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Australie : De nombreux enfants aborigènes retirés de leurs familles

L'État d'Australie-Occidentale ne fournit pas un soutien adéquat aux familles concernées

(Sydney) – Les autorités chargées de la protection de l'enfance en Australie-Occidentale retirent de manière disproportionnée des enfants aborigènes à leurs familles afin de les placer dans des foyers d'accueil, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Près de deux décennies après que le gouvernement australien a présenté des excuses aux Premières Nations pour avoir séparé de force des enfants de leurs familles, cette pratique perdure.

Le rapport de 86 pages, intitulé « “All I Know Is I Want Them Home”: Disproportionate Removal of Aboriginal Children from Families in Western Australia » (« “Je voudrais juste qu'ils rentrent à la maison” : Retrait disproportionné d'enfants aborigènes de leurs familles en Australie-Occidentale »), décrit comment les autorités de l'État d'Australie-Occidentale ont rapidement retiré des enfants à des mères aborigènes fuyant la violence domestique et à des parents aborigènes sans logement adéquat, au lieu de fournir des services appropriés pour lutter contre la violence domestique et le sans-abrisme. Parmi tous les États et territoires australiens, l’Australie-Occidentale présente le plus haut taux de surreprésentation des enfants aborigènes placés dans des foyers d'accueil, ce taux étant 20 fois supérieur a celui concernant les enfants non autochtones.

« En Australie-Occidentale, les services de protection de l'enfance retirent des enfants aborigènes de leurs familles avec une fréquence choquante, en raison d'un système qui privilégie la surveillance de ces familles au lieu du soutien dont elles ont besoin », a déclaré Annabel Hennessy, chercheuse sur l’Australie auprès de Human Rights Watch. « Séparer les enfants de leurs familles leur inflige un traumatisme durable, et ne devrait être envisagé qu'en dernier recours. »

Human Rights Watch et une organisation non gouvernementale basée en Australie-Occidentale, le Projet national de prévention du suicide et de rétablissement des traumatismes (National Suicide Prevention and Trauma Recovery ProjectNSPTRP) ont mené des entretiens avec 54 personnes de plusieurs générations : des parents et des grands-parents d’enfants que le Département des Communautés de l’Australie-Occidentale a placés dans des foyers d’accueil, des enfants actuellement placés dans de tels foyers, et de jeunes adultes ayant grandi dans ces foyers. Human Rights Watch a adressé au Département des Communautés un courrier comprenant des questions au sujet des constatations de son rapport, n'a pas reçu de réponse à ce jour.

La prise en charge par ce Département d’un enfant peut impliquer son placement auprès d’autres proches, auprès d’une famille d'accueil, ou dans l’une des institutions généralement gérées par des travailleurs sociaux.

Le Département des Communautés de l’Australie-Occidentale, qui est responsable de ce type de décision, enquête sur des familles et retire les enfants lorsqu'il soupçonne un préjudice ou un risque de préjudice pour l’enfant.

Le nombre d'enfants aborigènes placés dans un foyer d’accueil en Australie-Occidentale a fortement augmenté au cours des deux dernières décennies. En 2003, 570 enfants aborigènes étaient placés dans des foyers d’accueil, soit 35 % des cas dans cet État. En 2023, 3 068 enfants aborigènes, soit 59 % des cas, ont été placés dans des foyers d’accueil.

Les familles interrogées ont cité la violence domestique comme motif le plus souvent invoqué par le Département des Communautés pour justifier le retrait de leurs enfants. Cette explication concorde avec les données publiées par ce Département. Cependant, Human Rights Watch a constaté que le gouvernement ne fournit pas suffisamment de logements aux victimes de violences domestiques.

Certaines femmes ont expliqué craindre une approche de « culpabilisation des victimes » (« victim-blaming ») de la part des agents du Département des Communautés. Plusieurs femmes ont déclaré être restées dans des relations abusives par crainte que cette agence ne leur retire leurs enfants si elles demandaient de l'aide. Certaines femmes évitaient même de consulter un médecin après des incidents de violence domestique, par crainte de perdre leurs enfants.

Certains documents décrivant les politiques officielles sur la négligence familiale semblaient assimiler le manque de logement adéquat – un symptôme de pauvreté – à de la négligence, a déclaré Human Rights Watch.

« Les familles aborigènes sont confrontées à des difficultés de logement, et pourtant, un foyer sûr – l'un des besoins les plus fondamentaux pour l'épanouissement d'un enfant – leur est refusé », a déclaré Marianne Headland Mackay, membre de la communauté aborigène Noongar et coordinatrice de l’organisation NSPTRP. « Au lieu d'apporter un soutien aux familles en difficulté, le gouvernement a recours au retrait des enfants, causant encore plus de dommages et aggravant les blessures au sein de nos communautés. »

Le gouvernement d'Australie-Occidentale n’a pas remédié aux préjudices causés aux « Générations volées ». Durant une période qui a duré jusqu'aux années 1970, les responsables gouvernementaux ciblaient intentionnellement des enfants aborigènes pour les retirer de leurs familles, dans le cadre de politiques racistes visant à « intégrer » les Aborigènes à la population blanche. En Australie-Occidentale, les survivants de ces « Générations volées » n'ont jamais obtenu réparation. De nombreuses familles ont déclaré être des descendants de survivants de ces « Générations volées ». Une grand-mère a révélé que sa famille avait subi six générations de retraits d'enfants.

Malgré le taux particulièrement élevé de surreprésentation des enfants aborigènes dans son système de protection de l'enfance, l’Australie-Occidentale est l’État australien qui consacre le moins de fonds aux programmes de soutien aux familles. Cet État consacre moins de 5 % de son budget de protection de l'enfance à ces programmes, un taux nettement inférieur à la moyenne nationale de 15 %.

Si l'objectif déclaré du système de protection de l'enfance est de protéger les enfants contre des dangers, ces derniers peuvent être victimes de maltraitance dans le cadre du placement hors du foyer familial. Dans plusieurs cas documentés, des enfants ont subi des violences sexuelles, physiques et psychologiques dans ce nouveau cadre.

Le gouvernement d'Australie-Occidentale devrait veiller à ce que les familles bénéficient d'un soutien adéquat dès le plus jeune âge, y compris d'une représentation juridique. Il devrait garantir que les Premières Nations puissent jouer un rôle central dans les décisions relatives aux politiques de protection de l'enfance. Le gouvernement de cet État devrait nommer un commissaire chargé d'ouvrir des enquêtes, et de recevoir et de statuer sur les plaintes individuelles concernant des enfants aborigènes placés hors du foyer familial.

« Le gouvernement d'Australie-Occidentale devrait mettre fin d’urgence aux politiques punitives et inefficaces menant au retrait d’enfants aborigènes de leurs familles et de leurs communautés », a conclu Annabel Hennessy. « Une refonte complète du système est requise depuis longtemps, et devrait commencer par la création d'un nouveau commissaire d'État pour les enfants et les jeunes aborigènes, doté du pouvoir d'enquêter sur les plaintes relatives au placement d’enfants hors du foyer familial. »

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