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Alison Des Forges, l'une des meilleures spécialistes de la région, analyse la nouvelle crise entre les deux pays, et souligne les risques de propagation des violences ethniques.

La présence dans l'est de la RDC des Interahamwe, les anciens miliciens hutus responsables du génocide de 1994 au Rwanda, sert-elle de prétexte à l'armée rwandaise pour attaquer ?
En réalité, le Rwanda cherche visiblement à garder son influence prépondérante sur une région vitale pour son économie et pour sa sécurité. Les miliciens Interahamwe sont estimés entre 8.000 et 10.000 hommes, parmi lesquels figurent de nombreux jeunes combattants qui n'ont pas pris part au génocide de 1994. Or face à eux, l'armée rwandaise est l'une des mieux équipées et l'une des mieux disciplinées du continent. Par ailleurs, un responsable de l'armée rwandaise l'a récemment réaffirmé: les Interahamwe n'ont pas mené d'opération d'envergure depuis 2001... Et les événements actuels vont plutôt les inciter à ne pas participer au processus de désarmement volontaire supervisé par l'Onu.

L'Onu dispose de troupes au Congo. Comment jugez-vous sa réaction?
Elle cherche visiblement à ne pas entrer en conflit ouvert avec Kigali, car elle sait pertinemment qu'elle n'est pas en position de force. Ses forces, au nombre de 11.000 sur l'ensemble de la RDC, sont moins bien équipées et moins bien formées. Le Conseil de sécurité a récemment donné son feu vert pour le déploiement de près de 6.000 Casques bleus supplémentaires dans l'est de la RDC, mais ils ne sont pas encore tous sur place.

Que peut faire la communauté internationale pour enrayer la violence?
Il faut faire pression sur Kigali, agiter la menace de suspension de l'aide internationale et dire fermement qu'on récuse les motifs de son intervention. Mais aussi faire preuve de plus de sérieux sur le processus de désarmement des miliciens hutus installés au Congo. Pour ce faire, Paris (qui soutient le pouvoir de Kinshasa, ndlr), Londres et Washington (alliés de Kigali, ndlr) doivent créer un front diplomatique uni, tout en prenant soin d'associer à leur démarche des pays africains influents, tels l'Afrique du Sud ou le Nigeria. Il y a urgence. A terme, les populations identifiées par les autres Congolais comme «rwandais» risquent de subir des représailles. Et les violences ethniques peuvent se propager très rapidement au Burundi voisin.

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