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Guinée: Les forces de sécurité commettent des exactions contre la population au nom de la loi martiale

Le gouvernement doit poursuivre les forces de sécurité responsables des meurtres, des viols et des vols

(Dakar, le 15 février 2007) – Le gouvernement guinéen a failli dans son contrôle des forces de sécurité responsables de viols, de vols et de plus de 110 meurtres depuis la mi-janvier, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Après l’imposition de la loi martiale, le 12 février dernier, les forces de sécurité ont commis de nombreuses exactions lors de perquisitions effectuées maison par maison, à la recherche d’armes dont un petit groupe de manifestants violents s’était emparé préalablement dans des postes de police et autres bâtiments gouvernementaux.

« Les forces de sécurité guinéennes se servent de la loi martiale comme excuse pour terroriser les citoyens ordinaires », a déclaré Peter Takirambudde, directeur à la division Afrique de Human Rights Watch. « Sous prétexte de rétablir l’ordre, les membres de ces forces se comportent en criminels de droit commun, battant, volant et brutalisant la population qu’ils sont supposés protéger ».

Human Rights Watch a interrogé de nombreux témoins dans la grande banlieue de Conakry. Selon eux, au cours des derniers jours, les forces de sécurité, en particulier la garde présidentielle, sont allées de maison en maison, défonçant les portes et emportant toutes les choses de valeur se trouvant à l’intérieur, notamment les téléphones portables, les appareils photo et de l’argent. Lors de ces perquisitions, des membres des forces de sécurité ont violemment passé à tabac des personnes à l’aide de matraques et de crosses de fusil. Ils ont même tiré et blessé des gens qui protestaient contre le vol de leurs biens. La terreur suscitée par les forces de sécurité a réussi à effrayer la plupart des familles de Conakry, surtout dans les banlieues, et ce, suffisamment pour qu’elles restent enfermées chez elles.

Les forces de sécurité sont responsables d’au moins 22 meurtres commis au cours des cinq derniers jours. D’après un témoin interrogé par Human Rights Watch, des membres de la garde présidentielle ont fait feu sur un groupe de personnes devant une mosquée de la grande banlieue de Conakry, tuant un homme d’une soixantaine d’années. Selon d’autres sources dignes de foi, au moins trois femmes vivant dans la banlieue de Conakry ont été violées au cours des quatre derniers jours par du personnel en uniforme, dont des soldats et des membres de la garde présidentielle. Au moins une des victimes aurait subi un viol collectif.

« La réaction du gouvernement face aux manifestations contre la situation économique est devenue de plus en plus meurtrière, aboutissant au bain de sang auquel nous avons assisté ce mois-ci », a déploré Takirambudde. « Il est impératif que le gouvernement guinéen mette au pas les forces de sécurité, qu’il enquête et réclame des comptes aux responsables des récentes exactions ».

La crise actuelle a débuté après que les syndicats eurent décrété, début janvier, une grève générale pour protester contre la détérioration des conditions économiques, notamment l’inflation galopante et la corruption. Selon des témoins interrogés par Human Rights Watch, presque toutes les personnes tuées ont été abattues par des membres des forces de sécurité, à savoir la garde présidentielle, la police et la gendarmerie. Les troubles ont perdu de leur intensité pendant plusieurs jours après que le Président Lansana Conté, souffrant, eut accepté de nommer un premier ministre de consensus. Néanmoins, la nomination par Conté, le 9 février, d’un allié proche au poste de premier ministre a abouti à une nouvelle vague de protestations et à l’instauration de la loi martiale.

Pendant le week-end, des manifestants furieux de la nomination du nouveau premier ministre ont attaqué, dans tout le pays, des installations gouvernementales, incendié les habitations privées de fonctionnaires du gouvernement et de l’armée. Ils ont également fait main basse sur des armes dans des postes de police, bloqué des routes, attaqué des voitures et des passants, et échangé des coups de feu avec les forces de sécurité.

Le décret instaurant la loi martiale, pris par Conté le 12 février dernier, interdit toutes les manifestations et réunions, et impose de sévères restrictions à la liberté de circulation de la population. Il autorise par ailleurs l’armée à appréhender et à assigner à résidence quiconque est considéré comme un danger pour la sécurité publique, à mener des perquisitions de biens privés et à contrôler tous les moyens de communication sans mandat, et à appliquer des restrictions draconiennes à l’encontre des médias. Avant le décret, l’armée avait déjà pénétré de force dans une station de radio privée. Elle avait ensuite détruit son matériel et arrêté certains de ses employés.

Human Rights Watch a appelé le gouvernement à veiller à ce que les forces de sécurité respectent les obligations qui incombent à la Guinée aux termes du droit international et à prendre les mesures qui s’imposent contre les auteurs d’exactions. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par la Guinée en 1978, permet certaines restrictions des droits dans le cas où une situation d’urgence publique qui menace l’existence de la nation est proclamée par un acte officiel. Selon le Comité des droits de l’homme, l’organe composé d’experts chargés de surveiller le respect du PIDCP, toute atteinte aux droits lors d’un cas de danger public doit être exceptionnelle et temporaire et ne peut avoir lieu que « dans la stricte mesure où la situation l’exige ». Certains droits fondamentaux, à savoir le droit à la vie et le droit de ne pas être soumis à la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, doivent toujours être respectés.

Human Rights Watch a également appelé les forces de sécurité guinéennes à se conformer aux Principes de base de l’ONU sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les autorités lorsqu’elles maintiennent l’ordre à l’occasion de manifestations. Ces principes stipulent que les autorités, dans l’exercice de leurs fonctions, doivent dans la mesure du possible recourir à des moyens non violents avant de faire usage de la force. Lorsque le recours légitime à la force est inévitable, elles doivent faire preuve de modération et agir proportionnellement à la gravité du délit.

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