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Lettre au Représentante spéciale du Secrétaire Général de l'ONU pour les défenseurs des droits humains

Assassinat de Pascal Kabungulu Kibembi, Secrétaire Exécutif de Héritiers de la Justice

En notre qualité de représentants d’organisations internationales de défense des droits humains, nous vous écrivons pour vous prier de faire le nécessaire pour vous rendre dès que possible en République Démocratique du Congo (RDC), afin d’améliorer la protection des défenseurs des droits humains suite à l’assassinat de Pascal Kabungulu Kibembi.

En notre qualité de représentants d’organisations internationales de défense des droits humains, nous vous écrivons pour vous prier de faire le nécessaire pour vous rendre dès que possible en République Démocratique du Congo (RDC), afin d’améliorer la protection des défenseurs des droits humains suite à l’assassinat de Pascal Kabungulu Kibembi.

Pascal Kabungulu Kibembi, Secrétaire Exécutif de Héritiers de la Justice, une organisation de droits de l’homme congolaise, a été assassiné par trois hommes armés dans la nuit du 30 au 31 juillet 2005 dans sa maison à Bukavu, dans l’Est de la RDC. Il était très respecté pour ses courageuses activités de défense des droits humains et son décès a profondément choqué la communauté congolaise des droits de l’homme, et plus largement la société civile et la population civile dans la région du Kivu.

Nous craignons que l’assassinat de Monsieur Kabungulu soit l’indicateur d’une tendance plus générale au sein des autorités gouvernementales, des groupes armés et des membres d’anciens groupes armés de prendre pour cible et d’intimider les acteurs de la société civile qui dénoncent les violations des droits humains en RDC. Nous redoutons que les attaques à l’encontre des défenseurs des droits humains s’intensifient à l’approche des élections qui auront lieu l’année prochaine.

Nous savons que les autorités judiciaires congolaises ont ouvert une enquête criminelle sur cette affaire, et que les autorités provinciales du Sud-Kivu ont établi une Commission d’Enquête présidée par le procureur militaire du Sud-Kivu. Il a été relaté que le déroulement de ces enquêtes a été entravé par l’intervention de soldats de l’armée congolaise. Le 4 août 2005, trois officiers supérieurs, conduits par l’ancien commandant du Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Goma (RCD-Goma), le commandant Thierry Ilunga, ont contraint le directeur de la prison centrale de Bukavu à leur remettre les deux suspects qui y étaient détenus. Entre le 4 et le 18 août, les suspects ont été retenus à la caserne de la 10ème région militaire pendant la journée et autorisés à rentrer chez eux le soir. Les suspects ont désormais réintégré la prison centrale et y sont détenus. Par ailleurs, plusieurs membres de la Commission d’Enquête ont reçu des menaces sous des formes diverses, menaces qui pourraient être liées à leur participation à cette Commission. Nos organisations considèrent que les enquêtes de la Commission doivent être menées par des autorités civiles et que le personnel militaire ne doit pas les diriger ni interférer.

A la lumière de ces développements, nous croyons que le Représentante spéciale du Secrétaire général de l'ONU concernant les défenseurs des droits humains a un rôle vital à jouer. Nous demandons de faire en sorte que votre bureau sollicite une invitation du gouvernement congolais – ou qu’il négocie si possible une extension de l’invitation formulée l’année dernière à se rendre dans le pays – en vue d’une visite aussi rapidement que possible. Une telle visite mettrait en évidence l’importance qu’accordent les Nations Unies à la nécessité d’assurer la protection des défenseurs des droits humains.

Nous estimons qu’il est essentiel de persuader le gouvernement congolais d’ouvrir une enquête prompte et impartiale sur l’assassinat de Pascal Kabungulu sans autre délai. La Commission d’Enquête du gouvernement devrait être un organe indépendant, impartial, avec des termes clairs de référence et d’autorité. Elle devrait avoir le pouvoir d’octroyer réparation, y compris compensation, ainsi que de prendre des décisions exécutoires et d’octroyer des dommages et intérêts. Le gouvernement a le devoir de garantir que les autorités judiciaires et que la Commission d’Enquête accomplissent leur travail correctement et doit, à cette fin, mettre à la disposition de la Commission tous les moyens nécessaires.

Votre visite offrirait la possibilité d’une rencontre avec les autorités judiciaires afin d’évaluer l’état de leur investigation sur ce crime et de les encourager à enquêter sur des actes visant à faire obstruction à l’enquête. Nous exhortons les autorités de la RDC à enquêter sur d’autres crimes commis contre des défenseurs des droits humains en 2004-2005 notamment:
- L’attaque par des hommes armés contre Golden Misabiko et Amigo Ngonde, membres de premier plan de l’Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme (ASADHO) le 16 mai 2005 à Lubumbashi
- L’arrestation arbitraire de Golden Misabiko le 2 juin 2005 à Lubumbashi, et de sept autres défenseurs des droits humains qui protestaient contre sa détention
- L’attaque par des hommes armés contre Dismas Kitenge, chef du Groupe Lotus, dans la nuit du 2 juin 2005, à Kisangani
- Les menaces, notamment les menaces de mort contre Richard Bayunda Muhindo, Sheldon Hangi et Charles Mukandirwa, défenseurs des droits humains à Goma, en décembre 2004.

De nombreuses personnes en RDC, notamment des responsables du gouvernement et des activistes issus des ONG espèrent que la disparition tragique de Pascal Kubungulu pourra stimuler le regroupement de divers acteurs autour de la question de la protection des défenseurs des droits humains. C’est pourquoi nous pensons qu’il est opportun de développer un plan d’action efficace pour assurer la protection des défenseurs des droits humains en RDC.

Nous nous réjouirions de votre contribution à ce processus. Vous pourriez jouer un rôle essentiel, notamment en aidant à conseiller et à apporter un soutien technique au gouvernement congolais dans la formulation d’un plan d’action pour que la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits humains reçoive pleine application. Vous pourriez également guider la MONUC dans ses efforts pour renforcer les diverses protections pour les défenseurs des droits humains et suggérer aux ambassades européennes la meilleure manière de mettre en œuvre les Principes directeurs relatifs à la protection des défenseurs des droits humains. Vous pourriez demander à l’Union Européenne d'encadrer l’enquête sur l’assassinat de Pascal Kabungulu et lui demander de respecter et d’assister et d’observer les sessions de la Commission d’Enquête, ainsi qu'il est recommandé dans les Principes Directeurs.

Nous serions heureux de discuter des ces différents points avec vous par téléphone ou lors d’une rencontre et nous attendons avec impatience votre réaction à notre courrier.

Veuillez agréer, Madame, l’assurance de nos sentiments les meilleurs.

Georgette Gagnon
Directrice adjointe de la Division Afrique
Human Rights Watch

Mary Lawlor, Directrice
Front Line

David Pain
Chef de la Division Afrique
Christian Aid

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