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« Il sait que je n'ai nulle part où aller »

« Khadija » : Témoignage d’une survivante de la violence domestique au Maroc

Les autorités marocaines échouent souvent à empêcher la violence conjugale et familiale, à protéger les victimes, et à punir les agresseurs. Nous, Human Rights Watch, demandons à la Ministre marocaine de la Femme d’adopter des lois fortes à même de protéger efficacement les victimes de violences domestiques. Pour cela, nous avons besoin de votre aide. Mais d’abord, lisez l’histoire de Khadija.

Khadija (pseudonyme), 23 ans, s’est mariée en 2011 et a vécu avec son mari à Oujda. Au moment de l’entretien, elle avait un fils de 7 mois, et était enceinte.

Elle a expliqué que son mari avait commencé à la battre dès le début de leur mariage, y compris pendant et après sa grossesse. Il l’a frappée sur la tête avec le manche d’un couteau, lui a donné des coups de poing dans la figure, et l’a menacée de lui taillader le visage. « Il sait que je n’ai nulle part où aller », a-t-elle confié. « J’avais des hématomes sur tout le corps. »

Khadija a déclaré qu’elle s’était rendue au poste de police d’Oujda à de nombreuses reprises, mais que les policiers ne menaient pas d’enquête, et lui disaient d’aller au tribunal. « J’y suis allée un soir, le nez en sang, a-t-elle déclaré. Ils m’ont dit : va-t’en, on ne peut rien faire pour toi. Vas au tribunal demain". Khadija s’est rendue au tribunal à plusieurs reprises, mais le procureur n’a pas engagé de procédure pénale, et s’est contenté de la renvoyer à la police, avec un document intimant l’ordre d’ouvrir une enquête. À chaque fois que Khadija se présentait au poste de police avec le document du procureur, les policiers téléphonaient à son mari pour le convoquer. Mais il ne répondait pas aux convocations, et la police ne poussait pas l’enquête plus loin.

La police n’a arrêté son mari qu’une seule fois, en 2014, après qu’il lui eut cassé le nez alors qu’elle était enceinte. Un médecin lui avait délivré un certificat médical préconisant un repos de 21 jours de repos en raison de ses blessures. Khadija a montré le certificat médical au procureur, qui lui a remis une injonction à présenter à la police. Elle l’a fait, et la police a arrêté son mari. Mais avant que l’affaire ne puisse suivre son cours, Khadija a retiré sa plainte car elle était enceinte de sept mois, et s’inquiétait de ce qui pourrait lui arriver s’il était jugé. Le bureau du procureur n’a pas intenté de poursuites.

Khadija a déclaré que son mari avait continué à la battre. Elle l’a quitté en août 2015, et est partie vivre dans un refuge. Elle veut le divorce, mais craint de ne pas avoir d’autre choix que de retourner vivre avec son mari. Elle ne peut pas rester au refuge plus de deux mois et n’a nulle part d’autre où aller. « Même si j’obtiens le divorce, a-t-elle déclaré, je n'ai nulle part où aller. Je sens que je dois retourner vivre avec lui, mais je sais qu'il va me battre. »

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Human Rights Watch s’est entretenu avec « Khadija », ainsi qu’avec 19 autres femmes et filles au Maroc en septembre 2015. Sa situation est un exemple des violences domestiques subies par les femmes dans ce pays, et de la faible réactivité du gouvernement face à ce problème.

Human Rights Watch a constaté que souvent, les autorités marocaines échouent à empêcher les violences domestiques, protéger les victimes, et punir les agresseurs. Les victimes ont confié que rares étaient les endroits où elles pouvaient se réfugier. Gérés par des organisations non gouvernementales, les refuges ouverts aux victimes de violence domestique sont peu nombreux, et disposent de maigres ressources et d’une faible capacité d’accueil. Seuls quelques-uns bénéficient de financements gouvernementaux, et selon les membres du personnel de l’un de ceux-là interrogés par HRW en Septembre 2015, ces financements ne suffisaient même pas à couvrir les frais d’alimentation.

Les victimes de violences domestiques comme Khadija méritent beaucoup plus de la part de leur gouvernement. Le Maroc devrait renforcer et adopter des lois en vue d’améliorer la protection pour les victimes de violences domestiques, y compris en leur fournissant un meilleur accès aux refuges, ainsi que d’autres formes d’assistance financière. Human Rights Watch a écrit au gouvernement marocain—et notamment à Bassima Hakkaoui, ministre de la Femme et de la Famille—afin de demander un renforcement du projet de loi sur les violences faites aux femmes, ainsi que des réformes du code pénal et des procédures pénales.

Voici les mesures les plus importantes que nous recommandons :

  • Définition et champ d'application des crimes de violence domestique : Les projets de loi devraient définir clairement la notion de « violence domestique », et pénaliser le viol conjugal. Conformément aux normes de l’ONU, la définition devrait inclure les ex-épouses et les personnes ayant une relation intime non matrimoniale.
  • Mesures préventives : Les projets de loi devraient prévoir des mesures de prévention de la violence domestique—notamment des activités de sensibilisation, des modules dans les programmes d’enseignement, ainsi que des actions de sensibilisation des médias aux violences faites aux femmes.
  • Responsabilités des forces de l’ordre et du parquet : Les projets de loi devraient spécifier les obligations de la police et des procureurs dans les cas de violence domestique. Ces projets de loi devraient exiger que la police et les procureurs se concertent et communiquent directement, au lieu de demander aux plaignantes de transmettre des messages entre ces services.
  • Responsabilités du système judiciaire : Les projets de loi devraient spécifier que le témoignage d’une plaignante pour violences domestiques peut, dans certaines circonstances, être une preuve suffisante pour une inculpation, sans autres témoins.
  • Ordonnances de protection : Les projets de loi devraient prévoir spécifiquement des ordonnances de protection, d’urgence et de longue durée. En application de ces ordonnances, il serait interdit aux agresseurs de s’approcher des victimes de leurs violences, sous peine d’encourir la force de la loi. Le droit marocain actuel ne prévoit pas de telles ordonnances.  
  • Autres services et assistance pour les victimes : Les projets de loi devraient prévoir le soutien et la prestation de services aux victimes de violences domestiques. Parmi ces services : des lieux de refuge, des soins physiques et psychologiques, des conseils juridiques, et des lignes d’appels gratuites. Le gouvernement devrait affecter un fond spécial, ou tout autre type d’assistance financière, aux survivantes de violences domestiques.

Pour plus d’informations, notamment la liste détaillée de nos recommandations au gouvernement marocain, veuillez lire ce communiqué : Maroc : Faible réponse face au problème de la violence domestique

Vous voulez aider Khadija, et toutes les victimes de violences domestiques au Maroc ? Utilisez le hashtag الحقاوي-عطيني-حقي# pour demander à Bassima Hakkaoui, Ministre des Femmes, de renforcer le projet de loi sur les violences faites aux femmes :

Mme Hakkaoui, défendez les femmes du #Maroc par 1 loi forte contre la violence conjugale https://www.hrw.org/fr/news/2016/02/15/maroc-faible-reponse-face-au-probleme-de-la-violence-domestique @MSFFDS الحقاوي_عطيني_حقي#

1. Copiez le paragraphe suivant en utilisant [Control C] ou [Command C]
 Mme Hakkaoui, les Marocaines ont besoin de vous ! Protégez-les contre la violence conjugale et familiale et punissez les agresseurs, en adoptant une loi forte contre la violence domestique au #Maroc https://www.hrw.org/fr/news/2016/02/15/maroc-faible-reponse-face-au-probleme-de-la-violence-domestique 
 2. Collez-le, en utilisant [Control V] ou [Command V], en tant que commentaire sous n’importe quel post de la page Facebook du ministère marocain de la Femme 
 
 

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