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Deux journalistes cambodgiens reçoivent le prix Hellman/Hammett

Human Rights Watch met à l’honneur les partisans de l’indépendance des médias au Cambodge

(New York, le 22 juillet 2008) – Deux jeunes journalistes cambodgiens, Chheang Bopha et Duong Sokha, figurent parmi les 34 écrivains de 19 pays qui vont recevoir le prestigieux prix Hellman/Hammett en reconnaissance du courage dont ils ont fait preuve face à la persécution politique, ainsi que l’a annoncé Human Rights Watch aujourd’hui.

Les bourses Hellman/Hammett, administrées par Human Rights Watch, sont remises chaque année à des écrivains du monde entier qui ont été la cible de persécutions politiques ou de violations des droits humains. L’attribution de bourses a commencé en 1989 lorsque la dramaturge américaine, Lillian Hellman, a souhaité que son héritage serve à aider les écrivains dans le besoin pour avoir exprimé leur opinion.

« Chheang Bopha et Duong Sokha représentent une petite minorité dans la corporation journalistique cambodgienne qui ose s’élever par ses écrits et ses actions contre les institutions corrompues et empreintes de parti pris politique », a déclaré Sara Colm, chercheuse senior sur l’Asie à Human Rights Watch.

Bopha, 28 ans, et Sokha, 27 ans, ont travaillé comme reporters à Cambodge Soir, premier quotidien en langue française du Cambodge. Ils ont démissionné en 2007 pour protester contre le licenciement d’un collègue qui a été congédié pour son article sur un rapport de Global Witness, organisation environnementale internationale, qui faisait état de la complicité présumée des plus hauts dirigeants de l’État dans l’abattage illégal d’arbres.

Le personnel cambodgien en grève nomma Sokha comme porte-parole pour exiger que Cambodge Soir réintègre le journaliste licencié et garantisse l’indépendance éditoriale. Les gérants ripostèrent par la fermeture du journal et sa réouverture plusieurs mois après sous une nouvelle direction éditoriale. La plupart des anciens employés retournèrent finalement au travail sans aucune garantie d’indépendance éditoriale, mais Sokha et Bopha refusèrent en dépit des fortes pressions qu’ils subirent.

Ils exercèrent tous deux des métiers bien moins lucratifs dans l’enseignement du journalisme avant de finalement unir leurs forces à celles d’autres journalistes pour lancer sur Internet une publication indépendante en khmer et en français, Ka-Set (http://www.ka-set.info). Bopha est sur le point de rejoindre le Centre de formation et de perfectionnement des journalistes à Paris, pour obtenir une maîtrise de journalisme.

« Dans un climat de restriction croissante de la libre expression et d’attaques contre les médias indépendants, y compris en provenance des plus hautes sphères du gouvernement, peu de journalistes osent s’attaquer au système », a déclaré Sara Colm. « Sokha et Bopha visent à maintenir un niveau de journalisme professionnel dans un pays bénéficiant de très peu d’organes médiatiques véritablement indépendants. »

Ka-set était l’idée de quatre anciens journalistes de Cambodge Soir et d’un photojournaliste de Magnum. Initialement lancée en mars 2008 sur les propres deniers des journalistes, la publication Internet utilise une approche multimédia pour couvrir un vaste éventail de sujets : politique, justice, droits humains, économie, Khmers rouges, environnement, culture et société. L’accès est gratuit et le financement est assuré par la publicité, bien que l’équipe, comptant désormais dix personnes, recherche des aides supplémentaires.

« Les compétences professionnelles, l’éthique et le courage rares dont Duong Sokha et Chheang Bopha ont fait preuve doivent être salués et encouragés, en particulier à un moment où le journalisme indépendant au Cambodge est de plus en plus menacé », a indiqué Sara Colm.

Le gouvernement cambodgien contrôle tous les médias et suspend, menace ou poursuit régulièrement des journalistes ou des organes d’information qui le critiquent. En outre, les reporters risquent le licenciement, les attaques physiques ou même la mort s’ils couvrent des sujets controversés. Au début du mois par exemple, des hommes armés ont abattu Khim Sambo, un journaliste du Moneaksekar Khmer (Conscience khmère), journal affilié au parti d’opposition de Sam Rainsy (PSR) (https://www.hrw.org/english/docs/2008/07/16/cambod19364.htm).

« Le pouvoir politique se renforce au Cambodge en préparation des élections nationales du 27 juillet, de même que le contrôle exercé sur les médias », a déclaré Sara Colm.

En juin, la police militaire a arrêté le rédacteur en chef de Moneaksekar Khmer, Dam Sith, qui est également candidat du PSR aux élections, après que le journal a publié des allégations sur le rôle du ministre actuel des Affaires étrangères dans le régime des Khmers rouges (https://www.hrw.org/english/docs/2008/06/11/cambod19105.htm).

En 2007, un reporter de la province de Pursat fut la victime de deux tentatives d’incendies volontaires de son domicile, que le chef de la police attribua à la couverture par le journaliste d’un sujet sur des coupes forestières illégales. En juin 2007, le gouvernement interdit le rapport de Global Witness sur ces abattages illégaux. Les journalistes qui parlèrent du rapport et les personnes qui aidèrent à le préparer reçurent des menaces de mort anonymes.

Bopha est titulaire d’une licence en littérature française de l’Université de Phnom Penh et d’une licence en gestion de la National University of Management. À Cambodge Soir, elle était en charge des droits de l’homme et traitait de façon extrêmement détaillée le sort peu enviable des victimes des Khmers rouges, des travailleurs du textile, des femmes, des minorités ethniques et des enfants. Elle a également travaillé comme correspondante pour Radio France Internationale, Radio Free Asia et Inter Press Service. En 2003, elle a participé à la production d’un film documentaire, Les Artistes du Théâtre Brûlé, du réalisateur cambodgien Rithy Panh. Bopha a également enseigné le journalisme écrit à l’Université royale de Phnom Penh.

Sokha a étudié le français à l’Université royale de Phnom Penh. Durant ses quatre années à Cambodge Soir, Sokha fut réputé pour ses articles sur la justice, les droits humains et la politique. En outre, il a été chargé de cours en français à l’Université royale de droit et d’économie, promoteur de manifestations pour le Centre de ressources audiovisuelles Bophana, et reporter de télévision pour Cambodian Voices, émission diffusée sur TV-9 au Cambodge.

« Bien que jeunes, Bopha et Sokha sont respectés pour leur rôle de chef de file et leur intégrité pendant et après la grève des journalistes, ainsi que leur traitement percutant des sujets sociaux et des droits humains », a déclaré Sara Colm.

Depuis 1989, Human Rights Watch administre les bourses Hellman/Hammett, qui ont été attribuées à quasiment 700 auteurs, dont 10 du Cambodge. Le programme Hellman/Hammett accorde aussi de petites bourses d’urgence à des auteurs devant précipitamment quitter leur pays ou nécessitant une assistance médicale immédiate après avoir séjourné en prison ou subi des tortures.

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