Le gouvernement haïtien n’est pas parvenu à endiguer la violence qui sévit toujours dans la capitale, violence qui a entraîné ces derniers mois des centaines de morts et de blessés, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.
La délégation du Conseil de sécurité des Nations unies en visite à Haïti du 13 au 16 avril devrait inviter clairement le gouvernement intérimaire haïtien à faire de la sécurité et de la protection de la population l’une de ses principales priorités et l’encourager à coopérer avec la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) afin de contenir la violence.
A l’approche des élections prévues en octobre et novembre prochains, le Conseil de sécurité doit décider s’il prolonge ou non le mandat de la mission au delà du 1er juin, date à laquelle ce mandat est supposé expirer.
« Des centaines d’haïtiens ont été tués en raison de la violence criminelle ou politique alors que les auteurs de ces crimes jouissent d’une impunité totale », a déploré Joanne Mariner, directrice adjointe de la division Amériques de Human Rights Watch. « La défaillance des autorités à engager des enquêtes et à poursuivre les auteurs de ces actes de violence quotidiens a créé un climat d’impunité où les abus se multiplient et où les citoyens se sentent sans défense. »
Depuis le début de l’année, 391 patients ont été pris en charge, par l’hôpital de Port-au-Prince suite à des blessures par balles notamment. Cet établissement hospitalier est administré par l’organisation médicale humanitaire, Médecins sans frontières (MSF). MSF estime qu’entre septembre et décembre 2004, près de 100 personnes ont trouvé la mort chaque mois à Port-au-Prince. Ces derniers mois, le nombre de morts avec violence est demeuré particulièrement élevé. Les statistiques centralisées par la Commission nationale pour la Justice et pour la Paix en Haïti font état de 63 personnes tuées en janvier et de 68 en février. Sachant que ces statistiques sont incomplètes, la Commission considère, toutefois, que le nombre véritable pourrait être beaucoup plus important.
Les chercheurs de Human Rights Watch toujours présents à Haïti ont constaté que, dans la plupart des cas qu’ils ont examinés, les autorités haïtiennes n’ont pris aucune mesure tendant à identifier les auteurs de ces abus et à les poursuivre en justice. Les autorités haïtiennes n’ont, en outre, pas appuyé les efforts de la police civile onusienne, dont le mandat consiste à apporter un soutien à la police nationale dans le cadre de ses enquêtes.
Les victimes interviewées par Human Rights Watch ont toutes déclaré que la police nationale ne se rend jamais sur les lieux des violences pour aider les victimes ou pour enquêter sur les crimes commis.
D’autre part, les victimes de violences ont souvent fait l’objet d’harcèlements de la part de la police. Plusieurs résidents du quartier pauvre Cité Soleil de Port-au-Prince ont rapporté à Human Rights Watch que la police considère qu’une personne blessée dans le quartier est en réalité un membre d’un gang. Les haïtiens évitent de transporter les personnes blessées vers les hôpitaux publics, sachant que les victimes peuvent y faire l’objet d’une arrestation arbitraire.
La situation à Haïti a été, cette année, effervescente depuis le soulèvement armé qui a contraint Jean-Bertrand Aristide à démissionner en février 2004. Les conditions de sécurité se sont légèrement améliorées après l’arrivée des Forces Intérimaires Multinationales ce même mois, et puis dans les premiers mois suivant l’installation de la mission de stabilisation de l’ONU en juin.
Néanmoins, l’échec du gouvernement intérimaire à restaurer la stabilité a laissé le pouvoir vacant, permettant ainsi aux groupes armés de se multiplier. Anciens militaires, les partisans armés d’Aristide et les gangs criminels se disputent le contrôle de différentes régions du pays. Le niveau de violence s’est considérablement accru depuis septembre dernier, défiant la capacité de la MINUSTAH à contrôler la situation.
La délégation du Conseil de sécurité doit se rendre à Haïti cette semaine, au cœur d’une crise profonde portant sur la capacité de la mission de l’ONU à stabiliser la situation. Cette visite est censée « souligner l’engagement de la communauté internationale pour une stabilisation et un développement à long terme », ainsi qu’à évaluer les besoins du pays en matière de sécurité, de développement et d’aide humanitaire.
« Le Conseil de Sécurité devrait encourager le gouvernement à prendre des mesures urgentes pour mettre fin au climat d’insécurité et au chaos qui règne à Haïti », affirme Mariner. « Les membres du Conseil de Sécurité doivent également s’assurer que la mission de l’ONU dispose de tout le support nécessaire pour aider le gouvernement dans l’accomplissement de cette tache ardue. »
Human Rights Watch invite fortement la délégation du Conseil de Sécurité à pousser le gouvernement intérimaire à prendre des mesures immédiates, assisté activement par la MINUSTAH, afin de protéger la population de cette violence endémique. Ces mesures doivent notamment étendre le programme de désarmement et de démobilisation à tous les groupes armés, ainsi que renforcer la présence des forces de sécurité dans les régions les plus sensibles du pays. Le Conseil doit aussi encourager les autorités haïtiennes à entreprendre des investigations sur l’ensemble des actes de violence commis et, si nécessaire, à solliciter l’assistance de la police civile de l’ONU dans le cadre des enquêtes criminelles.