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(Abuja, le 22 juillet 2008) - Pas un seul membre de la police nigériane n'a été inculpé pour les dizaines de massacres qui ont eu lieu durant les émeutes "Miss Monde" à Kaduna en novembre dernier, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.

Le rapport de 32 pages, "The 'Miss World Riots': Continued Impunity for Killings in Kaduna," fournit des témoignages détaillés sur la manière dont les soldats et la police ont tué des gens de sang froid entre le 21 et le 23 novembre, pendant une opération destinée à restaurer l'ordre.

Un des cas les plus sérieux qui soit décrit dans le rapport est l'exécution, le 22 novembre, de huit hommes par un groupe de policiers et de militaires, mené par un membre d'une force de défense locale. Des témoins ont raconté à Human Rights Watch comment les auteurs ont choisi leurs victimes une à une, les ont attachées ensemble, les ont amenées à un dépôt d'ordures le long de la rivière et les ont abattues.

Des conflits entre musulmans et chrétiens ont fait irruption en novembre 2002 dans la ville de Kaduna, au Nord, suite à la controverse qui entourait le concours de beauté Miss monde. Certains musulmans ont considéré un article dans le journal ThisDay comme étant blasphématoire. Des jeunes musulmans ont commencé à attaquer des chrétiens, les chrétiens ont riposté, et endéans trois jours, environ 250 personnes ont été tuées.

" Le gouvernement nigérian n'a traduit personne en justice pour ces effroyables tueries," a déclaré Peter Takirambudde, directeur exécutif de la Division Afrique de Human Rights Watch. " Ce manque de réplique entraîne de sérieuses questions à propos de l'engagement du gouvernement à protéger la vie des nigérians ordinaires."

Non seulement les forces de sécurité ne sont pas intervenues aux premiers signes de violence, mais une fois déployées, elles ont contribué de manière significative à la violence en tuant et en blessant des personnes qui ne menaçaient pas l'ordre.

Pour des raisons encore inconnues, aucun ordre ne fut donné pour déployer les unités militaires spéciales de " force d'attaque " qui avaient été stationnées à Kaduna depuis 2000 avec l'objectif précis de prévenir de telles confrontations.

Face aux émeutiers, la police et les soldats déployés n'ont pas fréquemment tenté d'arrêter les criminels suspects, préférant les tuer sur place. Parmi les victimes, on pouvait compter des enfants.

Dans plusieurs cas, les forces de sécurité ont aveuglement tiré sur des personnes. Un homme qui tentait de rentrer dans sa maison dans la région de Nasarawa a été tué par un soldat sans avertissement préalable. Selon des témoins, le soldat lui a tiré une balle dans la poitrine, par l'avant, puis s'est éloigné. La victime n'était pas armée.

La police a exécuté plusieurs autres personnes, dans certains cas forçant l'accès à l'intérieur de maisons. A plusieurs occasions les témoins disent avoir identifié les auteurs.

En réponse à des plaintes de résidents locaux, la police dit avoir entamé des enquêtes dans certains des cas. Cependant, la police a ont été arrêtés, puis relâchés quelques jours plus tard et postés ailleurs. Human Rights Watch n'a connaissance d'aucun cas où des poursuites formelles ont été engagées.

Le rapport de Human Rights Watch décrit aussi des attaques bien organisées par des jeunes musulmans et des chrétiens durant ces trois jours de violence. Les jeunes des deux confessions ont choisi et attaqué leurs victimes en se basant sur des critères purement religieux. En plus d'avoir tués plusieurs personnes, ils ont détruit de nombreux bâtiments, dont des mosquées, des églises, des écoles et des maisons.

"Tout comme les forces de sécurité, les personnes qui ont organisé et perpétré les émeutes n'ont pas été traduits en justice, " a déclaré Takirambudde. Environ 350 personnes ont été arrêtées en rapport avec les émeutes, mais la plupart ont été relâchées après une courte période. Personne n'a été inculpé ou jugé pour l'organisation de la violence.

Le rapport de Human Rights Watch a conclu que le conflit à Kaduna était plus politique que religieux et découlait de conflits irrésolus entre différents groupes ethniques et politiques. Il fait le lien entre les émeutes de 2002 et la confrontation entre musulmans et chrétiens à Kaduna en 2000, au cours de laquelle plus de 2000 personnes ont été tuées suite à des désaccords concernant l'introduction de la Sharia (loi islamique).

" L'affaire Miss monde était un déclencheur ", a déclaré Takirambudde. " Tôt ou tard, la violence aurait à nouveau fait irruption à Kaduna parce que le gouvernement n'a jamais résolu les tensions latentes qui ont causé la perte de tant de vie humaines en 2000."

Le rapport fait une série de recommandations au gouvernement nigérian, parmi lesquelles :

  • Enquêter et traduire en justice ceux qui sont responsables des massacres de novembre 2002 à Kaduna, y compris ceux qui ont planifié les violences intercommunautaires et les membres de la force de sécurité nigériane.
  • Suspendre immédiatement de leurs fonctions les membres individuels de la police et de l'armée suspectés d'avoir commis des massacres, en attendant une enquête et des poursuites judiciaires.
  • Donner des instructions claires à la police et aux militaires stipulant que des opérations de maintien de l'ordre ne constituent jamais une justification pour des meurtres extrajudiciaires, et que tout les efforts doivent être faits afin d'arrêter les criminels suspects sans employer des moyens mortels.
  • Intensifier les efforts afin de prévenir la violence intercommunautaire, ceci inclut soutenir des initiatives de base pour promouvoir le dialogue entre musulmans et chrétiens, et faire un effort concerté pour écouter les plaintes des communautés locales.

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