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États-Unis/Panama : Expulsion massive de ressortissants de pays tiers

Ces personnes ont été privées du droit de demander l'asile selon une procédure régulière, et détenues au secret

Un homme et une femme qui souhaitaient demander l’asile aux États-Unis s’étreignaient à Panama City, au Panama, le 8 mars 2025.
Un homme et une femme qui souhaitaient demander l’asile aux États-Unis s’étreignaient à Panama City, au Panama, le 8 mars 2025. En février 2025, ils avaient été expulsés des États-Unis vers le Panama avec de nombreuses autres personnes, puis transférés vers un centre de rétention de migrants dans la région de Darién au Panama. Début mars, les autorités panaméennes leur ont accordé un « permis de séjour humanitaire » provisoire, pour une durée de 30 jours. © 2025 AP Photo/Matias Delacroix
  • Les États-Unis ont procédé à des expulsions massives de 299 ressortissants de pays tiers vers le Panama, les soumettant à des conditions de détention difficiles et à des mauvais traitements, tout en les privant de toute procédure régulière et du droit de demander l'asile.
  • Nombre de ces personnes avaient fui des persécutions en raison de leur origine ethnique, de leur religion, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leurs liens familiaux et de leurs opinions politiques.
  • Les États-Unis devraient traiter les demandes d'asile des personnes arrivant à la frontière américaine et reprendre en charge les personnes expulsées à tort. Le Panama devrait garantir que les personnes présentes sur son territoire puissent accéder à des procédures d'asile complètes et équitables et cesser d'accepter les ressortissants de pays tiers expulsés des États-Unis.

(Washington) – Les États-Unis ont procédé à des expulsions massives de ressortissants de pays tiers vers le Panama entre le 12 et le 15 février 2025, les privant du droit de demander l'asile selon une procédure régulière, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Les États-Unis et le Panama ont détenu ces personnes dans des conditions difficile, et sans possibilité de communication externe.

Le rapport de 40 pages, intitulé « ‘Nobody Cared, Nobody Listened:’ The US Expulsion of Third-Country Nationals to Panama » (« “Personne ne s'en souciait, personne n'écoutait” : Expulsion par les États-Unis de ressortissants de pays tiers vers le Panama »), documente ces expulsions massives. Human Rights Watch décrit les conditions de détention difficiles et les mauvais traitements subis par les migrants aux États-Unis, ainsi que le déni de procédure régulière et du droit de demander l'asile. Le rapport détaille également la détention au secret des migrants au Panama, où dans un premier temps, les autorités ont confisqué leurs téléphones, bloqué les visites et les ont isolés du monde extérieur.

« Les États-Unis ont envoyé des personnes enchaînées vers un pays tiers sans leur donner la chance de demander l'asile », a déclaré Bill Frelick, directeur de la division Droits des réfugiés et des migrants à Human Rights Watch. « Les États-Unis et le Panama ont le devoir de garantir des procédures d'asile équitables : nul ne devrait être renvoyé de force vers un lieu dangereux sans une évaluation complète et équitable de sa demande d'asile. »

Human Rights Watch a pu mener des entretiens privés avec 48 des 299 ressortissants de pays tiers (c’est-à-dire des personnes qui ne sont citoyennes ni des États-Unis ni du Panama), expulsées des États-Unis vers le Panama. Ces 48 personnes – 15 hommes, 32 femmes et un enfant – sont originaires de divers pays : l’Afghanistan, l'Angola, le Cameroun, la Chine, l'Érythrée, l'Éthiopie, l'Iran, le Népal, l’Ouzbékistan, le Pakistan, la Russie, la Somalie et le Sri Lanka.

Les personnes expulsées vers le Panama avaient toutes traversé la frontière américaine depuis le Mexique après l'investiture du président Donald Trump, le 20 janvier 2025. Nombre d'entre elles avaient fui des persécutions liées à leur origine ethnique, leur religion, leur genre, leur orientation sexuelle, leurs liens familiaux et leurs opinions politiques.

Le jour de son investiture, le président Trump a évoqué une « invasion » à la frontière américano-mexicaine et a interdit aux personnes en situation irrégulière de demander l'asile ; la législation américaine accorde pourtant aux personnes se trouvant à la frontière ou sur le territoire des États-Unis, quel que soit leur statut, le droit de demander l'asile, a rappelé Human Rights Watch.

Une Iranienne de 27 ans a fui son pays après s'être convertie au christianisme, craignant d'être arrêtée et persécutée par les autorités. Les convertis exposés à de graves violations des droits humains en Iran, et peuvent même y être condamnés à mort. Elle a confié à Human Rights Watch avoir demandé l'asile à plusieurs reprises une fois arrivée aux États-Unis : « Je ne comprenais pas pourquoi ils ne m'écoutaient pas. Puis un agent de l'immigration m'a dit que le président Trump avait mis fin à l'asile et qu'ils allaient donc nous expulser. »

Toutes les personnes interrogées par Human Rights Watch avaient l'intention de demander l'asile aux États-Unis, et nombre d'entre elles avaient déployé de grands efforts pour faire part aux autorités américaines de leur souhait de demander l'asile et de leur crainte d'être renvoyées dans leur pays d'origine. Cependant, aucune d'entre elles n'a été interrogée sur les raisons de leur départ, ni interrogée sur leur crainte réelle de retourner dans leur pays d'origine.

« Je ne suis peut-être pas une immigrante légale, mais les États-Unis ont un système juridique ; pourtant je ne l'ai pas vu », a déclaré une femme ayant fui la Chine. « Personne ne m'a rien dit. Ils ne m'ont pas laissée parler. » Elle a expliqué avoir fui la Chine parce qu'elle ressentait « la peur et la souffrance », en raison du « contrôle gouvernemental sur tous les aspects de la vie ».

Le gouvernement américain a détenu ces personnes dans de dures conditions. Elles étaient souvent enfermées dans des pièces très froides, empêchées de contacter leur famille et leurs avocats ; les agents leur mentaient ou ne leur disaient pas ce qui leur arrivait, notamment lorsqu'elles étaient menottées et enchaînées, et emmenées de force dans des avions militaires à destination du Panama.

Une Afghane de 21 ans ayant fui un mariage forcé était détenue depuis dix jours aux États-Unis lorsqu'un matin, des policiers sont arrivés, ont lu à voix haute les noms de plusieurs personnes et les ont fait s'aligner. « Quand ils m'ont appelée ce matin-là, j'étais tellement heureuse, car je pensais qu'ils allaient nous libérer », a-t-elle déclaré. Mais à l’inverse, ces personnes ont été embarquées dans des avions militaires américains. Elles ignoraient où elles étaient transportées. Elles ne se sont rendu compte qu'elles étaient au Panama qu'après l'atterrissage.

Au Panama, les autorités ont placé ces personnes en détention sans possibilité de communication externe, d'abord dans un hôtel du centre-ville de Panama, puis dans un « centre d'accueil » des services d’immigration dans la province de Darién, à la frontière avec la Colombie. Les autorités ont confisqué leurs téléphones, les ont empêchées de recevoir des visites et ont déployé d'autres efforts pour les empêcher de contacter le monde extérieur.

Ces personnes ont été libérées début mars, lorsque les autorités panaméennes leur ont délivré des « permis [de séjour] humanitaires » d’une durée initiale de 30 jours, renouvelables jusqu'à 90 jours. Les autorités panaméennes leur ont conseillé de profiter de ce délai pour quitter le pays, soit en retournant dans leur pays d'origine, soit en se rendant dans un autre pays. En avril, les autorités panaméennes ont prolongé ces permis d’une durée de 60 jours supplémentaires.


Sur les 299 personnes expulsées, 180 ont ensuite été renvoyées dans leur pays d'origine dans le cadre du programme « retour volontaire avec assistance » (« assisted voluntary return ») de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Cependant, leurs conditions de détention et les options limitées qui leur ont été offertes laissent planer de sérieux doutes sur l’aspect « volontaire » de ces retours.

Un homme gay russe âgé de 28 ans, qui a fui les persécutions liées à son orientation sexuelle, a déclaré s'être entretenu à plusieurs reprises avec des responsables de l'OIM. « Je leur ai dit que je serais certainement arrêté si je revenais… Mais l'OIM s'est contentée de me dire : “Vous n'avez pas d'autre choix que de rentrer dans votre pays…” Ils ont continué à ignorer ce que je leur disais. »

Les États-Unis devraient cesser d'expulser ou de transférer des personnes étrangères vers des pays tiers. Ils devraient autoriser les personnes expulsées illégalement à revenir aux Etats-Unis et à demander l'asile, conformément aux obligations internationales du pays. De manière encore plus importante, les États-Unis devraient cesser de violer le principe de non-refoulement – ​​c'est-à-dire ne pas renvoyer des personnes vers un pays où elles risquent d'être exposées à des dangers – en traitant les demandes d'asile à leurs propres frontières, plutôt que de déléguer cette responsabilité à des pays dont la capacité d'évaluer les demandes ou d'offrir une protection est limitée.

Le Panama devrait cesser d'accepter que les États-Unis y transfèrent des ressortissants de pays tiers. Si de tels transferts reprennent, ils ne devraient avoir lieu que dans le cadre d'un accord formel garantissant le strict respect des garanties procédurales et du droit international, notamment l'accès à des procédures d'asile complètes et équitables et le respect du principe de non-refoulement. Le Panama devrait garantir que les personnes déjà arrivées puissent accéder à des procédures d'asile complètes et équitables.

« Malgré l’irrégularité de l'expulsion de ces demandeurs d'asile par les États-Unis, et quelles que soient les futures mesures qui pourraient être prises pour remédier aux mauvais traitements qu'ils ont déjà subis aux mains du gouvernement américain, le Panama a actuellement la responsabilité de protéger ces personnes », a conclu Bill Frelick. « Le premier pas devrait être un examen exhaustif et équitable de leurs demandes d'asile. »

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