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Au moment où une partie de la population birmane se mobilise pour obtenir plus de démocratie, les Nations unies s'intéressent enfin à ce pays. Mais beaucoup reste à faire, estime l'organisation Human Rights Watch.

Le Myanmar se retrouve enfin à l'ordre du jour du Conseil de sécurité des Nations unies. Le 30 septembre, celui-ci a tenu sa troisième réunion sur la triste situation des droits de l'homme dans ce pays et ses membres ont décidé, par dix voix contre quatre (et une abstention), de poursuivre la discussion. Le processus avait débuté en 2005 par un rapport commandé par Václav Havel et Desmond Tutu et intitulé "Menace pour la paix : un appel à une intervention du Conseil de sécurité des Nations unies sur la Birmanie". Voilà des années que le Conseil d'Etat pour la paix et le développement (CEPD), le gouvernement militaire birman, ignore les résolutions répétées de l'Assemblée générale et de la Commission des droits de l'homme des Nations unies, condamnant les violations systématiques des droits fondamentaux dans le pays. Le Conseil de sécurité est désormais passé à la vitesse supérieure.

Au cours des dernières semaines, le CEPD a incité l'Association pour l'union, la solidarité et le développement (USDA), une organisation paramilitaire progouvernementale, à organiser des rassemblements de protestation et demandé aux milices ethniques ayant signé un accord de cessez-le-feu avec le régime de publier des déclarations qualifiant la décision du Conseil d'"impérialiste" et l'accusant d'"exploiter l'autorité des Nations unies." Le gouvernement a rejeté ou ignoré toutes les actions internationales visant à améliorer le sort de la population birmane et ces cris d'hostilité montrent qu'il se moque éperdument de l'opinion internationale.

Le régime militaire soutenu par la Chine et l'Inde

Le régime birman, qui souhaitait montrer son mépris pour le Conseil de sécurité, avait annoncé la couleur deux jours avant le vote. La police birmane avait en effet arrêté Min Ko Naing, Ko Ko Gyi et Htay Kywe, trois personnalités qui militaient en faveur d'une intervention du Conseil de sécurité et s'apprêtaient à assister à la célébration de l'anniversaire de la création du parti d'opposition, la Ligue pour la démocratie d'Aung San Suu Kyi. Quelques jours après, l'avocat U Aye Myint et deux militants du groupe Génération étudiante 88 [créé en référence aux manifestations pour la démocratie qui ont eu lieu dans tout le pays en 1988], Min Zeya et Pyone Cho, ont subi le même sort.

Le Conseil de sécurité doit poursuivre son action sur la situation des droits de l'homme dans ce pays où la violence et la répression font partie du quotidien. Les militaires n'autorisent pas l'existence d'une presse libre, d'organisations de la société civile ou de partis d'opposition. Le Conseil doit adopter une résolution ferme appelant le régime militaire à remplir ses obligations vis-à-vis de la population et de la communauté internationale. Fortes du soutien de la Chine, de la Russie, de l'Inde, et de la Thaïlande, les autorités birmanes sont devenues de plus en plus intransigeantes. Ces pays, avec qui elles entretiennent des relations diplomatiques et économiques étroites, ne cessent de les protéger et permettent ainsi aux généraux de continuer leurs méfaits. A titre d'exemple, l'ambassadeur de Chine aux Nations unies, Wang Guangya, a qualifié de "grotesque" la décision de placer le Myanmar à l'ordre du jour du Conseil de sécurité. L'Inde a récemment accueilli le chef de la junte, Than Shwe, avec tous les honneurs et vendu des pièces d'artillerie à l'armée birmane. Pour assurer ses objectifs économiques, le Premier ministre de la Thaïlande récemment déposé, Thaksin Shinawatra, avait fait de son pays le porte-parole international de la junte birmane. Les autorités thaïlandaises adoptaient en outre une politique sévère à l'égard des demandeurs d'asile, des dissidents et des militants des droits de l'homme birmans.

L'opinion internationale est toutefois en train de changer. Le président de l'Association des Nations du Sud-Est Asiatique (ASEAN), Ong Keng Yong, a déclaré, en juillet 2006, que "l'ASEAN a beaucoup d'autres choses à faire, mais le Myanmar semble être toujours là et reléguer les autres questions à l'arrière-plan". Des propos sans précédent pour une organisation qui s'était jusque-là toujours engagée à ne pas intervenir dans les affaires intérieures de ses membres. La Chine est de plus en plus embarrassée. Pour la plupart des voisins du Myanmar, la junte birmane est une honte pour l'ASEAN et ils souhaiteraient des réformes immédiates. Si la Chine veut être considérée comme un membre respecté de la communauté internationale, elle doit cesser de protéger les généraux birmans, qui n'apportent ni sécurité ni développement à leur population.

Travail forcé et violences sexuelles continuent

La Thaïlande a aujourd'hui l'occasion de mettre un terme au soutien honteux qu'elle a apporté au gouvernement birman. Le général Surayud Chulanont, le Premier ministre par intérim récemment nommé, et l'armée, qui l'a porté à ces fonctions, doivent comprendre que la situation chez leur voisin birman constitue un facteur de déstabilisation pour la Thaïlande. Celle-ci doit renoncer à sa passivité et à sa tiédeur, en soutenant pleinement l'action de la communauté internationale pour améliorer la démocratie, les droits de l'homme et la paix au Myanmar. L'ONU ne doit pas attendre. Elle doit voter une résolution exprimant clairement la nécessité d'entamer rapidement un processus permettant de passer à un gouvernement civil et à la démocratie. Les militants récemment arrêtés et les autres prisonniers politiques doivent être libérés [1 200 prisonniers politiques seraient détenus dans les geôles birmanes]. L'armée doit cesser de s'en prendre aux minorités ethniques. Les organisations d'aide humanitaire doivent pouvoir accéder librement aux régions du pays où l'état sanitaire de la population s'est dégradé et où le travail forcé et les violences sexuelles sont largement répandus. Il faut faire comprendre aux généraux birmans qu'ils ne peuvent plus rester inflexibles.

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