Skip to main content

Human Rights Watch applaudit le verdict atteint par le tribunal dans une affaire de viol, au Rwanda

La décision du Tribunal établit un précédent important, les violences sexuelles étant pour la première fois reconnues comme des crimes de guerre.

(New York) - Une page d'histoire a été écrite hier, lorsque le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (Tribunal Rwandais) a reconnu Jean-Paul Akayesu, ancien maire, coupable de neuf crimes s'inscrivant dans le cadre de génocide, de crime contre l'humanité et de crimes de guerre. Ce verdict est le premier à avoir été rendu par le Tribunal Rwandais; c'est également le premier verdict de culpabilité rendu par un tribunal international dans un cas de génocide. Pour la première fois, un tribunal international punit un individu coupable d'avoir commis des violences sexuelles dans le cadre d'un conflit civil. Enfin, également pour la première fois, le viol est reconnu comme un acte génocidaire perpétré dans le but de détruire un groupe de personnes.

"Le viol est un crime de guerre dont la gravité n'est en rien inférieure aux autres crimes de guerre," a déclaré Regan Ralph, directeur exécutif de la Division Droits des Femmes de Human Rights Watch. "Cela a toujours été reconnu sur papier, et les tribunaux internationaux se sont finalement mis à en tenir compte dans la réalité."

Le Tribunal Rwandais avait, au début, fait preuve d'une certaine réticence à l'idée d'inculper Akayesu de viol. Lorsqu'en 1996, il était mis en examen pour la première fois, les douze chefs d'accusation n'incluaient pas les violences sexuelles, malgré les nombreuses informations faisant état de viols à grande échelle, surtout dans sa région, qu'avaient pu recueillir HRW et d'autres groupes de défense des droits de l'homme. Il semble que cette omission ait été due à la fois à un manque de volonté politique dans le chef des autorités en charge du tribunal et aux techniques d'enquête défectueuses mises en oeuvre par les départements du Tribunal Pénal International responsables des enquêtes et des procédures d'inculpation.

Pendant le génocide rwandais, des milliers de femmes furent violées par des militiens et soldats hutus membres des anciennes Forces Armées Rwandaises. Des femmes tutsies firent l'objet de viols individuels et collectifs, de viols commis avec des objets tels que des batons pointus ou des canons de fusils; d'autres furent maintenues en situation d'esclavage sexuel ou sexuellement mutilées. Ces crimes étaient généralement commis dans le cadre d'une véritable stratégie et avaient lieu après qu'elles aient eu à assister à la torture et l'assassinat de leurs proches, et la destruction ou le pillage de leurs domiciles.

Sous la pression de groupes rwandais et internationaux de défense des droits de l'homme, le Bureau du procureur décidait finalement, en juin 1997, d'ajouter aux chefs d'accusation déjà établis celui de violences sexuelles. Lors du procès, des femmes rwandaises ont témoigné et affirmé qu'elles avaient été soumises à des viols collectifs répétés, commis par des militiens dans et aux alentours de la mairie, parfois même en présence d'Akayesu. Certaines d'entre elles ont également affirmé avoir assisté au viol collectif et à l'assassinat d'autres femmes, alors qu'Akayesu était présent, et l'avoir entendu dire aux violeurs "Ne venez pas vous plaindre maintenant de ne pas savoir quel goût a une femme tutsie."

Le droit pénal international a toujours contenu des dispositions relatives aux crimes de violences sexuelles: le viol est un acte qui va à l'encontre des Conventions de Genève de 1949, de la Convention sur le crime de génocide de 1948; de la Convention contre la torture de 1948, et un crime contre l'humanité reconnu par la Charte de Nuremberg. Après la seconde guerre mondiale, le Tribunal Militaire International de Nuremberg stipulait que le viol était un crime contre l'humanité, mais ne poursuivait pas les individus qui s'en étaient rendus coupables. Le Tribunal Militaire pour l'Extrême-Orient (Tribunal de Tokyo) condamnait lui des officiers japonais reconnus coupables de viol.

Malgré ces différents précédents, la notion de viol a pendant longtemps été caractérisée de manière incorrecte et considérée par les responsables militaires et politiques comme un crime privé, un acte ignoble commis par quelques rares soldats. Pire encore, le viol a été accepté précisément parce qu'il s'agissait d'un crime commis relativement couramment. Une série d'attitudes discriminatoires profondément enracinées ont contribué à ce que les crimes commis à l'encontre de femmes aient été considérés pendant longtemps comme secondaires ou d'une gravité moindre que d'autres crimes.

Depuis 1990, cependant, les choses ont évolué. Les Tribunaux internationaux pour l'ex-Yougolsavie et le Rwanda ont inculpé divers individus de viol. Le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie a ainsi poursuivi dans 27 affaires distinctes des personnes dont les chefs d'inculpation incluaient celui de viol et de violences sexuelles. Des 27 individus inculpés, quinze sont toujours recherchés, six ont été appréhendés, deux sont morts, trois ont vu le Tribunal abandonner les poursuites les concernant et un a été condamné pour d'autres crimes. Le Tribunal rwandais a lui poursuivi, dans deux affaires, des invidus inculpés de violences sexuelles (l'une de ces affaires étant celle d'Akayesu) et a, dans un autre cas, poursuivi un individu accusé d'avoir recouru à des violences sexuelles afin d'assassiner plusieurs femmes. En juillet de cette année, le traité établissant un Tribunal Pénal International permanent était rédigé, le texte reconnaissant nommément les crimes liés à des violences sexuelles comme faisant partie de ceux que le Tribnal serait habilité à poursuivre.

Human Rights Watch appelle avec insistance le Tribunal rwandais à inculper d'autres individus du crime de violences sexuelles. Des centaines de milliers de femmes ont été violées pendant le génocide rwandais de 1994. Le Tribunal doit davantage intégrer cette notion dans ses stratégies d'enquête et d'inculpation, et améliorer également la qualité des programmes de protection des témoins, afin de permettre aux femmes concernées de témoigner sans avoir à craindre de représailles.

"La victoire d'aujourd'hui n'a pas été acquise facilement," a déclaré Regan Ralph, "et la tâche qui attend les tribunaux internationaux est énorme. Des milliers de femmes attendent encore que justice leur soit rendue."

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.

Région/Pays