(Paris) -- La France devrait de toute urgence mettre en œuvre les recommandations d’un important organisme des Nations Unies chargé des droits humains, et qui a émis des critiques à l’égard de l’approche de la France en matière de lutte contre le terrorisme, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans une lettre lettre adressée au gouvernement français.
« L’ONU a remis à la France une feuille de route pour qu’elle mette ses politiques de lutte contre le terrorisme en accord avec les obligations relatives aux droits humains », a indiqué Jean-Marie Fardeau, directeur du bureau de Paris de Human Rights Watch. « La France se considère comme une autorité en matière de droits humains. Elle devrait apporter la preuve de cette autorité en agissant rapidement pour mettre en œuvre les conclusions du principal organisme de l’ONU en matière de droits humains. »
Dans un rapport publié à la suite d’un examen approfondi en juillet 2008, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a exprimé sa préoccupation au sujet du fait que les politiques françaises de lutte contre le terrorisme ne sont pas complètement conformes aux normes internationales de procès équitable et qu’elles font courir le risque à des personnes d’être renvoyées vers des nations où elles peuvent subir des actes de torture. Le comité, composé d’experts reconnus au niveau international, évalue le respect par les Etats du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR).
Parmi les problèmes relevés dans son rapport sur la France :
- Manque de protections appropriées pendant la garde à vue. Les suspects de terrorisme peuvent être maintenus en garde à vue pour une durée pouvant aller jusqu’à six jours avant d’être présentés à un juge. Ils peuvent être détenus jusqu’à 72 heures avant d’être autorisés à s’entretenir avec un avocat. Tout comme d’autres suspects en France, ils ne sont pas informés de leur droit de garder le silence quand ils sont interrogés. Les enquêtes menées par Human Rights Watch ont constaté que le manque de protections signifie que les suspects de terrorisme en France sont souvent soumis à des interrogatoires oppressants pendant leur garde à vue.
- Longueur de la détention provisoire. Les suspects de terrorisme peuvent être détenus pour des durées allant jusqu’à quatre ans et huit mois avant de passer en jugement. « [La] pratique institutionnalisée d’une détention prolongée aux fins d’enquête (…) est difficilement conciliable avec le droit garanti dans le Pacte d’être jugé dans un délai raisonnable », a noté le comité dans son rapport.
Protection insuffisante contre le renvoi vers un pays où existe un risque de mauvais traitements. Il n’y a pas de disposition prévoyant la suspension automatique d’un arrêté d’expulsion dans les affaires liées à la sécurité nationale quand un recours est présenté, même si les intéressés signalent qu’ils encourent la torture ou des mauvais traitements dans le pays de destination. Un autre organisme de l’ONU, le Comité contre la torture, a critiqué la France à deux reprises depuis 2005 pour avoir expulsé des personnes qui avaient fait état de leur crainte de subir la torture à leur retour, avant que leurs recours aient été complètement examinés.
« Ces critiques émises par l’ONU ternissent la position de leader de la France en matière de lutte contre le terrorisme et l’ensemble de ses efforts pour promouvoir le respect des droits humains », a déclaré Jean-Marie Fardeau. « Si la France écoute l’ONU et met en œuvre ses recommandations, cela peut renforcer sa position sur ces deux points. Les parlementaires peuvent aussi aider en surveillant le processus ».
Des préoccupations similaires à propos des protections des droits humains de la France dans son approche des poursuites engagées pour des infractions terroristes ont été exprimées au cours de l’examen du bilan de la France en matière de droits humains, fait en mai 2008 dans le cadre du nouveau mécanisme d’Examen périodique universel au Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Les recommandations du Comité des droits de l’homme au gouvernement français incluent notamment :
- Fournir assez de temps à toute personne sous le coup d’une expulsion de France pour déposer une demande d’asile, les services d’un traducteur et une garantie que l’arrêté d’expulsion sera suspendu jusqu’à ce que le processus soit terminé.
- Informer toute personne arrêtée et accusée d’un délit, y compris les suspects de terrorisme, de son droit de garder le silence et l’autoriser à voir un avocat immédiatement. Le suspect devrait être présenté rapidement devant un juge.
- Limiter la détention provisoire et renforcer l’autorité des juges qui déterminent le placement ou non en détention de la personne dans l’attente du jugement
Le Comité des droits de l’homme aussi exprimé sa préoccupation au sujet d’une loi récente autorisant la détention de certains auteurs de crimes violents pour des périodes d’un an renouvelables après qu’ils aient accompli leur peine de réclusion, concluant que cette loi remettait en question le droit à la présomption d’innocence et le droit à ne pas être condamné deux fois pour le même délit. Le Comité a recommandé que la loi soit réexaminée à la lumière des obligations de la France à l’égard de l’ICCPR.