En notre qualité de représentants d’organisations internationales de défense des droits humains et de développement, nous vous écrivons pour vous faire part de notre vive préoccupation concernant le décès du défenseur congolais des droits de l’homme Pascal Kabungulu Kibembi. Nous exhortons la MONUC à conduire une enquête indépendante et impartiale sur cet assassinat – conformément au mandat dont elle a été investie par le Conseil de Sécurité des Nations Unis par la Résolution 1565 - et à en publier les conclusions.
En notre qualité de représentants d’organisations internationales de défense des droits humains et de développement, nous vous écrivons pour vous faire part de notre vive préoccupation concernant le décès du défenseur congolais des droits de l’homme Pascal Kabungulu Kibembi. Nous exhortons la MONUC à conduire une enquête indépendante et impartiale sur cet assassinat – conformément au mandat dont elle a été investie par le Conseil de Sécurité des Nations Unis par la Résolution 1565 - et à en publier les conclusions.
M. Pascal Kabungulu Kibembi, Secrétaire Exécutif de Héritiers de la Justice, a été assassiné par trois hommes armés, dans la nuit du 30 au 31 juillet 2005, dans sa maison à Bukavu. Il était très respecté pour ses courageuses prises de position pour la défense des droits humains et son décès a été a profondément choqué la communauté congolaise des droits de l’homme, et plus largement la société civile et la population civile dans la région du Kivu.
Nous craignons que l’assassinat de Monsieur Kabungulu soit l’indicateur d’une tendance plus générale au sein des autorités gouvernementales, des groupes armés et des membres d’anciens groupes armés consistant à prendre pour cible et à intimider les acteurs de la société civile qui dénoncent les violations des droits humains en RDC. Nous redoutons que les attaques à l’encontre des défenseurs des droits humains s’intensifient à l’approche des élections qui auront lieu l’année prochaine.
Nous savons que les autorités judiciaires congolaises ont ouvert une enquête criminelle sur cette affaire, et que les autorités provinciales du Sud-Kivu ont établi une Commission d’Enquête présidée par le procureur militaire du Sud-Kivu. Il a été relaté que le déroulement de ces enquêtes a été entravé par l’intervention de soldats de l’armée congolaise. Le 4 août 2005, trois officiers supérieurs, conduits par l’ancien commandant du Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Goma (RCD-Goma), le commandant Thierry Ilunga, ont contraint le directeur de la prison centrale de Bukavu à leur remettre les deux suspects détenus à la prison. Entre le 4 et le 18 août, les suspects ont été retenus à la caserne de la 10ème région militaire pendant la journée et autorisés à rentrer chez eux le soir. Les suspects ont désormais réintégré la prison centrale et y sont détenus. Par ailleurs, plusieurs membres de la Commission d’Enquête ont reçu des menaces sous des formes diverses, menaces qui pourraient être liées à leur participation à cette Commission. Nos organisations considèrent que les enquêtes de la Commission doivent être menées par des autorités civiles et que le personnel militaire ne doit pas les diriger ni interférer.
A la lumière de ces événements, nous recommandons que la MONUC remplisse son mandat, conformément a ce qui est prévu au titre de la résolution 1565 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Plus précisément, la MONUC devrait mener sans plus attendre sa propre enquête de façon approfondie et impartiale sur l’assassinat de Pascal Kabungulu Kibembi et qu’elle en publie les conclusions. Elle devrait également inciter fermement et fréquemment les autorités congolaises à mener à bien leurs propres obligations d’enquêter sur ce crime et de traduire les meurtriers en justice. Nous exhortons également la MONUC à assurer le suivi de toutes les étapes du processus judiciaire, en insistant pour que les autorités congolaises adhèrent aux normes internationales relatives à la tenue de procès équitables.
Nos organisations demandent également que la MONUC accorde une attention particulière à la protection des défenseurs des droits humains et de leurs familles, conformément à l’esprit de la Déclaration des NU adoptée par l’Assemblée Générale le 8 mars 1999 sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et libertés fondamentales universellement reconnus.
A cet égard, nous accueillons avec satisfaction la création, à Kinshasa, d’un programme de la MONUC visant à protéger les victimes, les témoins et les défenseurs des droits humains. Nous recommandons l’extension de ce programme aux bureaux de la MONUC sur le terrain. Nous recommandons également l’organisation, par la MONUC, de consultations avec les défenseurs congolais des droits humains dans tout le pays afin d’envisager avec eux la manière dont la MONUC pourrait les soutenir et les protéger.
Dans le cadre de cet effort pour protéger les défenseurs des droits humains, la MONUC devrait enquêter sur les récits faisant état de menaces et d’attaques, et publier ses rapports, en particulier lorsque l’Etat est dans l’incapacité ou n’a pas la volonté de prendre les mesures nécessaires. Les cas suivants méritent notamment une attention particulière:
- L’attaque par des hommes armés contre Golden Misabiko et Amigo Ngonde, membres de premier plan de l’Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme (ASADHO) le 16 mai 2005 à Lubumbashi
- L’arrestation arbitraire de Golden Misabiko le 2 juin 2005 à Lubumbashi, et de sept autres défenseurs des droits humains qui protestaient contre sa détention
- L’attaque par des hommes armés contre Dismas Kitenge, chef du Groupe Lotus, dans la nuit du 2 juin 2005, à Kisangani
- Les menaces, notamment les menaces de mort contre Richard Bayunda Muhindo, Sheldon Hangi et Charles Mukandirwa, défenseurs des droits humains à Goma, en décembre 2004.
La MONUC devrait régulièrement examiner la situation des défenseurs des droits humains et inclure régulièrement, dans ses rapports périodiques, une sous-section sur les défenseurs des droits humains. Chaque fois qu’un défenseur des droits humains est l’objet de menaces, la MONUC devrait exercer des pressions sur les responsables de l’armée et de la police pour qu’ils agissent en conséquence. Si nécessaire, la MONUC devrait être préparée à offrir sa propre protection militaire ou policière et/ou à aider au transport des personnes menacées dans un autre lieu.
Nous attendons avec impatience votre réaction sur cette importante affaire.
Nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur, l’expression de notre très haute considération.
Georgette Gagnon
Directrice adjointe de la Division Afrique
Human Rights Watch
Mary Lawlor, Directrice
Front Line
David Pain
Chef de la Division Afrique
Christian Aid
Kolawole Olaniyan
Directeur du Programme Afrique
Amnesty International