Une décision de justice imminente menace l'avenir de la plus ancienne organisation de défense des droits de l'Homme indépendante du monde arabe, selon un rapport publié aujourd'hui par Human Rights Watch et l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme (programme conjoint de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme - FIDH - et de l'Organisation Mondiale contre la Torture - OMCT).
Ce rapport intitulé " La Ligue tunisienne face à ses juges : tous les défenseurs des droits de l'Homme sont visés " accuse le gouvernement tunisien de mener une vaste campagne contre les critiques qui lui sont adressées en matière de respect des droits de l'Homme. Citons entre autres mesures de harcèlement les lourdes interventions de police empêchant les ONG de défense des droits de l'Homme de se réunir, les agressions physiques de défenseurs des droits de l'Homme - hommes ou femmes -, les retraits de passeport, et les coupures de téléphone.
Human Rights Watch et l'Observatoire appellent les gouvernements de la France et de tous les Etats membres de l'Union européenne à dépêcher des observateurs dans le cadre du procès intenté contre la Ligue lors de l'audience en appel prévue le 30 avril, et à faire pression sur le gouvernement tunisien pour qu'il cesse de harceler les défenseurs des droits de l'Homme.
" Les méthodes du gouvernement tunisien sont maladroites et grossières ", a déclaré Hanny Megally, directeur de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient et le Maghreb. " Il faut que tous les Etats disent clairement que cette répression est inacceptable. "
La Ligue, créée il y a vingt-quatre ans, a élu un nouveau comité directeur particulièrement dynamique en octobre dernier. Les nouveaux dirigeants n'ont pas tardé à subir des attaques des responsables du parti au pouvoir, puis se sont vus intenter un procès. Bien que cette action en justice, menée par quatre membres de la Ligue, soit d'ordre privé, elle constitue une arme facile entre les mains des autorités contre le nouveau comité directeur de la Ligue.
La police a fait preuve d'un zèle et d'un empressement tout particulier pour exécuter la décision en référé du tribunal contre le comité directeur, l'expulsant du siège de la Ligue et empêchant les membres de la Ligue de se réunir depuis lors. La Cour a également remplacé le comité directeur par un administrateur temporaire et a ensuite déclaré nulles les dernières élections au sein de la Ligue. C'est cette dernière décision qui fait l'objet de l'appel qui sera examiné le lundi 30 avril devant la Cour d'appel de Tunis.
L'élection d'un organe directeur plus déterminé au sein de la Ligue des Droits de l'Homme reflète l'insoumission croissante de la société civile devant les efforts des autorités pour la museler. Cette tendance ne se manifeste pas uniquement à la LTDH, mais aussi au Conseil National pour les Libertés en Tunisie (CNLT), une organisation de défense des droits de l'Homme créée il y a deux ans qui poursuit son travail de dénonciation des violations, bien que les autorités lui refusent toute reconnaissance légale. Le renvoi en prison de Me Nejib Hosni, l'un des fondateurs du CNLT et défenseur des droits de l'Homme renommé, sur des chefs d'accusation fallacieux, constitue une violation particulièrement flagrante des droits de l'Homme.
Récemment la France a publiquement critiqué la Tunisie pour ses violations des droits de l'Homme, et elle a renforcé sa présence diplomatique lors des procès politiques. Human Rights Watch et l'Observatoire appellent la France à continuer de recourir à ce type de moyens et à se prévaloir de sa position au sein de l'Union Européenne sur les sujets relatifs au Maghreb, pour obtenir des progrès sur le terrain des droits de l'Homme.