Dr. Ekmeleddin Ihsanoglu
Secrétaire Général
Organisation de la Conférence Islamique
Jeddah
Royaume de L'Arabie Saoudite
Cher Dr. Ihsanoglu,
Human Rights Watch est une organisation non gouvernementale qui, depuis 1978, expose les violations de droits humains et du droit humanitaire au niveau international dans plus de 70 pays dans le monde.
Nous écrivons aujourd'hui pour vous exhorter à utiliser votre position, en tant que Secrétaire Général de l'Organisation de la Conférence Islamique, pour soutenir des mesures au prochain sommet de l'Organisation qui aura lieu à Dakar, Sénégal les 13 et 14 mars 2008, et qui servirait à améliorer et à renforcer la Convention de 1999 de l'OCI sur la lutte contre le terrorisme international.
La Convention de 1999 précise que les Etats membres de l'OCI doivent fermement rejeter le terrorisme, et elle fonde ce rejet dans la loi islamique. Un paragraphe préambulaire, par exemple, affirme que « le terrorisme ne peut être justifié de quelque façon, et qu'il devrait donc être condamné, sans ambiguïté, dans toutes ses formes et manifestations, et toutes ses actions, ses moyens et ses pratiques, quels que soient leurs origines, causes ou buts, y compris les actions directes ou indirectes d'Etats ».
Human Rights Watch appuie cette provision et soutient fortement tous les efforts contre le fléau du terrorisme, qui fait de nombreuses victimes, dont les citoyens d'Etats membres de l'OCI. Le terrorisme est l'antithèse même des droits humains. Que se soit en temps de paix ou en temps de guerre, le droit international interdit des assauts intentionnels contre la population civile, quoi que soient les circonstances. Comme vous le savez, certains auteurs d'attaques ciblant la population civile revendiquent incorrectement le couvert de l'Islam pour justifier leurs actions. Pour cette raison il serait important pour l'OCI, à la toute première occasion, d'indiquer clairement que sa condamnation du terrorisme ne fait aucune exception, même dans le cas d'actes commis au nom de causes soutenues par certains Etats membres de l'OCI.
Human Rights Watch est aussi concerné par des définitions de terrorisme trop élargies- cette étiquette, pourrait être facilement utilisée pour identifier comme tels, les actes d'expression, d'association et d'assemblée pacifiques. Nous exhortons les Etats membres de l'OIC de réitérer leur engagement dans la lutte contre le terrorisme, d'entreprendre de le faire de manière conforme aux normes internationales de droits humains, de longue date et universellement reconnues.
Ainsi, au cours du prochain sommet, nous demandons que l'OCI considère deux amendements à la Convention de 1999 contre le terrorisme international afin de mieux limiter cette définition trop vague du terrorisme, et de rendre absolument clair qu'il n'existe aucune justification dans l'Islam concernant les attaques délibérées de civils, quelles que soient les circonstances ou les raisons. En particulier :
- La définition du terrorisme dans l'article 1 est trop large. Elle recouvre n'importe quel acte ou n'importe quelle menace de violence exécutée avec le dessein de, entre autres, compromettre l'honneur, d'occuper ou de saisir la propriété publique ou privée, ou de menacer la stabilité, l'intégrité territoriale, l'unité ou la souveraineté politique d'un Etat. Non seulement ce langage est-il en grande partie vague et largement mal défini, il dépasse la compréhension généralement admise du concept de terrorisme. Pour remédier à ce problème, cette définition devrait être modifiée, conformément aux déclarations faites par le Rapporteur Spécial de l'ONU sur la promotion et la protection des droits humains et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme, et concerner seulement les actes dont l'intention est de causer la mort ou des blessures physiques graves, ou la prise d'otages.
- Une provision contenue dans l'article 2 semble exempter de la définition de la Convention les actes de crimes terroristes dévoués à la « lutte populaire, y compris la lutte armée contre l'occupation étrangère, l'agression, le colonialisme, et l'hégémonie, et visés à la libération et à l'autodétermination ». Nous exhortons l'OCI à enlever ou modifier cette provision.
Human Rights Watch croit que les changements suggérés plus haut amélioreraient et renforceraient la Convention, et assisteraient dans ce combat très important contre le terrorisme. Dans l'esprit de transparence, nous transmettrons une copie de cette lettre à certains de vos collègues au sein de l'OIC et publierons une copie sur notre site internet le 12 mars, 2007. Nous suivrons les procédés du Sommet de l'OCI avec grand intérêt.
Veuillez agréer, cher Dr. Ihsanoglu, l'expression de mes sentiments distingués.
Kenneth Roth
Directeur exécutif