets rouges après qu'ils l'aient trouvé dehors pendant le couvre-feu, après que tous ses voisins aient pu s'échapper à pied.[137] Human Rights Watch a interrogé deux victimes, des jeunes filles de 13 et 18 ans, qui rapportent qu'elles se sont fait tirer dessus par les forces de sécurité le 13 février à environ 3h30 de l'après-midi.[138]
D'autres victimes interrogées par Human Rights Watch rapportent s'être fait tirer dessus par les forces de sécurité alors même qu'elles étaient dehors pendant les heures de circulation autorisées. Une victime, un garçon de 13 ans, a raconté s'être fait tirer dessus par la police le 15 février à quatre heures de l'après-midi environ :
Nous étions six garçons assis sur les rochers à l'extérieur de la maison donnant sur la grande route. Trois garçons avaient mon âge, mais les autres étaient nos petits frères. Nous racontions des histoires sur nos récents voyages au village. Chaque jour nous étions sortis à la même heure après la fin du couvre-feu, pour sortir après être restés dans la maison toute la journée. Il n'y avait pas beaucoup de gens dehors, mais il y avait quelques personnes qui pompaient de l'eau. Ça faisait longtemps que nous étions assis là dehors quand nous avons vu une Mercedes bleue qui descendait la route venant de Bambeto.[139] Il n'y avait pas d'autre voiture sur la route. Un des garçons de mon groupe a crié: «Les soldats dans cette voiture nous visent !» Je me suis levé pour courir, mais à ce moment-là deux d'entre nous ont été touchés, moi et mon cousin Mamadou. La balle m'a touché au bras gauche.[140]
D'autres témoins rapportent que les militaires semblaient moins intéressés par le fait qu'ils circulent pendant ou en dehors du couvre-feu que par leur voler leurs objets de valeur. Deux témoins, chauffeurs d'un camion poids lourd se rendant à Conakry depuis N'zérékoré et transportant de grandes quantités d'huile de palme, ont raconté à Human Rights Watch qu'ils avaient été attaqués et volés par deux groupes de soldats, tant pendant qu'en dehors du couvre-feu, le 13 février. Les soldats les ont autorisés à quitter Coyah, distant de Conakry de 90 kilomètres, à 4 heures de l'après-midi :
A 7h du soir à peu près, nous sommes arrivés au rond point de Cosa à Conakry, et j'ai vu un poste de contrôle de soldats en tenues de camouflage avec des casques de camouflage qui m'ont ordonné de m'arrêter. Leur camionnette pick-up blanche était garée à côté d'eux. Quelques-uns m'ont dit qu'ils allaient saisir mon camion et l'emmener au camp militaire. Ils m'ont dit que je devais leur donner 500 000 francs [francs guinéens, environ 83 $ US]. Au bout de quelques minutes, je leur ai donné l'argent, les 500 000 francs. Je savais que s'ils m'emmenaient au camp je perdrais la marchandise et peut-être le camion, alors je suppose que c'était un petit prix à payer. Après que je leur ai donné les 500 000 francs, ils m'ont ordonné de leur donner cinq jerricans [25 litres chacun] d'huile de palme, ce que j'ai fait. A ce moment-là, un quatre-quatre Nissan Pajero qui passait s'est arrêté et les soldats ont chargé l'huile de palme dans le véhicule. Je n'ai pas vu si le chauffeur était un soldat, mais j'ai remarqué que l'immatriculation commençait par «VA», ce qui est le début des plaques d'immatriculation officielles.[141] Puis trois des soldats ont dit qu'ils allaient monter dans le camion pour m'escorter pendant un kilomètre jusqu'au parking. Ils ont dit qu'ils voulaient me protéger contre d'autres mauvais soldats qui pourraient vouloir me voler. Cependant, après deux ou trois cents mètres sur la route, ils m'ont ordonné de m'arrêter, pointant leurs fusils sur moi, et m'ont ordonné de leur donner le reste de mon argent et encore de l'huile de palme. Je leur ai donné 200 000 francs de plus [francs guinéens, environ 33 $ US] et trois jerricans d'huile de palme de plus, et à ce moment-là l'un d'eux m'a poussé avec son fusil et m'a ordonné de descendre du camion. Puis les deux autres ont fouillé dans la cabine du camion et ils ont volé mon téléphone portable et encore 100 000 francs [francs guinéens, environ 17 $ US]. Après ça, ils ont tiré en l'air plusieurs fois et m'ont dit d'aller au garage. Entre-temps, l'heure du couvre-feu était passée, aussi mes deux assistants et moi nous avons décidé de passer la nuit dans le camion. Mais nos problèmes n'étaient pas finis ![142]
Le chauffeur et son assistant ont expliqué à Human Rights Watch qu'aux environs de minuit encore un autre groupe de soldats s'était approché du camion, avait ordonné aux deux assistants du chauffeur de leur donner 20 jerricans d'huile de palme, et puis avaient tiré un seul coup à bout pourtant, touchant au cou un des assistants, Ibrahim Bah, avant de repartir. Mr. Bah est mort quelques minutes plus tard.[143]
Balles perdues et tirs imprudents
Au cours des six semaines de crise, les forces de sécurité ont tiré en l'air une quantité innombrable de balles en tentant de disperser les foules. Dans de nombreux cas, les forces de sécurité ont tiré des balles en l'air même quand il n'y avait pas de foules visibles à disperser, vraisemblablement en tentant d'effrayer les manifestants pour qu'ils restent chez eux.[144] Située sur une étroite péninsule, la terre à Conakry est rare, et la ville est très densément peuplée. Il était donc entièrement prévisible que beaucoup des balles tirées en l'air toucheraient des cibles involontaires quand elles retomberaient sur terre.
Human Rights Watch a interrogé plusieurs victimes de balles perdues, comme cet enseignant dans une école coranique âgé de 34 ans qui rapporte qu'une balle a percé le toit de sa maison et l'a touché au sein gauche alors qu'il dormait, le 17 janvier.[145] Une autre victime a dit à Human Rights Watch qu'elle avait été blessée par une balle perdue qui avait pénétré dans son dos alors qu'elle était penchée pour laver des vêtements, le 13 février. Elle était enceinte de six mois à ce moment-là.[146] A Conakry, la mère d'un enfant de 4 ans a dit à Human Rights Watch que le 13 février elle s'était réveillée en se rendant compte qu'une balle avait percé son toit et avait frappé son enfant à la jambe.[147] Un homme de la banlieue de Matoto à Conakry a décrit comment sa nièce de 4 ans était morte à cause d'une balle perdue :
Le 23 janvier, j'étais assis sur le porche. Ma nièce a traversé la cour en courant vers une autre maison. A peu près à mi chemin, nous l'avons vue tomber. D'abord, nous n'avons rien compris. Nous pensions qu'elle avait une crise ou quelque chose. Mais quand nous lui avons soulevé la tête, nous avons vu du sang partout sur le sol. Il y avait un trou sur le dessus de sa tête et nous avons réalisé que c'était une balle perdue.[148]
D'autres victimes interrogées par Human Rights Watch ont été blessées par ce qu'on ne peut décrire que comme des tirs imprudents et incontrôlés. Une victime, une mère de 41 ans, a raconté comment, le 14 février, elle a couru dans sa maison avec ses enfants quand elle a vu un groupe de six à huit Bérets rouges qui s'approchaient :
Quand nous avons été à l'intérieur, les Bérets rouges ont commencé à frapper la porte avec leurs fusils, en nous ordonnant à tous d'ouvrir les portes. L'un d'eux m'a crié: «Ouvrez cette porte ou je vous tuerai tous.» J'avais peur et j'ai dit: «Ne tirez pas. J'ai des enfants ici dedans. Ne tirez pas, laissez-moi ouvrir.» La porte de ma maison a quatre serrures différentes, alors ça prend du temps pour les ouvrir toutes. Je suppose que ça a mis en colère le Béret rouge, parce que pendant que j'ouvrais les serrures, il a tiré à travers ma porte et la balle m'a écorché le pied droit.[149]
Dans un autre exemple de tir imprudent, deux victimes de tirs ont décrit la façon dont le 11 février, des membres des forces de sécurité dans une camionnette pick-up blanche roulant à l'avant d'un convoi qui passait, et dont elles ont pensé qu'il s'agissait du cortège présidentiel, ont tiré dans tous les sensen traversant la commune de Ratoma à Conakry, vraisemblablement dans le but de dégager la route d'éventuels manifestants avant l'arrivée du cortège motorisé. Les deux victimes ont dit à Human Rights Watch qu'elles avaient reçu des balles alors qu'elles étaient en train de boire le thé dans un restaurant situé derrière un grand conteneur métallique, à cinq mètres environ de la grande route.[150]
Intimidation et arrestation de journalistes
Immédiatement avant et après la déclaration de la loi martiale, les journalistes interrogés par Human Rights Watch rapportent qu'ils ont été menacés, agressés, arrêtés et battus par les agents gouvernementaux, en particulier les Bérets rouges, tandis qu'ils tentaient de rendre compte des nouvelles.
Les nouvelles stations de radio privées de Guinée,[151] semblent avoir été particulièrement désignées aux exactions des militaires. Dans l'après-midi du 12 février 2007, deux des stations de radio privées les plus populaires de Guinée ont été assiégées par les Bérets rouges. Les témoins interrogés par Human Rights Watch ont décrit une attaque contre le studio de FM Liberté par un groupe de 10 Bérets rouges qui ont dévalisé la station, prenant les ordinateurs et les jetant par terre, coupant les câbles avec des couteaux et fracassant d'autres équipements avec des chaises.[152] Deux des employés de la station ont été arrêtés et détenus pendant trois jours dans une prison militaire avant d'être relâchés.[153] L'un d'eux a dit à Human Rights Watch que les Bérets rouges l'avait battu, frappé à coups de pieds, lui avaient craché dessus et brûlé le cou avec une cigarette.[154] Les deux employés ont dit à Human Rights Watch que les Bérets rouges les accusaient «d'inciter la population à la rébellion.» Les employés de FM Liberté ont rapporté qu'avant leur arrestation ils recevaient des appels téléphoniques en direct de la part de leurs journalistes situés autour de Conakry et qui rendaient compte des conditions régnant dans leur zone. FM Liberté n'a recommencé à diffuser qu'à la fin du mois de mars 2007.
Une seconde station de radio privée, Radio Familia, a déclaré avoir reçu un appel anonyme ce jour-là, conseillant aux employés de quitter la station :
Ce jour-là, vers 11h du matin, nous diffusions un programme avec des appels d'auditeurs. Le thème était: «Que pensez-vous du pillage par la population ? Est-ce cela la solution ?» Il y avait diverses opinions exprimées par les gens qui appelaient. Certains disaient que ce n'était pas la meilleure méthode, parce que nous avons tous besoin de ce qui est cassé. D'autres, la majorité, regrettaient le pillage, mais disaient que c'était la faute du gouvernement. Vers 11h45, j'ai reçu un appel m'informant que FM Liberté avait été dévalisé par la garde présidentielle. J'étais paniqué. J'ai essayé d'appeler le directeur de FM Liberté, mais je n'ai pas eu de réponse. Puis j'ai reçu un appel anonyme de quelqu'un qui disait que je devais sortir de la station et que j'étais en danger. Je lui ai dit que je ne pouvais pas laisser mes employés seuls à la station et il a dit: «C'est de votre vie qu'il est question. Des soldats ont été envoyés à FM Liberté et vous êtes les suivants.» Après cet appel, mes employés m'ont dit que nous devions fermer la station. Alors nous nous sommes mis en action dans la panique, démontant les équipements électroniques et les fourrant dans des boites en carton que nous avons cachées de notre mieux. Nous avons éteint l'émetteur et arrêté la transmission. Peu après, une vingtaine de Bérets rouges sont arrivés et ont pris place autour du bâtiment en dessous. Je les entendais qui tiraient en l'air. Je suis sorti sur le balcon et j'ai regardé en bas vers les Bérets rouges. L'un d'eux a crié: «C'est vous qui mettez le feu au pays, vous allez voir !» Puis ils ont encore tiré en l'air. Les soldats sont restés une dizaine de minutes avant de s'en aller. Plus tard un membre des Bérets rouges m'a dit que si nous n'avions pas arrêté de transmettre, ça n'aurait pas été bon pour nous ce jour-là.[155]
Radio Familia n'a recommencé à transmettre que plusieurs jours après que l'état de siège ait pris fin. Dans les semaines qui ont suivi, Radio Familia rapporte que le Conseil National de la Communication (CNC), l'organe régulateur indépendant des médias en Guinée, avait accusé la station de discuter de sujets étrangers au domaine d'une station de radio communautaire et avait menacé de révoquer sa licence.[156] Radio Familia maintient que cette couverture de la grève est pertinente pour la communauté qu'elle sert.[157]
En plus des stations de radio privées, des correspondants des médias d'information locaux aussi bien qu'internationaux ont dit à Human Rights Watch avoir été harcelés à l'aéroport de Conakry, alors qu'ils essayaient de couvrir l'arrivée de différents présidents étrangers venus en Guinée pour tenter de servir de médiateur dans la crise.[158] Un correspondant de médias internationaux a dit à Human Rights Watch que pendant l'état de siège, un groupe de Bérets rouges était venu et avait tiré sur le mur en face de sa maison, dans ce qu'il a perçu comme une tentative d'intimidation.[159]
Même après la fin de la crise de la loi martiale, les Bérets rouges ont continué à harceler et maltraiter des journalistes. Un journaliste appartenant à une des stations de radio privées de Guinée a déclaré à Human Rights Watch que le 13 mars 2007 un Béret rouge l'avait frappé et avait tenté de l'empêcher de couvrir l'arrivée du Président Wade du Sénégal, en lui disant: «Seule RTG [média d'Etat] est autorisée ici.»[160] Le 27 mars 2007, un membre de la garde présidentielle aurait attaqué un journaliste employé par un journal privé et aurait endommagé son appareil photo. Le journaliste était allé au siège du parti au pouvoir, le PUP, pour couvrir une conférence de presse, et aurait essayé de prendre une photo du Président Conté tandis qu'il prenait la parole lors de la conférence.[161]
Résolution de la crise de la loi martiale
Aux termes de l'article 74 de la constitution guinéenne, si le président peut déclarer un état de siège d'une durée allant jusqu'à 12 jours, toute prolongation au-delà de 12 jours doit être approuvée par l'Assemblée Nationale.[162] Peu avant le 23 février, date d'expiration de l'état de siège, le Président Conté a demandé à l'Assemblée Nationale de le prolonger; à la radio d'Etat, le Général Kerfalla Camara, chef de l'armée guinéenne, a ordonné aux citoyens guinéens de reprendre le travail, mettant l'armée dans une situation de conflit possible avec les syndicats.[163] De façon surprenante cependant, l'Assemblée Nationale -composée presque entièrement de membres du parti au pouvoir, le PUP,[164] et considérée habituellement comme manquant d'indépendance par rapport à la branche exécutive du gouvernement- a voté unanimement contre la prolongation.[165] Pour expliquer ce vote historique, un député du PUP a dit à Human Rights Watch qu'il avait estimé que l'état de siège n'était simplement plus nécessaire pour empêcher le vandalisme.[166] Avec l'effondrement du soutien dans ses propres rangs, et les rumeurs de mécontentement et de schisme dans l'armée,[167] Conté a accepté de nommer un nouveau Premier ministre choisi dans une courte liste qui lui avait été remise par les syndicats quelques jours plus tard. Le 27 février, Lansana Kouyaté, un diplomate, et l'un des noms proposés par le syndicat, était nommé Premier ministre. Peu après, les syndicats «suspendaient» la grève une fois encore.[168]
Réponse du gouvernement aux meurtres et autres exactions en rapport avec la grève
Le gouvernement guinéen a des obligations légales au regard de plusieurs traités africains et internationaux relatifs aux droits humains, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, qui exigent de lui le respect du droit à la vie, du droit à l'intégrité physique, du droit à la liberté et à la sécurité de la personne, et des libertés d'expression, d'association et d'assemblée.[169] La Guinée a le droit d'imposer des restrictions légitimes sur beaucoup de droits, dont le droit à la liberté et à la sécurité de la personne et aux trois libertés d'expression, d'association et d'assemblée, lorsque c'est nécessaire pour la sécurité ou l'ordre publics, et dispose effectivement du droit de déroger à ces droits dans les situations d'urgence. Aucune dérogation n'est permise au droit à la vie ni au droit à l'intégrité physique. Les restrictions ou dérogations permises doivent être établies par la loi et sont seulement légitimes dans la mesure strictement exigée par la situation. Dans le cas de restrictions résultant de dérogation officielle en situation d'urgence, elles ne doivent durer qu'aussi longtemps qu'elles sont d'une absolue nécessité. Par conséquent, si certaines des mesures prises pour réduire le plein exercice des droits politiques, en particulier après les violences du 9 février, peuvent être considérées comme légitimes, beaucoup des actions des forces de sécurité durant les six semaines de crise, en particulier le recours à la force violente entraînant des blessures et des morts, ne peuvent pas être conciliées avec les obligations de la Guinée à l'égard des droits humains.
Le ministère guinéen de la Santé a reconnu qu'à la date du 19 mars 2007, la grève et la réponse violente qui lui a été faite avaient entraîné la mort de 129 personnes et de 1764 blessés.[170] Des leaders de la société civile essayant d'enquêter sur les exactions liées à la grève ont affirmé à Human Rights Watch que le véritable bilan des morts ne serait peut-être jamais connu parce que beaucoup de victimes ne sont jamais allées dans un hôpital ou à la morgue, mais ont été rapidement inhumées par leurs familles, selon la tradition islamique.[171] En outre, le personnel médical interrogé par Human Rights Watch a souligné que des victimes gravement blessées pendant la grève continuent à succomber à leurs blessures.[172]
Au cours de sa recherche, Human Rights Watch s'est entretenu avec un grand nombre d'autorités militaires et civiles guinéennes, et leur a demandé d'expliquer le rôle des forces de défense et de sécurité pendant la grève et de répondre aux allégations de mauvaise conduite.
La police
La principale institution chargée du contrôle de la foule en Guinée est la police, qui est sous le contrôle du ministère de la Sécurité. Au cours de sa recherche, Human Rights Watch s'est entretenu avec des dizaines de témoins qui ont déclaré que des officiers de police, sous le prétexte de maintenir l'ordre public, étaient impliqués dans des meurtres, des agressions et des vols à l'encontre de civils. Cependant, malgré le nombre élevé de morts et d'autres exactions dont ce rapport fait état, le ministre de la Sécurité alors en fonction, Fodé Shapo Touré, a affirmé à Human Rights Watch qu'il n'était pas au courant de cas de recours excessif à la force de la part de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions pendant la grève, mais il a noté que cela serait à déterminer finalement par une investigation ultérieure.[173] Selon le ministre, avant la grève des instructions ont été données à la police d'utiliser «tous les moyens conventionnels» pour maintenir l'ordre, comme «des matraques, des casques, des boucliers antiémeutes et des gaz lacrymogènes,» mais pas d'armes à feu.[174] Le ministre a noté que de nombreux policiers avaient été blessés pendant la grève à cause des projectiles lancés par les manifestants, et que beaucoup de postes de police et même de domiciles privés d'officiers de police avaient été dévalisés pendant les manifestations.[175]
L'armée
Au cours de son enquête, Human Rights Watch a recueilli des dizaines de comptes-rendus faits par des victimes et des témoins oculaires alléguant l'implication des militaires, et particulièrement des Bérets rouges, dans des meurtres, des agressions et des vols. Connue officiellement sous le nom de Bataillon Autonome de la Sécurité Présidentielle (BASP), la garde présidentielle, ou Bérets rouges, est une unité militaire d'élite comportant 200 à 300 hommes, chargée de la sécurité présidentielle. Comme la plupart des soldats en Guinée, les membres du BASP ne reçoivent pas de formation en contrôle de foule et ne possèdent pas d'équipement de contrôle d'émeute.[176] Dans un entretien avec Human Rights Watch, le chef du BASP, le Colonel Donzo, a nié que des membres du BASP aient été impliqués dans des atteintes aux droits humains au cours de la période de crise, et il a noté que pour cette raison aucun d'entre eux n'avait été sanctionné pour les mesures prises.[177] Selon le Colonel Donzo, les membres du BASP avaient reçu l'ordre de ne pas tirer sur les manifestants ni sur des personnes, et avaient pour principale mission pendant la crise de protéger les biens publics, tels que les stations de radio et de télévision nationales, et de trouver les armes volées dans certains secteurs de Conakry.[178] Contredisant le témoignage de nombreux témoins oculaires interrogés par Human Rights Watch, le Colonel Donzo maintient que les soldats des Bérets rouges n'étaient pas positionnés au pont du 8 novembre, où des dizaines de manifestants ont été tués au cours de la marche du 22 janvier 2007, et qu'ils n'avaient pas été impliqués dans les incidents comprenant l'arrestation et le harcèlement de dirigeants syndicaux et de journalistes dont ce rapport fait état.[179]
D'autres autorités militaires maintiennent que pendant les troubles, des criminels ont utilisé des uniformes militaires et des armes volées pour perpétrer des exactions contre des personnes.[180] Human Rights Watch notera que beaucoup des témoins oculaires interrogés et alléguant la participation de soldats guinéens aux violations des droits humains, ont vu les auteurs de ces actes non seulement porter un uniforme militaire, mais aussi se trouvant à proximité de véhicules militaires.[181]
La gendarmerie
En Guinée, la gendarmerie est un corps d'armée chargé des fonctions de police parmi les populations civiles. Elle est sous la responsabilité du ministère de la Défense. Au cours de sa recherche, Human Rights Watch a recueilli de nombreuses déclarations de victimes et de témoins oculaires alléguant l'implication de la gendarmerie dans les morts par balles de manifestants désarmés. Contrairement à la police et à l'armée cependant, les gendarmes ne semblent pas avoir participé à des agressions et des vols à l'encontre de citoyens dans les quartiers de Conakry. Human Rights Watch a cherché à obtenir une entrevue avec le chef de la Gendarmerie Nationale de Guinée, le Général Jacques Touré, mais on lui a répondu que pour cela il serait nécessaire de passer par le ministre de la Défense, poste qui à cette époque était occupé par le Président Conté.[182] Human Rights Watch n'a pas tenté de contacter le Président Conté pendant son séjour en Guinée.
Le ministère de la Justice
A la fin du mois de janvier 2007, le ministre de la Justice alors en fonction, Alsény René Gomez, a annoncé la création d'une commission nationale d'enquête chargée d'enquêter sur les morts, les blessés et les destructions de propriétés occasionnés durant la grève de janvier-février 2007 ainsi que pendant celle de juin 2006.[183] Supervisé et assuré par des fonctionnaires du ministère de la Justice, le travail de la commission devait être contrôlé par un comité de surveillance qui comprenait des représentants de la gendarmerie et du ministère de la Défense, ainsi que des représentants de deux syndicats.[184] L'Ordre des avocats de Guinée a voté unanimement le refus de participation au comité de surveillance, à cause de préoccupations relatives à l'indépendance de la commission, déclarant que le gouvernement en place à ce moment-là ne pouvait pas être à la fois «meurtrier et enquêteur.»[185] La plus ancienne et importante organisation de défense des droits humains de Guinée, l'Organisation Guinéenne de Défense des Droits de l'Homme et du Citoyen (OGDH), a pareillement refusé de participer.[186]
Beaucoup des personnes interrogées par Human Rights Watch au sujet de la commission nationale d'enquête, depuis des diplomates, des représentants de l'ONU, aux victimes d'exactions liées à la grève dans les banlieues de Conakry, ont exprimé un scepticisme extrême quant à la capacité d'une telle commission à fonctionner de façon indépendante, notant qu'une précédente commission, créée pour enquêter sur les abus de juin 2006, n'avait abouti à aucune poursuite judiciaire, que des incidents présentant un recours excessif à la force antérieurement à la grève de juin 2006 n'avaient jamais abouti à des poursuites, et qu'historiquement le ministère de la Justice guinéen n'avait pas été capable de fonctionner indépendamment de la branche exécutive du gouvernement.[187] Certaines victimes et leaders communautaires ont dit à Human Rights Watch qu'ils ne témoigneraient pas devant une commission qui ne comporterait pas au moins des membres internationaux.[188]
En réponse aux critiquesexprimées contre la commission créée par l'ancien ministre Gomez, à la mi avril 2007, la ministre de la Justice et des droits de l'Homme nouvellement nommée, Paulette Kourouma, a dissout le comité de surveillance. De plus, elle a créé un panel comprenant des juges et des avocats, et elle a donné pour instruction aux membres de ce panel d'élaborer un statut relatif à la création d'un nouvel organe indépendant ayant un mandat spécial pour enquêter et poursuivre les auteurs d'exactions liées à la grève.[189] L'Ordre des avocats guinéens a accepté de participer à la préparation du statut, et a dit à Human Rights Watch que l'objectif est de créer un «tribunal spécial indépendant» ayant autorité pour enquêter, inculper et poursuivre.[190] Une participation officielle de non Guinéens au «tribunal spécial» a été exclue, ainsi que la participation de membres de la société civile.[191] D'après un fonctionnaire du ministère de la Justice, ce sera à l'Assemblée Nationale de voter sur le projet de statut pour créer «la structure judiciaire indépendante qu'attendent les Guinéens.»[192]
Pour permettre un processus judiciaire en lequel les Guinéens aient confiance et participent, qui soit capable de fonctionner indépendamment et de suivre la direction des enquêtes aussi loin que nécessaire, Human Rights Watch pense qu'il est décisif qu'un organe indépendant soit créé et correctement financé aussitôt que possible. Cet organe devrait être chargé d'enquêter et de traduire en justice les auteurs des crimes commis par les forces de sécurité gouvernementales et autres au cours de la grève générale de janvier-février, ainsi que pendant les grèves précédentes comme en juin 2006, où des exactions similaires ont été commises.[193] Pour garantir l'impartialité, la diligence et l'approfondissement, le travail de toute commission indépendante ou cour spéciale devant être créée devrait s'appuyer sur l'expertise de la communauté internationale grâce à la participation de membres de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, et du Bureau du Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.
Réponse de la communauté internationale
La communauté internationale a jusqu'ici joué un rôle important en condamnant la répression, en demandant que des comptes soient rendus pour les exactions qui ont été perpétrées par les forces de sécurité,[194] et en servant d'intermédiaire dans les négociations entre le gouvernement guinéen et les syndicats.[195] Les Nations Unies ont pris des dispositions préliminaires pour encourager une enquête indépendante sur les exactions liées à la grève, par exemple en proposant une formation aux membres d'organisations locales de défense des droits humains sur les techniques d'investigation, et en finançant les déplacements dans l'intérieur du pays de ces membres formés pour documenter les atteintes aux droits humains liées à la grève.[196] Une mission du rapporteur spécial de l'ONU sur les exécutions arbitraires, sommaires ou extrajudiciaires, programmée originellement pour la semaine du 21 mars 2007, a été reportée à la demande du gouvernement de Guinée.[197]
Ces premiers pas sont certes importants, toutefois il estcrucial que les dénonciations et les appels à des enquêtes indépendantes émis immédiatement après la grève soient suivis d'une pression ferme et énergique sur un gouvernement qui a, jusqu'ici, fait preuve de réticence pour accepter toute participation internationale à une enquête sur les exactions liées à la grève, et qui par le passé n'a pas réussi à enquêter par lui-même sur des exactions de façon appropriée et indépendante. Si le devoir de rendre des comptes pour les exactions commises en rapport avec la grève doit passer du discours à la réalité, les acteurs internationaux clés intéressés par l'avenir et la stabilité de la Guinée -dont l'Union africaine, la CEDEAO, l'ONU, ainsi que des bailleurs de fonds comme les Etats-Unis et l'Union européenne -doivent utiliser tous les moyens politiques et diplomatiques à leur disposition pour faire pression sur le gouvernement guinéen afin que soit menée une enquête rapide et indépendante, suivie de l'application de sanctions pénales appropriées contre les coupables. Pour garantir l'impartialité, la promptitude et la diligence, Human Rights Watch estime qu'une commission indépendante ou une cour spéciale, qui s'appuie sur l'expertise de la communauté internationale par le biais de la participation de membres de la Commission africaines des droits de l'homme et des peuples, et du Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, est indispensable.
Conclusion
Je me demande parfois comment nous avons accepté toute cette souffrance pendant toutes ces années. C'est comme si nous étions morts. Nous avions peur. Mais la nouvelle génération n'a plus peur. La question est comment pouvons-nous maintenir cela ? Est-ce que nous allons nous rendormir ?[198]
Il n'y a pas de doute qu'un énorme changement a eu lieu pendant l'année écoulée en Guinée. Les citoyens guinéens, connus par le passé pour leur volonté apparente de souffrir sans se plaindre, demandent maintenant à leurs dirigeants un meilleur gouvernement et un plus grand devoir de rendre des comptes. La société civile, que l'on croyait par le passé n'être qu'une faible voix pour le changement, est de plus en plus capable de faire pression sur le gouvernement pour obtenir des réformes économiques et politiques, de façon organisée et concertée.[199] Néanmoins, cette conscience et ce courage accrus sont allés de pair avec une augmentation parallèle des violations des droits civils et politiques.
Si la crise immédiate est passée, la stabilité de la Guinée est encore en suspens. L'indiscipline et la brutalité dont ont fait preuve les forces de sécurité guinéennes au cours des trois dernières grèves générales pèsent lourdement sur le plateau du chaos et de l'instabilité d'un côté, et sur celui de l'état de droit de l'autre. Ils est décisif que le problème de l'impunité pour les violations en rapport avec la grève et autres formes plus chroniques de violence soutenues par l'Etat soit compris par la communauté internationale, le gouvernement guinéen et la société civile guinéenne, comme un obstacle essentiel à la construction de l'état de droit et d'un avenir plus stable et plus prospère. Le devoir de réclamer des comptes aux auteurs des violations dont ce rapport fait état, et de s'assurer que ces violations ne se reproduisent pas dans le futur, exigera l'action soutenue et concertée de tous ces acteurs pour mettre un terme à l'impunité qui gangrène le système judiciaire guinéen, encourage les criminels et prolonge les exactions. Une liste d'actions à entreprendre recommandées est incluse dans ce rapport.
Remerciements
Human Rights Watch aimerait remercier toutes les organisations et les personnes interrogées pour ce rapport pour leur aide et leur éclairage inestimables, en particulier l'Organisation Guinéenne de Défense des droits de l'Homme et du citoyen (OGDH), Les Mêmes Droits pour Tous (MDT), et l'Ordre des avocats guinéens. Beaucoup des personnes qui ont rendu possible la recherche qui sous-tend ce rapport ne peuvent pas être nommées pour des raisons de sécurité, et nous saluons leur courage et leur détermination face aux risques élevés pour leur propre sécurité. Human Rights Watch exprime une gratitude particulière aux victimes et aux témoins oculaires des violences et des brutalités qui ont surmonté leur peur et qui nous ont invités chez eux pour partager leurs histoires d'héroïsme et de souffrance. Comme on dit dans les quatre principales langues de Guinée : "I nu wale," "on jaraama," "I ni ke," et "ka ma ma."
[1]Pour un compte-rendu des violations perpétrées par les forces de sécurité guinéennes durant les grèves de juin 2006 et d'autres, voir Human Rights Watch, "Le côté pervers des choses, Torture, conditions de détention inadaptées et usage excessif de la force de la part des forces de sécurité guinéennes," vol. 18, no. 7(A), août 2006, http://hrw.org/reports/2006/Guinea0806. Voir aussi, Amnesty International, "Guinea: Maintaining Order With Contempt for the Right to Life," AI Index: AFR 29/001/2002, Mai 2002, http://web.amnesty.org/library/pdf/AFR290012002ENGLISH/$File/AFR2900102.pdf (consulté le 3 avril 2007).
[2]Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, des membres de la société civile guinéenne, et des victimes des violations des droits humains liées à la grève, Conakry et Labé, Janvier, février et mars 2007.
[3]Human Rights Watch, Le côté pervers des choses.
[4]Entretiens de Human Rights Watch avec des leaders syndicalistes et de la société civile, Conakry, 5 février, et 16-17 mars 2007.
[5]Département d'Etat des Etats-Unis, Bureau des Affaires africaines, "Background Note: Guinea," Mai 2006, http://www.state.gov/r/pa/ei/bgn/2824.htm.
[6] Voir Amnesty International, "Republic of Guinea: Amnesty International's Concerns sine April 1984," 11 décembre 1991, http://www.amnestyusa.org/countries/Guinea/document.do?id=8EEF4F1789268248802569A6006010E0 (consulté le 4 avril 2007); Amnesty International, "Guinea: Does the political will exist to improve human rights?" AI Index: AFR 29/05/95, 9 novembre 1995, http://www.amnestyusa.org/countries/Guinea/document.do?id=2D8F4CB80556BE39802569A50071584E (consulté le 4 avril 2007).
[7]Un ancien fonctionnaire de USAID/Guinée témoignant devant le Congrès américain a dit carrément : "Chaque élection, depuis les premières élections présidentielles pluripartites en 1993 jusqu'aux élections locales les plus récentes en décembre 2005, a été frauduleuse." Dr. Herschelle S. Challenor, ancien chef d'équipe, Démocratie et Gouvernance USAID/Guinée, Témoignage devant le Comité du Parlement sur les affaires étrangères, Sous-comité sur l'Afrique et la santé mondiale, 22 mars 2007, http://foreignaffairs.house.gov/110/cha032207.htm (consulté le 4 avril 2007). Voir aussi Département d'Etat des Etats-Unis, Bureau de la Démocratie, des droits de l'homme et du travail, "Country Reports on Human Rights Practices – 1999: Guinea," 23 février 2000, http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/1999/250.htm (consulté le 23 mars 2007); "Country Reports on Human Rights Practices – 1994: Guinea," février 1995, http://dosfan.lib.uic.edu/ERC/democracy/1994_hrp_report/94hrp_report_africa/Guinea.html (consulté le 23 mars 2007).
[8]Cet amendement, ainsi qu'une extension du mandat présidentiel de cinq à sept ans, et la suppression des limites d'âge pour les candidats à la présidence, ont été approuvés par un referendum national en 2001.
[9]Human Rights Watch, Le côté pervers des choses. Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, des représentants de l'ONU, des organisations nongouvernementales internationales, des journalistes, des défenseurs locaux des droits humains, et des leaders de la société civile, Conakry, avril et juin 2006, et février-mars 2007.
[10]Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, des représentants de l'ONU, des organisations nongouvernementales internationales, des journalistes, et des leaders de la société civile Conakry, Juin 2006 et janvier-février 2007. "Guinea: Ailing President in Switzerland for Medical Treatment," IRIN, 20 mars 2006, http://www.irinnews.org/report.aspx?reportid=58486 (consulté le 23 mars 2007).
[11]Programme des Nations Unies pour le Développement, Human Development Report 2006 (New York: UN, 2006), p. 286, http://hdr.undp.org/hdr2006/pdfs/report/HDR06-complete.pdf (consulté le 23 mars 2007).
[12]Transparency International, Corruption Perceptions Index 2006, http://www.transparency.org/policy_research/surveys_indices/cpi/2006 (consulté le 23 mars 2007).
[13] Center for Democracy and Development, "West Africa Insight, No 1," Février 2007, http://www.wmd.org/documents/mar07demnews5.pdf (consulté le 23 mars 2007). L'inflation est causée par plusieurs facteurs dont la corruption, des dépenses élevées pour la défense, la dépréciation du franc guinéen par rapport au dollar, et les augmentations des prix mondiaux du pétrole. Fonds monétaire international, "Guinea: 2005 Article IV Consultation and Staff-Monitored Program - Staff Report," IMF Country Report No. 06/37, Janvier 2006,
http://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2006/cr0637.pdf (consulté le 23 mars 2007).
[14] Fonds Monétaire International, "Guinea: 2005 Article IV Consultation and Staff-Monitored Program - Staff Report," IMF Country Report No. 06/37, Janvier 2006,
http://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2006/cr0637.pdf (consulté le 23 mars 2007).
[15]Ibid.
[16]Accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, Signé à Cotonou, Bénin, le 23 juin 2000, http://www.acpsec.org/en/conventions/cotonou/accord1.htm (consulté le 23 mars 2007). L'UE a indiqué son intention de reprendre l'aide au développement à la fin décembre 2006 du fait que la Guinée a rempli les conditions imposées par l'UE, essentiellement l'autorisation de stations de radio privées pour la première fois dans l'histoire de la Guinée. Voir "Guinea: EU Aid Back But Social Problems Remain," IRIN, 25 décembre 2006, http://www.irinnews.org/Report.aspx?ReportId=62891 (consulté le 23 mars 2007).
[17]Entretien de Human Rights Watch par téléphone avec un leader local de la société civile, Conakry, 4 avril 2007.
[18]Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, des représentants de l'ONU, des organisations nongouvernementales internationales, des journalistes, des défenseurs locaux des droits humains, et des leaders de la société civile, Conakry, avril et juin 2006 et janvier-février 2007. Voir International Crisis Group, "Guinea: Uncertainties at the End of an Era," Africa Report N°74, 19 décembre 2003, http://www.crisisgroup.org/home/index.cfm?id=2430&l=1 (consulté le 4 avril 2007).
[19]Les deux plus grands syndicats de Guinée sont la Confédération Nationale des Travailleurs de Guinée (CNTG), dirigé par Rabiatou Serah Diallo, et l'Union Syndicale des Travailleurs de Guinée (USTG), dirigé par Ibrahima Fofana. Jusqu'au début des années 90, la CNTG était l'unique syndicat reconnu par le gouvernement dans le cadre du système de parti unique de la Guinée. Pour des raisons historiques, il continue à représenter principalement les employés du secteur public. L'USTG a été créée en 1994 avec le passage de la Guinée au système pluripartite, et elle représente un nombre plus important d'employés du secteur privé. Cependant, aussi bien les employés du secteur public que ceux du secteur privé sont libres aujourd'hui d'adhérer au syndicat de leur choix.
[20]Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, des journalistes, et des leaders de la société civile, Conakry, avril et juin 2006.
[21] Entretiens de Human Rights Watch avec des leaders syndicaux, Conakry avril et juin 2006.
[22]Human Rights Watch, Le côté pervers des choses.
[23]Human Rights Watch, Le côté pervers des choses.
[24]Entretien de Human Rights Watch avec le ministre guinéen de la Justice alors en poste, Alsény René Gomez, Conakry, 8 février 2007; Serge Michel, "Mamadou Sylla, le millionnaire contesté, irrite les Guinéens en pleine crise sociale," Le Monde, 16 janvier 2007, http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3212,36-855908,0.html?xtor=RSS-3210, (consulté le 23 mars 2007).
[25]Mamadou Sylla aurait aussi un "découvert" de plusieurs millions de dollars à la Banque centrale, institution où des individus ne sont pas autorisés en théorie à posséder des comptes. Entretien de Human Rights Watch avec un correspondant international, Conakry, 8 février 2007.
[26]Entretiens de Human Rights Watch avec des leaders syndicaux et d'autres leaders de la société civile, 5 février, et 15 et 16 mars 2007.
[27]La Centrale syndicale CNTG-USTG, "Avis de Grève," 2 janvier 2007.
[28]Entretiens de Human Rights Watch avec des leaders syndicalistes et autres leaders de la société civile, 5 et 6 février et 15 et 16 mars 2007. Tout au long de la grève, les leaders du PUP , le parti au pouvoir en Guinée, ont tenté d'utiliser la nature politique des revendications des syndicats pour suggérer que la grève était dirigée en coulisses par les partis politiques d'opposition, dans une tentative pour leur disputer le pouvoir. Entretien de Human Rights Watch avec un membre de l'Assemblée Nationale appartenant au PUP, Conakry, 17 mars 2007. Bien que les partis guinéens d'opposition aient fait profil bas avant et pendant la grève, le 8 janvier 2007, les leaders de l'opposition politique guinéenne ont mis leur poids derrière la grève en lançant un appel "à tous les citoyens pour effectuer des actes de désobéissance civile…jusqu'à ce qu'il y ait un retour à l'état de droit." Déclaration des partis de l'opposition, 8 janvier 2007.
[29]Le terme "jeunes," qui apparaît à de nombreuses reprises dans ce rapport, est souvent employé par les Guinéens pour désigner plus largement la "jeune génération," et il peut désigner des individus ayant largement la trentaine. Dans ce rapport, Human Rights Watch utilise ce terme dans son acception guinéenne courante.
[30]En Guinée, la gendarmerie est un corps militaire chargé des fonctions de police parmi les populations civiles. Elle est sous la responsabilité du ministère de la Défense.
[31]Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins oculaires, Conakry, 29 et 31 janvier, et 19 mars 2007. Bien que la plupart des chauffeurs de taxi ne soient pas des adhérents formels d'un syndicat, certains manifestants ont considéré les tentatives de ces quelques chauffeurs de taxi pour fonctionner comme le reflet d'un manque de solidarité. Tout au long de la grève, les jeunes manifestants ont essayé de les empêcher de circuler en élevant des barricades et en jetant des pierres.
[32]Il y a deux divisions au sein de l'armée guinéenne qui ont autorité pour porter des Bérets rouges -le Bataillon autonome de la Sécurité présidentielle (BASP), ou garde présidentielle, stationné principalement à Conakry et aux environs, et le Bataillon autonome des troupes aéroportées (BATA), un groupe d'élite de commandos stationné au Camp Alpha Yaya dans les faubourgs de Conakry et à l'intérieur du pays. Entretien de Human Rights Watch avec un ancien membre de l'armée guinéenne, Conakry, 1er juillet 2006. Il n'est pas possible pour un civil de distinguer entre un membre du BASP et du BATA en se basant sur des différences d'uniforme. Entretien de Human Rights Watch avec le Colonel Mounié Donzo, commandant du BASP, Conakry, 16 mars 2007.
[33]Le centre ville et la zone commerciale de Conakry sont situés sur une péninsule longue et étroite. Ils abritent le quartier d'affaires de Conakry, et la majorité des habitants appartiennent au groupe ethnique des Soussous, le groupe ethnique dominant dans les régions côtières du sud de la Guinée . Lorsque cette péninsule s'élargit à sa base, elle abrite les banlieues de Conakry, où les quartiers sont dominés par d'autres importants groupes ethniques de Guinée : les Peul et les Malinké. Il y a des poches de richesse et de larges zones de pauvreté dans tout Conakry.
[34]Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 31 janvier 2007. Human Rights Watch a interrogé ce témoin tandis qu'il gisait prostré sur le sol de sa maison, et dont la jambe gravement blessée était maintenue par des attelles de carton usagé. Le témoin a dit à Human Rights Watch que la balle avait traversé la cuisse et fracassé le fémur.
[35] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 29 janvier 2007.
[36] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 29 janvier 2007.
[37]Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 29 janvier 2007.
[38]Voir, par exemple, "Les syndicats de Guinée lèvent lamise, le gouvernement traite la grève d''Insurrection'," Agence France-Presse, 21 janvier 2007.
[39]Entretien de Human Rights Watchs avec des professionnels des services de santé, Conakry, 7 février. Deux professionnels des services de santé interrogés par Human Rights Watch ont affirmé qu'il y avait eu plus de 70 personnes tuées le 22 janvier à Conakry, et au moins 150 blessés.
[40] Entretiens de Human Rights Watch avec de multiples manifestants, Conakry, Janvier-février 2007.
[41]Entretien de Human Rights Watch avec un manifestant, Conakry, 29 janvier 2007.
[42]Entretiens de Human Rights Watch avec de multiples manifestants, Conakry, Janvier-février 2007.
[43]Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, des journalistes, et des manifestants, Conakry, Janvier-février 2007.
[44]Entretiens de Human Rights Watch avec de multiples manifestants, Conakry, Janvier-février 2007. Le Parti de l'Unité et du Progrès (PUP) est le parti au gouvernement auquel appartient le Président Conté.
[45] Un quartier dans les banlieues éloignées de Conakry.
[46] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 6 février 2007.
[47]Entretiens de Human Rights Watch avec des manifestants, Conakry, 29 janvier et 6 février 2007.
[48] Entretiens de Human Rights Watch avec des manifestants, Conakry, 29 et 30 janvier et 6 février 2007.
[49] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 6 février 2007. Bellevue est un quartier au centre de Conakry.
[50]Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 30 janvier 2007.
[51]Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins oculaires, Conakry, 29 et 30 janvier, et 6 février 2007. Durant son séjour en Guinée, Human Rights Watch a visionné plusieurs vidéos prises par des manifestants le 22 janvier 2007, qui montrent des groupes importants de policiers qui préfèrent battre en retraite devant les manifestants qui avancent pacifiquement.
[52] Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates et des témoins oculaires, 29 et 30 janvier et 5 et 6 février 2007.
[53]Entretiens de Human Rights Watch avec des manifestants, Conakry, janvier et février 2007.
[54]Entretiens de Human Rights Watch avec de multiples témoins oculaires, Conakry, 29 et 30 janvier et 5 et 6 février 2007. Il existe des informations persistantes selon lesquelles certains des soldats participant à la répression, et en particulier au pont du 8 Novembre le 22 janvier, n'étaient pas en fait des Guinéens, mais un mélange de soldats envoyés de la Guinée-Bissau voisine, et de mercenaires libériens recrutés par le régime de Conté. "Fighters Cross Border," IRIN, 22 janvier 2007. Les gouvernements impliqués ont nié ces allégations. Entretien de Human Rights Watch avec le Colonel Mounié Donzo, leader du BASP, Conakry, 16 mars 2007. "Bissau Army Denies Sending Troops to Conakry," IRIN, 23 janvier 2007. Human Rights Watch n'a pas pu vérifier ces informations. Cependant, beaucoup de témoins ont dit à Human Rights Watch qu'ils avaient entendu des soldats parlant portugais et anglais le 22 janvier et qu'ils avaient vu des soldats portant des uniformes qu'ils n'avaient jamais vus auparavant. Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins oculaires et des journalistes, Conakry, 29 janvier et 1er et 8 février 2007.
[55]Entretiens de Human Rights Watch avec des journalistes, des organisations humanitaires et du personnel médical, Conakry, 1 et 7 février et 8 et 16 mars 2007.
[56]Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 5 février 2007.
[57]Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 6 février 2007.
[58] Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins oculaires, Conakry, 29 et 30 janvier et 5 février 2007. Camp Boiro est un ancien camp de détention célèbre de style goulag où Sékou Touré a emprisonné des milliers de dissidents politiques. Aujourd'hui, il n'est plus utilisé comme installation pénitentiaire, mais pour loger des membres de l'armée guinéenne et d'autres forces de sécurité.
[59]Les gendarmes, tout comme les militaires ordinaires guinéens, portent des bérets verts. Quand nous l'avons interrogée, la victime n'était pas sûre du groupe auquel appartenaient ses assaillants, bien qu'il soit probable que les Bérets Verts en question étaient des gendarmes car les militaires de l'armée régulière guinéenne étaient confinés dans leurs baraquements pendant les premières semaines de grève. Entretien de Human Rights Watch avec un diplomate, Conakry, 30 janvier 2007.
[60]Entretien de Human Rights Watch avec une victime, Conakry, 30 janvier 2007. La victime avait de grosses croûtes partout sur les bras et les fesses, résultant selon lui des coups reçus.
[61]Un quartier des banlieues éloignées de Conakry.
[62]Le Géneral Kerfalla Camara est chef d'état-major de l'armée guinéenne. Il a une maison dans le centre de Conakry. Human Rights Watch a interrogé plusieurs témoins qui rapportent que le 22 janvier, des membres de la garde présidentielle, ou Bérets Rouges, ont tiré sur les manifestants près de la maison du Général Kerfalla, faisant cinq morts. Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins oculaires, Conakry, 30 janvier 2007.
[63] Fin 2000 et début 2001, le gouvernement libérien, aidé par les combattants rebelles de Sierra Leone et les dissidents guinéens, a lancé une série d'attaques transfrontalières en Guinée, accusant la Guinée d'abriter et d'aider un groupe rebelle libérien, les Libériens Unis pour la Réconciliation et la Démocratie (LURD).
[64] Entretien de Human Rights Watch avec un professionnel des services de santé, Conakry, 1er février 2007.
[65]Entretien de Human Rights Watch avec un professionnel des services de santé, Conakry, 1er février 2007.
[66]Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 31 janvier 2007. Human Rights Watch a observé les contusions sur le dos et la tête de la victime, ainsi que son dossier médical décrivant le traitement suivi pour des problèmes oculaires. La porte de la victime présentait des marques claires d'entrée forcée et l'intérieur de sa maison avait été dévalisé.
[67]Au sein de la police, il y a une unité consacrée aux interventions rapides connue sous le nom de Compagnie Mobile d'Intervention et de Sécurité (CMIS), entraînée spécialement au contrôle de foule et équipée pour le contrôle des émeutes. Entretien de Human Rights Watch avec le ministre de la Sécurité alors en fonction, Fodé Shapo Touré, Conakry, 7 février 2007.
[68]Les Soussous sont l'un des principaux groupes ethniques de Guinée, représentant environ 20% de la population, et dont le plus grand nomber habite les régions côtières du sud de la Guinée. C'est le groupe ethnique du Président Conté et de nombreux membres importants du gouvernement et de l'armée.
[69]Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 29 janvier 2007. Pendant la visite de Human Rights Watch, la porte de la victime présentait des marques claires d'entrée forcée et l'intérieur de sa maison avait été dévalisé.
[70]Donka est le nom de l'un des principaux hôpitaux de Conaky, situé dans le centre de Conakry. Cameroun désigne à la fois un quartier et un cimetière proches de l'hôpital Donka et aussi du pont du 8 novembre.
[71]Le quartier général de la CMIS n'est pas très éloigné de l'hôpital Donka, ni de Cameroun.
[72]Pour des détails sur les arrestations de syndicalistes, voir ci-dessous: Harcèlement, arrestations et mauvais traitements contre des membres de la société civile.
[73] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 29 janvier 2007.
[74]Un prospectus élaboré pour la manifestation du 15 janvier par le CNOSCG présentait l'événement comme un "rassemblement de citoyens pour une prière publique pacifique pour toutes les confessions religieuses," devant se tenir devant l'Assemblée Nationale.
[75]Entretien de Human Rights Watch avec des membres du CNOSCG, 1er et 5 février 2007.
[76]Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins oculaires et des leaders de la société civile, Conakry, 1er et 5 février 2007.
[77]Entretiens de Human Rights Watch avec des leaders de la société civile, Conakry, 5 février 2007. Voir aussi "Guinea police break up demo, arrest dirigeants syndicaux behind strike," Agence France-Presse, 17 janvier 2007.
[78] Entretien de Human Rights Watch avec un leader de la société civile, Conakry, 5 février 2007.
[79]Situé au centre de Conakry, le siège de la CNTG, connu sous le nom de La Bourse du Travail, abrite l'un des plus gros syndicats de Guinée, la CNTG, ainsi que plusieurs syndicats de moindre importance.
[80]Entretien de Human Rights Watch avec des syndicalistes et d'autres témoins oculaires, 5 et 6 février 2007.
[81]Aboubacar Somparé est le président de l'Assemblée Nationale de Guinée.
[82]Entretiens de Human Rights Watch avec des leaders syndicalistes, Conakry, 5 février 2007.
[83]Entretien de Human Rights Watch avec des syndicalistes, Conakry, 5 et 6 février 2007.
[84] l'Intercentrale-syndicale CNTG-USTG, Info 31, 18 janvier 2007.
[85] Chantal Cole est une conseillère du Président Conté. Fodé Bangoura était ministre aux Affaires présidentielles, mais il devait être révoqué peu après cette rencontre. Kerfalla Camara est le Chef d'état-major de l'armée de Guinée.
[86]Entretiens de Human Rights Watch avec un leader syndicaliste, Conakry, 5 février 2007.
[87]Entretiens de Human Rights Watch avec un leader syndicaliste, Conakry, 5 février 2007.
[88]Dans des interviews à la radio et des déclarations aux médias, Ousmane Conté a nié toute implication dans l'incident, prétendant qu'il ne se trouvait pas à Conakry à ce moment-là.
[89]Le Camp Koundara est une base militaire qui se trouve à peu de distance du siège de la CNTG, et c'est le quartier général du BASP, désigné parfois sous le nom de garde présidentielle, ou Bérets rouges. Entretiens de Human Rights Watch avec des syndicalistes, Conakry, 5 et 6 février 2007.
[90] Entretiens de Human Rights Watch avec des syndicalistes, Conakry, 5 et 6 février 2007.
[91]Les personnes interrogées par Human Rights watch n'ont pas remarqué la présence de Ousmane Conté au cours du second assaut.
[92]Entretiens de Human Rights Watch avec des syndicalistes, Conakry, 6 février 2007.
[93]Ibrahima Fofana, leader de l'USTG, et Rabiatou Diallo, leader de la CNTG, sont les deux principaux dirigeants syndicaux qui ont mené la grève.
[94]Entretiens de Human Rights Watch avec des syndicalistes, Conakry, 5 février 2007.
[95]Entretien de Human Rights Watch avec un syndicaliste, Conakry, 5 et 6 février 2007.
[96] En 2004, l'Union européenne a suspendu son aide au développement à la Guinée à cause de préoccupations relatives aux droits humains. Une condition imposée pour la reprise du financement était que des licences soient accordées pour la première fois de l'histoire de la Guinée à des stations de radio privées. Quatre licences ont été accordées en 2006 et fin 2006 des stations de radio privées ont commencé à diffuser pour la première fois.
[97] Constitution de la République de Guinée (la Loi Fondamentale), Titre II, Article 7. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté le 16 décembre 1966, G.A. Res. 2200A (XXI), 999 U.N.T.S. 171 (entré en vigueur le 23 mars 1976 ; ratifié par la Guinée en 1978), Article 19.
[98]Entretiens de Human Rights Watch avec des journalistes, Conakry,1 et 8 février, et 15 mars 2007.
[99]"Minister Censors All Private Radio Stations," Communiqué de presse de la Media Foundation for West Africa, 24 janvier 2007.
[100]Entretien de Human Rights Watch avec un journaliste, 1er février 2006.
[101]Voir, "Guinea: The Killings Must Stop Immediately," Communiqué de presse d'Amnesty International , AFR 29/001/2007, 26 janvier 2007, http://www.amnestyusa.org/regions/africa/document.do?id=ENGAFR290012007 (consulté le 4 avril, 2007); "Guinea: Strike violence spreads nationwide," IRIN, 17 janvier 2007; Alexandre Grosbois, "Guinea unions up ante, govt calls strike 'insurrection'," Agence France-Presse, 21 janvier 2007; "Two dead in southern Guinea as violence spreads," Reuters, 20 janvier 2007.
[102] Entretiens de Human Rights Watch avec Abou Chéri Camara, le gouverneur de Labé, des personnalités de la société civile, et des manifestants, Labé, 3 février 2007.
[103]Entretiens de Human Rights Watchs avec Abou Chéri Camara, le gouverneur de Labé, des personnalités de la société civile, et des manifestants, Labé, 3 février 2007.
[104]Dubréka est une préfecture en Basse Guinée près de Conakry. Le préfet de Dubréka est originaire de Labé où il a construit une grande maison. Les manifestants rapportent qu'ils ont dévalisé la maison du préfet de Dubréka à cause des déclarations en faveur de Conté qu'il avait faites au cours de la première semaine de la grève. Entretiens de Human Rights Watch avec des manifestants, Labé, 2 février 2007.
[105]Entretiens de Human Rights Watch avec des manifestants, Labé, 2 février 2007.
[106]Entretiens de Human Rights Watch avec le gouverneur de Labé, Abou Chéri Camara, des personnalités de la société civile et des manifestants, Labé, 3 février 2007.
[107]Entretien de Human Rights Watch avec le gouverneur de Labé, Abou Chéri Camara, Labé, 3 février 2007.
[108] Dans un entretien avec Human Rights Watch, des dirigeants du groupe de jeunes ont qualifié cela de "tactique psychologique." Des leaders du mouvement ont dit à Human Rights Watch qu'ils avaient reçu par la suite un message d'un officier militaire de Labé indiquant que l'armée avait pris la ferme décision qu'il n'y aurait pas d'autres manifestants tués. Entretiens de Human Rights Watch avec des leaders du mouvement des jeunes, Labé, 3 février 2007.
[109]L'accord a été signé au nom du gouvernement guinéen par le ministre d'Etat pour l'économie et les finances alors en fonction, Madikaba Camara. Les signatures syndicales sont celles de Hadja Rabiatou Serah Diallo, pour la CNTG, Ibrahima Fofana, pour l'USTG, El Hadj Yamodou Toure pour l'ONSLG, et Abdoulaye Balde, pour l'UDTG. El Hadj Youssouf Diallo a signé au nom de l'Association Nationale des Employeurs.
[110] La constitution guinéenne prévoit une présidence forte et ne fait aucune mention de la fonction de Premier ministre. Les précédents premiers ministres sous le régime du Président Conté n'étaient pas chef de gouvernement et n'exercaient aucune pouvoir exécutif réel. Au titre de l'accord tripartite, le Président Conté a accepté de déléguer une partie de son pouvoir par décret présidentiel et lettre de nomination à un "Premier ministre comme chef du gouvernement." Des observateurs ont noté qu'un tel accord n'offre pas une base ferme pour une gouvernance stable, et que seul un amendement de la constitution peut garantir les pouvoirs du nouveau Premier ministre comme chef du gouvernement. Voir, International Crisis Group, "Guinea: Change or Chaos," Africa Report N°121, 14 février 2007. Le dernier Premier ministre guinéen, Cellou Dalein Diallo, avait été limogé par le Président Conté le 5 avril 2006 après que celui-ci se soit opposé à Mamadou Sylla (le riche homme d'affaires libéré de prison par Conté en décembre 2006) et au ministre des affaires présidentielles alors en fonction, Fodé Bangoura.
[111] Entretien de Human Rights Watch avec un manifestant, Conakry, 19 mars 2007.
[112] Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins oculaires, Conakry, février et mars 2007.
[113] Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins oculaires, Conakry, février et mars 2007.
[114]Entretiens de Human Rights Watch avec des manifestants, des leaders communautaires et des responsables militaires, Conakry, 14, 16 et 17 mars 2007. D'après le chef de la garde présidentielle de Guinée, pas plus d'une centaine d'armes ont été volées par des civils. Entretien de Human Rights Watch avec le Colonel Mouniè Donzo, commandant du BASP, Conakry, 16 mars 2007. Human Rights Watch a conduit des entretiens avec des habitants et des leaders communautaires dans les banlieues de Conakry, qui ont reconnu que des citoyens s'étaient emparés d'armes. Un leader communautaire a expliqué à Human Rights Watch que : "Durant les incidents de février, nous n'avons pas eu vraiment de problèmes, mais nous nous sommes protégés. Nous avons dressé des barrières à l'entrée du quartier et le long de la route. Et oui, nous avions des armes. Janvier nous a montré que les pierres n'étaient pas suffisantes pour nous défendre. Et l'armée savait en fait qu'elle ne devait pas venir ici. Nous nous sommes même déplacés plutôt librement pendant l'état de siège." Entretien de Human Rights Watch avec un leader communautaire, Conakry, 17 mars 2007.
[115] Tiken Jah Fakoly est une star du reggae ivoirienne populaire connu pour ses paroles ouvertement critiques des politiciens et de la corruption. Sa chanson "Quitte le pouvoir," est devenue un hymne pour de nombreux jeunes Guinéens pendant la grève. Entretiens de Human Rights Watch avec des manifestants, Conakry, Janvier et février 2007.
[116]Entretien de Human Rights Watch avec un chauffeur de 32 ans et leader du quartier, Conakry, 19 mars 2007.
[117] "Guinea: New Clashes Follow PM Appointment," 11 février 2007, http://www.irinnews.org/report.aspx?ReportId=70091 (consulté le 4 avril 2007).
[118]"Twelve Die in Guinea Violence," Agence France-Presse, 11 février 2007.
[119]"Renewed calls for strike in Guinea after 18 die in clashes," Agence France-Presse, 11 février 2007.
[120]"Guinée : Les forces de sécurité commettent des exactions contre la population au nom de la loi martiale," Communiqué de presse de Human Rights Watch, 15 février 2007, http://hrw.org/english/docs/2007/02/15/Guinea15350.htm.
[121]Entretien de Human Rights Watch avec un chauffeur de 32 ans et leader du quartier, 19 mars 2007.
[122]Entretiens de Human Rights Watch avec des manifestants, 19 mars 2007. Un manifestant avait conservé une copie du SMS sur son téléphone et l'a montrée à Human Rights Watch.
[123]Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 16 mars 2007.
[124]Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 15 mars 2007.
[125] Aux termes de l'Article 74 de la constitution guinéenne, le président peut proclamer un "état de siège" en envoyant une notification au président de l'Assemblée Nationale et à la Cour Suprême. " La loi No 91/016/CTRN du 23 décembre 1991, relative aux états d'urgence et aux états de siège," prévoit qu'un "état de siège" peut être proclamé en cas de "péril imminent pour la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat." Sous l'Article 16 de la loi no 91/016/CTRN, quand une telle déclaration est faite, "les pouvoirs normalement conférés aux autorités civiles pour le maintien de l'ordre public sont transférés aux autorités militaires." Sous la plupart des juridictions de droit d'Etat, un "état de siège" serait appelé "loi martiale." Inversement, "loi martiale" est un terme qui n'existe pas dans la nomenclature du droit guinéen. Entretien de Human Rights Watch avec le président de l'Ordre des avocats guinéen, Boubakar Sow, Conakry, 16 mars 2007.
[126] Le couvre-feu, qui à l'origine permettait la circulation seulement entre 4 heures et 8 heures du soir, a été ultérieurement assoupli en deux étapes, jusqu'à ce que la circulation soit autorisée 12 heures par jour.
[127]Aux termes de ce décret, l'armée était autorisée "à prendre toute mesure appropriée pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature, ainsi que des programmes télévisés et radiodiffusés…"
[128]Souvent comptés parmi les "quartiers chauds" de Conakry, Hamdallaye et Bambeto sont souvent considérés aussi bien par les habitants que par ceux qui n'y habitent pas comme des foyersde l'opposition politique. Ces deux quartiers et d'autres "quartiers chauds" ont eu tendance à fournir une forte participation aux défilés, rassemblements, et autres activités liées à la grève tout au long des six semaines de crise.
[129]Les Peuls, connus aussi sous le nom de Fulani, représentent le groupe ethnique le plus important en Guinée, soit environ 40 pour cent de la population, et ils sont le groupe tehnique dominant en Moyenne Guinée. La majorité des habitants dans certaines des banlieues de Conakry qui ont été les plus durement touchées par les forces de sécurité au cours des six semaines de crise, comme Hamdallaye et Dar-Es-Salam, sont Peul. La langue des Peuls est appelée le Pulaar. Soussou est le nom d'un groupe ethnique et aussi celui d'une langue qui dominent dans les régions côtières de Basse Guinée.
[130] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 16 mars 2007.
[131] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 16 mars 2007.
[132]Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 17 mars 2007.
[133]Entretien de Human Rights Watch avec une victime, Conakry, 14 mars 2007.
[134]Entretien de Human Rights Watch avec une victime, Conakry, 14 mars 2007. Le gouvernement guinéen continue de maintenir que des criminels habillés comme des soldats ont commis des exactions contre des civils pendant les troubles. Saliou Samb, "Guinea Hunts Army 'Imposters' Who Robbed Civilians," Reuters, 21 mars 2007.
[135]Entretiens de Human Rights Watch avec des habitants du quartier, Conakry, 14 mars 2007.
[136]Le 19 février, le couvre-feu a été encore assoupli, permettant la circulation entre 6 heures du matin et 6 heures du soir.
[137] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 14 mars 2007.
[138]Entretiens de Human Rights Watch avec des victimes et des témoins oculaires, 1er mars 2007.
[139] Un quartier des banlieues éloignées de Conakry.
[140]Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 14 mars 2007.
[141] "VA" signifieVéhicule Administratif. Beaucoup de Guinéens plaisantent en disant que cela signifie en réalité Voleur Autorisé.
[142]Entretiens de Human Rights Watch avec un chauffeur de camion et un apprenti conducteur, Conakry, 16 mars 2007.
[143] Entretiens de Human Rights Watch avec un chauffeur de camion et un apprenti conducteur, Conakry, 16 mars 2007. Human Rights Watch a vu une photo de l'assistant qui a été tué et une blessure entrée/sortie depuis le cou jusqu'au menton, était clairement visible.
[144] Entretiens de Human Rights Watch avec de multiples témoins oculaires, Conakry, Janvier, février et mars 2007.
[145] Entretien de Human Rights Watch avec une victime, Conakry, 29 janvier 2007.
[146]Entretien de Human Rights Watch avec une victime, Conakry, 15 mars 2007. La victime a montré à Human Rights Watch une radio sur laquelle une balle logée entre les côtes, à 2 ou 3 centimètres de son épine dorsale, était clairement visible. Selon la victime, son docteur lui a dit qu'il ne pouvait pas opérer tant que son bébé n'était pas né.
[147]Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 16 mars 2007. Après trois tentatives, le personnel médical a pu finalement trouver et extraire la balle.
[148] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 6 février 2007.
[149] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 16 mars 2007.
[150]Entretien de Human Rights Watch avec des victimes, Conakry, 15 mars 2007.
[151]Pour plus d'information sur la création des premières stations de radio privées en Guinée, voir ci-dessus, Intimidation des médias pendant les premières semaines de la grève et autres restrictions sur les communications.
[152]Entretiens de Human Rights Watch avec des journalistes, Conakry, 15 et 16 mars 2007.
[153]Entretiens de Human Rights Watch avec des journalistes, Conakry, 15 et 16 mars 2007.
[154] Entretiens de Human Rights Watch avec des journalistes, Conakry, 15 mars 2007.
[155]Entretien de Human Rights Watch avec un journaliste, Conakry, 14 mars 2007.
[156] Entretien de Human Rights Watch avec un journaliste de Radio Familia, Conakry, 14 mars 2007.
[157]Entretien de Human Rights Watch avec un journaliste de Radio Familia, Conakry, 14 mars 2007.
[158] Entretiens de Human Rights Watch avec des correspondants des médias d'information locaux et internationaux, Conakry, 15 et 16 février 2007.
[159]Entretien de Human Rights Watch avec un correspondant de médias d'information internationaux, Conakry, 16 février 2007.
[160]Entretien de Human Rights Watch avec un journaliste, Conakry, 14 mars 2007. Human Rights Watch a également écouté un enregistrement de la déclaration du soldat.
[161] "Guinea: Journalist Attacked By Presidential Guard, Party Supporters," Media Foundation for West Africa, communiqué de presse, 30 mars 2007.
[162] Constitution de la République de Guinée (la Loi Fondamentale), Titre V, Article 74.
[163] Saliou Samb, "Guinea on Edge After Army Orders End to Grève," Reuters, 24 février 2007.
[164] Sur 114 membres, 95 sont membresdu PUP. Entretien de Human Rights Watch avec un membre de l'Assemblée Nationale, Conakry, 17 mars 2007.
[165]Entretien de Human Rights Watch avec un membre de l'Assemblée Nationale, Conakry, 17 mars 2007. C'était la première fois que l'Assemblée Nationale rejetait une initiative de Conté.
[166]Entretien de Human Rights Watch avec un membre de l'Assemblée Nationale, Conakry, 17 mars 2007.
[167]Au cours de la même période, un tract a circulé au sein de l'armée menaçant qu'une "situation malheureuse" puisse survenir si des augmentations de salaire et de promotion n'étaient pas accordées aux membres de l'armée. Le tract distribué était intitulé "Alerte Pacifique, négligence des sous-officiers et hommes du rang dans les nominations," et faisait allusion aux événements de 1996, lorsque des réclamations pour de meilleurs salaires avaient engendré une mutinerie et une tentative de coup d'état qui avaient détruit les bureaux présidentiels et tué plusieurs dizaines de Guinéens.
[168]Entretien de Human Rights Watch avec un dirigeant syndical, Conakry, 15 mars 2007.
[169]Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté le 16 décembre 1966, G.A. Res. 2200A (XXI), 999 U.N.T.S. 171 (entré en vigueur le 23 mars 1976; ratifié par la Guinée en 1978); Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981, OAU Doc. CAB/LEG/67/3 rev. 5, 21 I.L.M. 58 (1982), (entrée en vigueur le 21 octobre 1986; ratifiée par la Guinée en 1982).
[170]Entretien de Human Rights Watch par téléphone avec le président du Comité de crise, Mr. Diakité, un organe du ministère guinéen de la Santé créé pour distribuer l'aide médicale liée à la grève reçue des donateurs internationaux et pour contrôler le nombre de morts et de blessés, Conakry, 19 mars 2007.
[171]Entretiens de Human Rights Watch avec des personnalités locales de la société civile, Conakry, 16 mars 2007.
[172]Entretiens de Human Rights Watch avec des membres du corps médical, Conakry, 1er février et 16 mars 2007.
[173]Entretien de Human Rights Watch avec le ministre de la Sécurité alors en fonction, Fodé Shapo Touré, Conakry, 7 février 2007.
[174] Ibid. Selon le ministre, au sein de la police, il y a des unités d'intervention spécialement entraînées, comme la Compagnie mobile d'intervention et de sécurité (CMIS), évaluée à 300 à 400 hommes (connue aussi localement comme "anti-gang"), qui ont toutes eu une formation en contrôle de foule, et possèdent un équipement de contrôle d'émeute. Environ 300 autres agents ont aussi reçu une formation en contrôle de foule
[175] Ibid.
[176] Entretien de Human Rights Watch avec le Colonel Mouniè Donzo, commandant du BASP, Conakry, 16 mars 2007.
[177]Ibid.
[178] Ibid.
[179] Ibid.
[180] Saliou Samb, "Guinea Hunts Army 'Imposters' Who Robbed Civilians," Reuters, 21 mars 2007.
[181] Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins oculaires, Conakry, 14, 15, 16, et 18 mars 2007
[182] Entretien de Human Rights Watch au secrétariat de la Gendarmerie Nationale, Conakry, 6 février 2007. A la date du 28 mars 2007, le poste de ministre de la Défense est occupé par Arafan Camara, ancien vice chef d'état major de l'armée guinéenne.
[183]Entretien de Human Rights Watch avec le ministre de la Justice alors en fonction, Alsény René Gomez, Conakry, 8 février 2007.
[184]Ibid. Le ministre a noté que la présence des syndicats au comité de surveillance avait pour but d'encourager les citoyens à témoigner.
[185]Lettre du président de l'Ordre des avocats guinéens, Boubakar Sow, au ministre de la Justice, Alsény René Gomez, 31 janvier 2007.
[186]Entretien de Human Rights Watch avec le président de l'OGDH, Dr. Thierno Sow, Conakry, 8 février 2007.
[187] Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, des membres de la société civile guinéenne, et des victimes, Conakry, 30 janvier, 8 et 9 février et 15 mars 2007.
[188]Entretiens de Human Rights Watch, Conakry, 31 janvier 2007.
[189]Correspondance électronique de Human Rights Watch avec le Directeur National des Affaires judiciaires, Amadou Sylla, 17 avril 2007.
[190]Entretien de Human Rights Watch par téléphone avec le président de l'Ordre des avocats guinéens, Boubakar Sow, Conakry, 18 avril 2007.
[191] Ibid.
[192]Correspondance électronique de Human Rights Watch avec le Directeur National des Affaires judiciaires, Amadou Sylla, 17 avril 2007.
[193]Human Rights Watch, Le côté pervers des choses.
[194] La répression de la part des forces de sécurité guinéennes a été largement condamnée par une quantité d'acteurs réegionaux et internationaux. Dans un communiqué émis par son Conseil de paix et de sécurité, l'Union africaine a "fermement condamné l'usage disproportionné de la force et la répression contre les populations civiles et...a demandé l'ouverture, en collaboration avec la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, d'une enquête indépendante, afin d'identifier et de traduire en justice les auteurs des exactions et autres actes de violence perpétrés au cours de ces événements." Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine, "Communiqué de la 71ème réunion du Conseil de paix et de sécurité," PSC/PR/Comm(LXXI), 16 février 2007. La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO) a émis une déclaration qui "condamne les pertes élevées en vies humaines, notamment de civils, en Guinée" et a noté que "toute perte de vies humaines est regrettable mais celle de civils innocents non armés est particulièrement inacceptable." "La CEDEAO condamne la violence et appelle au calme en Guinée," communiqué de presse de la CEDEAO, No.3/2007, 24 janvier 2007. Dans une déclaration publique, le Porte parole du Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a exprimé de graves préoccupations au sujet de "l'usage excessif de la force aboutissant à des pertes de vie dans des affrontements en Guinée…et [a] fortement engagé le gouvernement à mener des enquêtes sur les meurtres en vue de traduire les coupables en justice, y compris les membres des forces de sécurité." "Secretary-General gravely concerned by excessive use of force, deaths in Guinea, Calls for maximum restraint by government security forces," SG/SM/10849, AFR/1490, 22 janvier 2007. La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Louise Arbour, a demandé l'ouverture d'une enquête indépendante sur la mort de manifestants, soulignant qu' "il ne doit y avoir, en aucun cas, d'impunité pour les violations des droits de l'homme s'étant produites en Guinée au cours des dernières semaines." "Guinea: UN human rights chief calls for probe into reported killings by forces de sécurité," UN News Service, 24 janvier 2007. L'Union européenne a exprimé son profond regret des pertes de vies humaines pendant les manifestations et a demandé "au gouvernement une explication sans réserve sur les circonstances de ces morts et sur les mesures judiciaires prises contre les responsables." "Déclaration de la Présidence au nom de l'Union européenne sur la situation dans la République de Guinée," P/07/9, 6182/07 (Presse 22), 9 février 2007. Les Etats-Unis "[ont] condamné l'usage de la violence par les forces de sécurité contre la population civile" et ont déclaré plus tard que ""[les] forces armées guinéennes, les forces de sécurité, et les responsables civils impliqués dans ces exactions doivent rendre comptes de leurs actes." Communiqués de presse, Ambassade des Etats-Unis d'Amérique, Conakry, Guinée, 26 janvier et 6 février 2007. Dans une déclaration officielle, la France a condamné "l'usage de la violence par les forces de sécurité contre des manifestants pacifiques" et a réclamé une enquête. "Déclaration officielle du Quai d'Orsay (Événements du 22-01-2007)," 23 janvier 2007.
[195] Début février, une tentative initiale pour aider à négocier la crise a été rejetée par les autorités guinéennes. "Guinea Snubs Delegation From African Body," ISI Emerging Markets Africawire, 3 février 2007. Cependant, plus tard ce mois-là, une équipe de la CEDEAO conduite par l'ancien chef militaire du Nigeria, le Général Ibrahim Babagida, a servi de médiateur entre le gouvernement et les syndicats. A la fin du mois de mars, le Président Conté a accordé au Général Babagida une des plus hautes distinctions de Guinée, l'Ordre National du Kolatier, en reconnaissance de ses efforts."Lansana Conté décerne la grande croix de l'ordre national de Kolatier à Ibrahim Babangida," aminata.com, 24 mars 2007, http://www.aminata.com/index.php?option=com_content&task=view&id=511&Itemid=57 (consulté le 26 mars 2007).
[196] Entretiens de Human Rights Watch par téléphone avec des leaders locaux des droits humains, Conakry, 26 mars 2007.
[197]Nations Unies, Bureau pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA),"Rapport de Situation Humanitaire Guinée - Conakry," 22 mars 2007.
[198] Entretien de Human Rights Watch avec un leader de la société civile, Conakry, 16 mars 2007.
[199]Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, des représentants des Nations Unies, des journalistes, des organisations nongouvernementales internationales, des défenseurs locaux des droits humains, des leaders de la société civile, et des membres d'un parti d'opposition, Conakry, avril et juin 2006, janvier, février et mars 2007. Voir aussi International Crisis Group, "Guinea in Transition," 11 avril 2006, http://www.crisisgroup.org/home/index.cfm?id=4067&CFID=30852257&CFTOKEN=55231897 (consulté le 23 mars 2007). Beaucoup d'organisations de la société civile interrogées par Human Rights Watch attribuent cette réserve et cette timidité précédentes à la sévère répression dont beaucoup de Guinéens ont fait l'expérience pendant la présidence de Sékou Touré (1958-1984). Entretiens de Human Rights Watch avec des membres de la société civile guinéenne, Conakry, avril et juin 2006.