La violence politique risque de miner les élections historiques prévues le 30 juillet en République démocratique du Congo, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Dans la province orientale du Nord-Kivu, au moins quatre personnes ont été tuées et 13 autres blessées la semaine dernière dans le cadre de la campagne électorale et un candidat à l’assemblée nationale a fui le pays, craignant pour sa vie.
« Au vu de la violence et du climat d’intimidation qui prévaut, on se demande dans quelle mesure les élections pourront être libres et transparentes dans les zones du Congo qui font l’objet d’une lutte acharnée », a déclaré Alison Des Forges, conseillère à la division Afrique de Human Rights Watch. « La police et la mission onusienne de maintient de la paix doivent maintenir l’ordre. Dans le cas contraire, la population aura peur de se rendre aux urnes ».
Le 17 juillet, des hommes armés ont tiré sur une foule lors d’un meeting électoral organisé à Rugarama pour le candidat à l’assemblée nationale Jean-Luc Mutokambali, faisant quatre morts et 13 blessés. Parmi les blessés se trouvait une fillette de cinq ans qui a perdu une jambe suite à l’incident. Craignant pour sa vie, Mutokambali, qui se présente comme candidat indépendant, a cherché refuge en Ouganda.
Le 14 juillet, les forces de sécurité ont blessé trois personnes en dispersant une manifestation pacifique organisée par les partisans du Mouvement des Patriotes Congolais (MPC) dans la ville de Goma, au Nord-Kivu. Elles ont par ailleurs procédé à l’arrestation d’au moins huit personnes pour avoir participé à la manifestation. Le MPC avait averti les autorités à propos de la manifestation 24 heures à l’avance, comme l’exige la loi, ce qui soulève des questions quant à la raison d’une intervention des forces de sécurité.
Une semaine auparavant, le 7 juillet, des hommes armés non identifiés ont tendu une embuscade aux équipes faisant campagne pour le Parti du Peuple pour la Reconstruction et le Développement (PPRD) et le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) au cours d’attaques menées séparément dans la ville de Mushango. Quatre personnes ont été hospitalisées pour des blessures par balle. Les agresseurs ont volé de l’argent et du matériel indispensable à la campagne, notamment des téléphones portables.
Les défenseurs des droits humains qui tentaient de suivre de près l’évolution de la situation en cette période préélectorale ont également fait l’objet de menaces qui faisaient augmenter le climat d’intimidation. Un groupe qui s’est baptisé Baobab 33 a envoyé des courriels à 10 défenseurs connus des droits de l’homme à Goma, les accusant de s’opposer au RCD, un ancien mouvement rebelle autrefois appuyé par le Rwanda et reconverti en parti politique. Ils ont fait savoir qu’ils ne « baisseront jamais leur cous pour qu’il soient coupés» par des militants.
Quelque 175 000 personnes ont quitté leur logement au cours des quatre derniers mois pour fuir la reprise des combats au Nord-Kivu . Elles risquent de ne pas pouvoir voter car elles ont peur de retourner dans leurs villages d’origine, où elles sont inscrites sur les listes. La Commission électorale indépendante, chargée de l’organisation des élections, n’a pas indiqué comment ni si ces personnes et les centaines de milliers d’autres déplacés dans l’est du Congo seront en mesure de participer au scrutin. Si un grand nombre de personnes déplacées sont dans l’incapacité de voter, ces dernières et les autres citoyens congolais risquent de contester la légitimité des résultats électoraux.
Le 25 juillet, lors d’une conférence de presse organisée sur sa base militaire de Bwito, près de Kichanga, au Nord-Kivu, le dirigeant rebelle Laurent Nkunda, recherché pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, a lancé un nouveau mouvement politico-militaire, le Congrès National pour la Défense du Peuple. Nkunda, membre de la minorité tutsie et ex-dirigeant militaire du RCD, a indiqué que son mouvement réagirait à toute tentative d’exclusion des groupes minoritaires du nouveau gouvernement. Ajoutant aux craintes d’un regain de violence dans l’est de la RDC, Nkunda a annoncé que son groupe s’allierait à une milice sanguinaire opérant en Ituri, le Mouvement Révolutionnaire du Congo (MRC).
Le 27 juillet, le gouvernement congolais a décidé d’intégrer Mathieu Ngojolo, président par intérim du MRC, au sein de l’armée nationale, cherchant apparemment à s’assurer son allégeance. Ngojolo était auparavant associé au Front Nationaliste et Intégrationniste (FNI), un groupe accusé de nombreux crimes de guerre et crimes contre l’humanité en Ituri. Selon des sources onusiennes, Ngojolo aurait bénéficié d’une « amnistie générale » pour les actes qu’il a commis contre le gouvernement et il chercherait à persuader le gouvernement de le promouvoir au grade de général.
Le gouvernement actuel a nommé d’autres ex-chefs de guerre au poste de général au sein de l’armée nationale, fermant les yeux sur les informations dignes de foi qui les impliquaient dans de graves violations du droit international humanitaire. Le 17 juillet, il a promu au grade de colonel de l’armée nationale Peter Karim, lequel avait également été commandant du FNI en Ituri.
« La sécurité le jour du scrutin est capitale pour que les Congolais aient le sentiment que l’opportunité leur est donnée de faire entendre leur voix », a conclu Des Forges. « Mais troquer la poursuite de crimes de guerre contre le maintien à court terme de l’ordre public est une entreprise vouée à l’échec ».