Les pays limitrophes de la Russie vivent une période d'inquiétude. En particulier ceux qui ont été envahis et occupés par Moscou dans le passé, qui, en voyant aujourd'hui l'invasion de l'Ukraine marquée par des atrocités, craignent légitimement d'être les prochains sur la liste.
Mais la peur peut parfois conduire à de mauvaises décisions.
Ces derniers mois, les gouvernements de cinq pays – l'Estonie, la Finlande, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne – ont tous pris des mesures pour se retirer du traité d'interdiction international des mines antipersonnel. C'est une tendance terrible.
Il s'agit d'armes particulièrement ignobles. Les mines antipersonnel ne font aucune distinction entre un civil et un combattant. Elles explosent quelle que soit la personne qui marche dessus ou qui les ramasse. Et elles peuvent continuer à tuer pendant des décennies, longtemps après la fin d'une guerre.
Les mines antipersonnel tuent et mutilent plus de civils que de soldats. Les civils représentaient 85 % de toutes les victimes de mines enregistrées en 2023. Lorsque l'âge des victimes a été enregistré, les enfants représentaient 37 % des victimes.
On comprend donc pourquoi un traité international contre les mines antipersonnel a été signé par 165 pays.
Cependant, les responsables politiques de cinq pays limitrophes de la Russie affirment aujourd'hui que le retrait du traité d'interdiction des mines est essentiel pour leur sécurité nationale.
Ils n'expliquent jamais clairement en quoi le recours à ces armes interdites permettrait d'améliorer leur sécurité nationale. Leurs arguments sont plutôt émotionnels.
Le mois dernier, par exemple, le vice-Premier ministre et ministre de la Défense polonais, Władysław Kosiniak-Kamysz, a déclaré au Parlement que le retrait du traité sur les mines terrestres était nécessaire « afin de ne pas être liés par un carcan qui nous empêche de défendre notre patrie de toutes nos forces ».
L'argument avancé en Pologne et ailleurs est le suivant : tout est acceptable pour défendre la nation. Cela peut sembler raisonnable. Jusqu'à ce que l'on y réfléchisse un peu.
Si tout est permis, pourquoi pas les armes chimiques et biologiques ? Pourquoi pas les armes nucléaires ? Ou la torture ?
Mais non. Tout n'est pas permis au nom de la défense nationale. Il existe des règles de décence humaine, ainsi que des accords internationaux et des lois coutumières, même en temps de guerre.
Ces pays devraient se ranger du côté des règles, du droit et de la décence.
Certes, certains pays enfreignent les règles relatives aux mines antipersonnel, notamment le Myanmar et la Russie, dont les forces armées ont également commis d'innombrables crimes de guerre et autres atrocités. Aucun pays ne devrait vouloir rejoindre ce club.
Le débat en Estonie, en Finlande, en Lettonie, en Lituanie et en Pologne s'est concentré sur des arguments fallacieux. L'utilisation d'armes largement interdites qui mettraient davantage de civils en danger ne contribuera en rien à la défense de leur pays.
Ce matin, 100 lauréats du prix Nobel, dont l'ancien dissident et président polonais Lech Wałęsa, ont lancé un nouvel appel commun pour protester contre le retrait du traité d'interdiction des mines. Les cinq gouvernements devraient tenir compte de leur appel.