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Lettre au Ministre des Affaires Étrangères, UK

Assassinat de Pascal Kabungulu Kibembi, Secrétaire Exécutif des Héritiers de la Justice

En notre qualité de représentants d’organisations internationales de développement et de défense des droits humains portant un intérêt particulier à la République Démocratique du Congo (RDC), nous vous écrivons suite à l’assassinat brutal de Pascal Kabungulu Kibembi.

En notre qualité de représentants d’organisations internationales de développement et de défense des droits humains portant un intérêt particulier à la République Démocratique du Congo (RDC), nous vous écrivons suite à l’assassinat brutal de Pascal Kabungulu Kibembi.

M. Kabungulu, le Secrétaire-Exécutif des Héritiers de la Justice, une organisation de droits de l’homme congolaise, a été assassiné par trois hommes armés dans sa maison, en présence de sa famille, le 31 juillet 2005 à Bukavu, à l’Est de la RDC.

M. Kabungulu était un des plus éminents et des plus investis défenseurs des droits humains en RDC et un des principaux leaders de la société civile. Héritiers de la Justice reçoit une subvention du Ministère britannique pour le développement international (DFID) pour son travail en matière de droits de l’homme depuis 2001 dans le cadre du Programme pour la Paix et la Réconciliation dans l’Est de la RDC de Christian Aid. En mai 2002, M. Kabungulu s’est rendu à Londres afin de rencontrer le Premier Ministre Tony Blair et de lancer la publication du rapport de Christian Aid intitulé « Ecoutez l’Afrique ». Le Premier Ministre et M. Kabungulu ont débattu des questions relatives aux violations des droits de l’homme et du conflit en RDC. M. Kabungulu a évoqué l’important travail d’enregistrement et de dénonciations des violations des droits humains effectué par Héritiers.

L’assassinat de M. Kabungulu est une tragédie pour sa famille et pour tous ceux qui le connaissaient et travaillaient avec lui. Il laisse derrière lui une femme et six enfants qui, témoins oculaires dans l’enquête en cours sur l’assassinat de M. Kabungulu, craignent désormais pour leur sécurité. Au regard du rôle déterminant que M. Kabungulu a joué dans la lutte contre l’impunité en RDC, sa disparition est une grande perte, non seulement pour Héritiers de la Justice et la société civile congolaise mais aussi pour l’ensemble de la RDC.

Nous craignons que l’assassinat de Monsieur Kabungulu soit l’indicateur d’une tendance plus générale au sein des autorités gouvernementales, des groupes armés et des membres d’anciens groupes armés consistant à prendre pour cible, à intimider et finalement à éliminer les principaux acteurs de la société civile qui prennent la parole contre l’injustice en RDC. A l’approche des élections qui auront lieu l’année prochaine, nous redoutons que l’assassinat de M. Kabungulu soit la première d’une série d’autres attaques à l’encontre des défenseurs des droits humains. La conséquence immédiate de l’assassinat de M. Kabungulu, bien connu pour ses prises de position courageuses en faveur des droits de tous les Congolais, a été d’intensifier et de répandre la peur non seulement parmi les militants pour les droits humains et les acteurs de la société civile mais aussi, plus largement, pour l’ensemble de la population civile de la région du Kivu.

Les autorités judiciaires congolaises ont ouvert une enquête criminelle sur cette affaire, et les autorités provinciales du Sud-Kivu ont établi une Commission d’Enquête présidée par le procureur militaire du Sud-Kivu.

Il a été rapporté que le déroulement de ces enquêtes a été entravé par l’intervention de soldats de l’armée congolaise. Le 4 août 2005, trois officiers militaires des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), conduits par l’ancien commandant du Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Goma (RCD-Goma), le commandant Thierry Ilunga, ont contraint le directeur de la Prison Centrale de Bukavu à leur remettre les deux soldats suspectés d’être impliqués dans l’assassinat qui y étaient détenus. Entre le 4 et le 18 août, les suspects ont été retenus à la caserne de la 10ème région militaire pendant la journée, et autorisés à rentrer chez eux le soir. Les suspects ont désormais réintégré la prison centrale. Par ailleurs, plusieurs membres de la Commission d’Enquête ont reçu des menaces sous des formes diverses, menaces qui pourraient être liées à leur participation à cette Commission. Nos organisations considèrent que, afin d’être véritablement indépendantes et libres de toute interférence provenant du personnel militaire, les enquêtes de la Commission doivent être menées et dirigées par des autorités civiles.

La RDC revêt une importance stratégique pour la politique britannique en Afrique en raison de ses implications pour la sécurité et la stabilité à travers le continent. Le Royaume-uni est devenu un important sdonateur du gouvernement de la RDC et investit des millions dans le processus électoral en RDC ainsi que pour établir un Etat de droit en RDC.

En cette actuelle période de transition vers la démocratie en RDC, il est crucial que les activistes des droits de l’homme, et plus largement la société, soient en mesure de mener leurs activités sans craindre d’être attaqués et que la culture d’impunité soit combattue par tous les acteurs qui s’intéressent à l’avenir de la RDC. Le gouvernement de Grande-Bretagne, le gouvernement de la RDC et l’Union Européenne (UE) doivent démontrer leur engagement pour la construction d’un Etat de droit démocratique en RDC en abordant fermement la question des droits de l’homme et en garantissant la sécurité des défenseurs des droits de l’homme et des acteurs de la société civile.

A la lumière de ces développements, et au regard des engagements pris par le gouvernement de Grande-Bretagne et par l’UE dans le processus de transition en RDC, nous exhortons le gouvernement britannique à se pencher sur l’assassinat de Pascal Kabungulu de toutes les manières possibles, notamment à travers la présidence de l’UE.

Nous demandons au gouvernement de Grande-Bretagne d’exhorter le gouvernement congolais à:
• Garantir l’ouverture d’une enquête prompte et impartiale et sa conduite sans entrave sur l’assassinat de Pascal Kabungulu. Le gouvernement devrait également requérir des autorités judiciaires d’enquêter et de poursuivre en justice les actions de trois officiers de RDC-Goma, récemment intégré dans les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), qui ont contraint le directeur de la prison à leur remettre les deux suspects qui y étaient détenus suite à l’assassinat de Pascal Kabungulu
• Garantir que l’actuelle Commission d’Enquête sur l’assassinat de Pascal Kabungulu soit indépendante, impartiale et compétente, qu’elle ait des objectifs clairement définis, qu’elle soit investie d’autorité, et qu’elle mène une enquête en toute transparence. La Commission devrait également avoir compétence, conformé à la loi, d’octroyer réparation, y compris compensation, et de prendre des décisions ayant force exécutoire et paiement de dommages et intérêts, dans un délai raisonnable, conformément à la Déclaration des NU sur le Droit et la Responsabilité des Individus, Groupes et Organes de la Société de Promouvoir et Protéger les Droits de l’Homme et les Libertés Fondamentales Universellement Reconnus.
• Mettre à disposition des autorités judicaires et de la Commission d’Enquête les moyens nécessaires à la conduite d’une enquête approfondie et impartiale ;
• Développer un plan d’action pour la protection des défenseurs congolais des droits humains en application de la Déclaration des NU sur le Droit et la Responsabilité des Individus, Groupes et Organes de la Société de Promouvoir et Protéger les Droits de l’Homme et les Libertés Fondamentales Universellement Reconnus.
• Inviter en RDC la Représentante spéciale des Nations Unies pour les défenseurs des droits humains

Nous exhortons le gouvernement de Grande-Bretagne à s’assurer par le biais de sa présente position à la présidence de l’UE que l’UE prend des mesures pour:
• Encourager le gouvernement de transition congolais à garantir qu’une enquête rapide et impartiale sur l’assassinat de M. Kabungulu soit menée sans entrave ;
• Appliquer pleinement les directives de l’UE sur les Défenseurs des Droits de l’Homme, notamment par l’adoption de mesures concrètes de soutien et de protection sous la supervision de la Mission de l’UE à Kinshasa. Plus spécifiquement pour:
• encadrer l’enquête en cours menée par la Commission d’Enquête sur l’assassinat de Pascal Kabungulu
• aborder la situation des défenseurs des droits de l’homme dans le rapport fait a la Commission, en particulier l’assassinat de Pascal Kabungulu et les arrestations et menaces à l’encontre d’autres défenseurs des droits humains
• maintenir de bons contacts avec les défenseurs des droits de l’homme, notamment en les recevant à la Mission et en leur faisant visiter les lieux de travail
• désigner un agent de liaison spécial pour les défenseurs des droits de l’homme
• encourager la visite en RDC de la Représentante spéciale des NU pour les défenseurs des droits humains
• La contribution de l’UE devrait également:
• exhorter le gouvernement congolais à adresser une invitation à la Représentante spéciale
• octroyer des financements à la Représentante spéciale afin qu’elle puisse remplir son mandat et se rendre en visite en RDC
• Mobiliser des fonds et d’autres ressources, notamment apporter un support technique pour:
• L’instauration d’un système judiciaire indépendant en RDC
• La formation aux droits de l’homme de la police, des membres de groupes armés et de la fonction publique
• Un programme efficace de désarmement volontaire et démobilisation, rapatriement, réinstallation et réintégration (DDRRR) et de la réforme du secteur de la sécurité en RDC
• Mettre en place un fonds de compensation pour les défenseurs des droits de l’homme et leurs familles, en vue de les aider dans des situations de risque immédiat et suite à des attaques.

Nous attendons avec impatience votre réaction à notre courrier sur ces importantes questions.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de nos sentiments les meilleurs.

David Pain
Directeur de la Division Afrique
Christian Aid

Stephane Mikala
Directeur du Programme d’Action en Afrique
Amnesty International

Mary Lawlor
Directrice
Front Line

Georgette Gagnon
Directrice adjointe de la Division Afrique
Human Rights Watch

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