Signe que la Libye sort d’une longue période d'isolement international, le gouvernement a fait quelques pas importants pour améliorer la situation des droits de l'homme, en incluant la libération récente de 14 prisonniers politiques. Cependant le gouvernement libyen en détient toujours d’autres, s’adonne à des procès injustes et restreint sévèrement les libertés d'expression et d'association.
« Nous saluons les premiers pas de la Libye vers la réforme », a dit Kenneth Roth, le directeur exécutif de Human Rights Watch qui a visité Tripoli cette semaine pour présenter le rapport au gouvernement. « Mais le gouvernement a encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’atteindre les normes internationales des droits de l'homme ».
Malgré ces améliorations, le gouvernement libyen viole encore les droits fondamentaux de l’homme, confie Human Rights Watch. Il proscrit des groupes politiques non-autorisés, des médias indépendants et des organisations non-gouvernementales établies. Il a emprisonné des détracteurs pacifiques et les a gardés en détention en dépit des lois libyenne et internationale, en utilisant quelquefois la torture pour leur arracher des confessions. Le sort de nombreux prisonniers politiques reste encore incertain à ce jour.
Au cours des dernières années, le gouvernement libyen a cependant amélioré les conditions de vie dans les prisons et a fermé une cour de justice spéciale qui condamnait injustement ceux cherchant pacifiquement un changement politique. Il a autorisé des organisations internationales des droits de l'homme, y compris Human Rights Watch, à mener des enquêtes et des campagnes de sensibilisation dans le pays.
Le rapport de 84 pages intitulé “Words to Deeds: Libya’s Urgent Need for Human Rights Reform” (des mots aux actes : un besoin urgent pour une réforme des droits de l'homme en Libye), est inspiré essentiellement du tout premier voyage de Human Rights Watch en Libye, effectué au milieu de l’année 2005, voyage que l'organisation a applaudi comme un geste encourageant vers la transparence. Les autorités ont permis de rencontrer un grand nombre de hauts responsables et d’accéder à des commissariats de police, un centre de détention pour immigrés et cinq prisons où 32 prisonniers ont été interrogés en privé. Des guides du gouvernement ont cependant escorté les chercheurs de Human Rights Watch à chaque instant et ont contrôlé les contacts non-autorisés avec les Libyens et les étrangers présents dans le pays.
Cette semaine, Human Rights Watch est revenue en Libye pour présenter ce rapport. Le gouvernement a annoncé à Human Rights Watch la libération des 14 prisonniers, énumérés ci-dessous, qui avait été condamnés pour leur implication dans deux organisations proscrites.
« Nous avons parlé ouvertement de nos préoccupations avec le gouvernement libyen » a déclaré Roth. « Nous sommes en désaccord sur de nombreuses questions de taille mais ils sont disposés à écouter et à discuter ».
Les lois fondamentales de la Libye respectent dévotement de nombreux droits fondamentaux mais la législation restreignant les libertés d'expression et d’association est complètement contradictoire aux normes internationales des droits de l'homme, a ajouté Human Rights Watch. La Loi 71, par exemple, interdit toute activité de groupe basée sur une idéologie politique opposée aux principes de la Révolution Al-Fateh de 1969, qui a permis au chef libyen Mu`ammar Al-Qadhafi d’accéder au pouvoir
Fathi Al-Jahmi, qui a fortement critiqué Qadhafi lors d’interviews avec les médias internationaux en mars 2004 est le prisonnier politique le plus connu. L'Agence de Sécurité Intérieure l'a gardé en détention sans procès jusqu'en décembre 2005. Il est maintenant jugé par la Cour pénale de Tripoli pour avoir diffusé de la désinformation, insulter Qadhafi et communiquer illégalement avec les étrangers contre les intérêts de l'état.
Le gouvernement détient toujours 86 membres de la Confrérie Musulmane, une organisation politique et sociale qui rejette la violence ; une cour de justice a condamné à mort les deux chefs du groupe. En octobre 2005, la Cour suprême a renversé le verdict des 86 hommes lors d’un retournement de situation favorable et a ordonné un nouveau procès. Un verdict est attendu le 31 janvier. Human Rights Watch a interrogé Fathi Al-Jahmi et les chefs de la Confrérie Musulmane dans le cadre du rapport.
La torture reste au centre des préoccupations. Le gouvernement libyen a criminalisé la torture affirmant plusieurs fois qu'il enquêtait et traitait en justice des cas dans lesquels la torture aurait été utilisée. Néanmoins, 15 des 32 individus interviewés par Human Rights Watch dans les prisons libyennes dans le cadre du rapport - des prisonniers politiques et des criminels communs – affirment que les forces de sécurité les ont torturés lors d’interrogatoires, généralement pour obtenir d’eux des confessions.
Lors des réunions de cette semaine avec Human Rights Watch, le gouvernement libyen a annoncé qu'il avait poursuivi 48 membres des forces de sécurité pour utilisation prétendue de la torture en 2004. Le gouvernement n'a pas dit combien d’entre eux avaient été condamnés, ni n'a fourni de chiffres pour 2005.
L’accusation de torture la plus célèbre fut portée par les cinq infirmières bulgares et le docteur palestinien condamnés à mort pour avoir prétendument inoculé le virus du sida à 426 enfants libyens. Quatre de ces infirmières ont avoué à Human Rights Watch que les interrogateurs leur avaient fait subir des décharges électriques, les rouant de coups avec des câbles et des battons de bois et les frappant à grands coups sur les plantes de pieds. Lors d’un autre développement favorable, la Cour suprême a annulé les condamnations à mort en décembre et a accordé un nouveau procès aux accusés.
Le gouvernement contrôle les médias de façon stricte, a attesté Human Rights Watch. Il n'y a aucune station de radio ou de télévision privée et les autorités gouvernementales publient les principaux journaux du pays. Les seules sources d’information non censurées proviennent de programmes de télévision par satellite et par Internet, les deux ayant proliféré en Libye au cours des dernières années. Le gouvernement bloque de temps à autre quelques sites Internet et il a poursuivi en 2005 un auteur publié sur Internet, `Abd Al-Raziq Al-Mansuri, apparemment pour des critiques qu’il avait publiées ; il a reçu une peine d’emprisonnement d'un an et demi pour possession illégale d'une arme feu.
Le rapport fait également état de la réhabilitation internationale de la Libye pendant les cinq dernières années. Les gouvernements américain et européens sont attirés par la richesse en pétrole de la Libye et par la coopération stratégique de Qadhafi dans la lutte contre le terrorisme. Ils critiquent parfois le bilan des droits de l'homme en Libye mais laissent rarement leurs inquiétudes entraver un tel renforcement de leurs liens dans les domaines de la sécurité et de l’économie.
« Alors que les gouvernements occidentaux améliorent leurs relations avec la Libye, ils devraient exiger du gouvernement libyen un plus grand respect des droits de l'homme », a déclaré Roth. « La coopération de la Libye dans la lutte contre le terrorisme ne devrait pas être lui donner carte blanche pour commettre des atrocités ».
PRISONNIERS POLITIQUES LIBÉRÉS
Du Club de football Al-Ahli - pardonnés par le Conseil suprême pour l'autorité judiciaire le 25 octobre 2005 :
1. Al-Sherif Moftah Al-Amami
2. Abdel Rehim Qarqum Al-Fitory
3. Rabea Khaled Al-Seayti
4. Soliman Saad Abd Rabbo Nejm
5. Abdel Choucas de Salam Al-Mazoughi
6. Ramadan de Mohamed Al-Amami
7. Ahmed Abdel Salam Al-Sherif
8. Ahmed Mohamed Al-Zalawi
Libérés pour raison de santé par le Secrétaire du Comité populaire pour la justice le 6 janvier 2006 :
9. Moftah Abdel Al-Jali Wanis Al-Mezeini
10. Awad Mohamed Saad Al-Orfi
11. Ahmed Mohamed Ibrahim Zaed
12. Mousa Abdallah Saleh Al-Shaeri
13. Salah Saeid Younis Khazzam
14. Ahmed Aly Abdel Hamid Al-Khafifi