(New York)- Les forces internationales pour le Tchad et la République centrafricaine, autorisées par le Conseil de sécurité des Nations Unies, devraient se concentrer sur la protection des civils affectés par l’escalade de la violence dans la région, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Mais il est crucial que cette opération s’attelle aux besoins de protection des personnes souffrant le plus de l’insécurité régnante.
Le 25 septembre, le Conseil de sécurité a approuvé la Résolution 1778, laquelle prévoit le déploiement d’une présence internationale multidimensionnelle dans l’est du Tchad et dans le nord-est de la République centrafricaine (RCA). Ces forces se composeront d’une mission de l’ONU (MINURCAT), de forces de police tchadiennes entraînées par l’ONU et d’une opération militaire de l’Union européenne (EUFOR).
« Un déploiement international pourrait aider à stabiliser la région et permettre aux personnes de rentrer chez eux en toute sécurité”, a déclaré Peter Takirambudde, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Mais il est crucial que la force fournisse une protection à tous ceux qui courent un danger, pas seulement les réfugiés ou les personnes déplacées. »
Le Résolution 1778 du Conseil de sécurité se concentre sur l’assistance à des zones à l’est de Tchad et du nord-est de la RCA, théâtre d’un conflit armé continu, d’une absence général d’état de droit et d’une instabilité chronique – en partie liée au conflit dans la région voisine du Darfour, au Soudan – qui ont exacerbé la crise humanitaire.
L’essentiel du personnel de la mission internationale serait déployé dans l’est du Tchad, avec un présence limitée de l’EUFOR dans le coin nord-est, fort instable, du Tchad et un contingent de la MINURCAT basé à Bangui, capitale de la RCA.
Dans l’est du Tchad, où 230 000 réfugiés du Darfour vivent dans des camps gérés par l’ONU, au moins 180 000 Tchadiens ont dû quitter leur habitation à la suite d’attaques menées par des groupes armés, y compris des milices « Janjaweed » du Darfour. Au Tchad, le déploiement UE-ONU est destiné à assurer une présence autour des camps de réfugiés et autour des larges sites accueillant les personnes déplacées. En RCA, la mission internationale se focalise sur le nord-est, alors que les pires violences à l’encontre des populations civiles ont eu lieu dans la partie nord-ouest du pays, à la frontière avec le Tchad.
Human Rights Watch a exhorté l’UE et l’ONU à aborder les besoins des populations civiles les plus vulnérables : les personnes déplacées qui ne sont pas dans de grands camps et les civils qui vivent toujours dans leur communauté.
« Il est impératif que les forces de l’UE agissent pour protéger les civils qui sont en grand danger, peu importe où ils se trouvent », a précisé Takirambudde. « Ceci signifie qu’elles devraient interpréter leur mandat de la manière la plus large possible. »
Les groupes arabes, qui ont été déplacés en masse par le conflit mais qui ont eu tendance à ne pas converger vers les grandes villes, pourraient se retrouver sans aucune protection en cas de déploiement trop limité. Le schéma de déplacement des Arabes diffère de celui des non-Arabes pour des raisons culturelles, mais aussi parce que dans de nombreux cas les Arabes ont été déplacés à la suite de violences commanditées par le gouvernement ; ceci incite les Arabes à éviter les villes où les forces de sécurité gouvernementales – ainsi que les agences d’aide humanitaire – sont basées.
Les civils arabes dans le sud-est du Tchad ont récemment décrit à Human Rights Watch plusieurs cas d’exécutions extrajudiciaires, de bastonnades et de viols dans le sillage des campagnes de désarmement menées par l’armée tchadienne et les forces paramilitaires soutenues par le gouvernement. L’EUFOR et la MINURCAT devront s’engager avec le gouvernement à mettre fin à de tels abus. A cet égard, l’unité chargée des droits humains pour la MINURCAT aura des responsabilités importantes en matière de surveillance et de notification. Un soutien en faveur d’un système judiciaire renforcé sera également essentiel.
Les forces tchadiennes et paramilitaires alliées ont aussi recruté de jeunes hommes et garçons dans les camps pour personnes déplacées situés dans la région, y compris par la force. De telles activités de recrutement ont été constatées dans la plupart des grands camps bien organisés de la zone de Goz Beida, dont ceux de Gassiré, Gouroukoum, Habilé et Koubigou. Ces sites ont besoin d’une protection urgente. Human Rights Watch s”inquiète cependant du fait que les forces de police, qui devront être mises en place par le gouvernement tchadien dans un effort de maintien de la loi et de l’ordre dans les camps, en vertu de la Résolution 1778, puissent ne pas être à la hauteur pour cette tâche.
« La police tchadienne déjà assignée à la protection des camps de réfugiés a été impliquée dans des recrutements forcés, y compris ceux d’enfants », a ajouté Takirambudde. « Les forces de polices tchadiennes, requises par la résolution du Conseil de sécurité, devront être surveillées de près. »
Le déploiement de l’UE devrait probablement concerner 3 000 à 4 000 soldats, mais les détails de cette force, notamment en ce qui concerne les règles d’engagement, doivent encore être approuvés par le Conseil des Ministres de l’UE. La France dirigera très probablement cette opération et fournira la plupart des troupes. Elle dispose d’atouts militaires importants et de personnel dépêché dans le cadre d’une assistance bilatérale auprès des gouvernements tchadien et centrafricain. La France est également intervenue militairement à plusieurs reprises au nom de ces gouvernements.
L’EUFOR devrait opérer pour une période initiale de 12 mois et le transfert du commandement aux Nations Unies devrait avoir lieu 6 mois après le début de la mission.