(Johannesburg) – La police angolaise a fait un usage excessif de la force et procédé à des arrestations arbitraires lors de la dispersion de manifestants pacifiques à Luanda, la capitale, le 12 juillet, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La police a tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc de manière injustifiée et a agressé des manifestants, blessant plusieurs personnes. Les policiers ont également arrêté 17 manifestants, dont certains n'ont été libérés qu'après une intervention judiciaire.
Le gouvernement devrait enquêter rapidement et impartialement sur le recours à la force et sur les arrestations, et sanctionner ou poursuivre les responsables, quel que soit leur rang.
« Les Angolais devraient pouvoir manifester pacifiquement contre des politiques gouvernementales sans subir un recours excessif à la force ni d'autres violations de leurs droits fondamentaux », a déclaré Ashwanee Budoo-Scholtz, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait ouvrir une enquête impartiale sur ces abus et demander des comptes aux responsables. »
Des centaines de personnes ont participé à la manifestation, qui a débuté dans le quartier de São Paulo à Luanda et devait se terminer au Largo 1º de Maio, une place d’une grande importance symbolique dans le centre-ville. Des mouvements de jeunesse et des organisations de la société civile avaient appelé à manifester, suite à la décision du gouvernement d'augmenter le prix du carburant et de supprimer les subventions aux transports publics, sans aucune consultation publique préalable.
« La manifestation… était un moyen légitime d'exprimer notre mécontentement face à la décision du gouvernement angolais de mettre en œuvre des politiques antisociales », a déclaré Simão Afonso, un avocat qui a contribué à obtenir l'autorisation de la manifestation, et a ensuite fourni une assistance juridique aux détenus. « La réaction répressive de la police nationale est profondément regrettable. … L'État ne remplit pas ses obligations légales à l’égard des garanties fondamentales des droits et des libertés des citoyens. »
Le 12 juillet, le porte-parole du commandement général de la police angolaise a affirmé dans une déclaration aux médias que l'intervention de la police lors de la marche « visait à maintenir l'ordre et la tranquillité publics, les manifestants n'ayant pas suivi le parcours [autorisé] ».
Cependant, Aidilson Manuel, activiste et porte-parole de la manifestation, a déclaré que l'organisation de cet événement était conforme aux exigences gouvernementales : « Le 10 juillet, nous avons adressé une lettre au gouvernement provincial de Luanda pour l'informer de la manifestation. Nous avons également transmis la même lettre au commandement de la police provinciale, qui nous a contactés pour discuter du trajet. La police a suggéré un itinéraire différent de celui que nous avions proposé. L'approbation officielle est arrivée le 11 juillet vers 16 heures, c’était une réponse favorable. »
Malgré l'autorisation officielle, la police a dispersé les manifestants en tirant des gaz lacrymogènes et à coups de matraques dès que le groupe s'est approché du Largo 1º de Maio. « Sans aucun avertissement préalable, la répression a commencé brutalement », a déclaré Aidilson Manuel.
Aidilson Manuel a ajouté que quatre personnes avaient été grièvement blessées : « Une personne a été touchée directement au visage par une grenade lacrymogène, provoquant une profonde coupure nécessitant une intervention chirurgicale. Une autre a subi une grave blessure à la bouche et a dû être soignée d'urgence. Deux autres manifestants ont subi des fractures et des blessures graves après avoir été agressés par des policiers. »
Le porte-parole de la police a déclaré que deux personnes avaient été blessées lors de la manifestation. Cependant, les médias ont signalé qu'au moins neuf personnes avaient été blessées.
L'Angola est un État partie à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, ainsi qu’au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; en vertu de ces instruments juridiques, le gouvernement a l’obligation de respecter et de protéger le droit de réunion pacifique et la liberté d'expression.
Les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois, ainsi que les Lignes directrices pour le maintien de l'ordre lors des rassemblements en Afrique, prévoient un recours à la force uniquement en cas de stricte nécessité. Lorsqu'ils recourent à la force, les responsables de l'application des lois doivent faire preuve de retenue et agir proportionnellement à la gravité de l'infraction, et à l'objectif légitime visé.
En 2020, les Nations Unies ont publié des Lignes directrices portant sur l’utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l’application des lois ; selon ce texte, les gaz lacrymogènes ne doivent être utilisés que lorsque cela est nécessaire pour prévenir des violences physiques, et ne doivent pas être employés pour disperser des manifestations non violentes.
Human Rights Watch a précédemment documenté des cas où les forces de sécurité angolaises ont fait un usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques, et ont procédé à des arrestations arbitraires. Les appels lancés par Human Rights Watch et d'autres organisations en faveur de réformes significatives et concrètes des méthodes employées par les forces de sécurité ont abouti à certaines mesures visant un meilleur respect des normes internationales en matière de droits humains. Toutefois, le recours persistant à une force policière excessive lors de manifestations montre que les mesures prises jusqu'à présent sont insuffisantes, a déclaré Human Rights Watch.
« Le recours excessif à la force par la police contre des manifestants pacifiques s'inscrit dans le cadre plus large des problèmes liés aux forces de sécurité en Angola », a observé Ashwanee Budoo-Scholtz. « Le gouvernement devrait adopter et appliquer des réformes globales portant sur le comportement des forces de sécurité, afin de garantir que les policiers respectent la loi et soient tenus responsables lorsqu'ils violent les droits des manifestants. »
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