Ces dernières semaines ont été profondément préoccupantes et troublantes pour ceux qui se soucient de l'avenir des droits humains, de la démocratie et de l'État de droit en Europe. Mais ce qui est déjà clair, c'est que les gouvernements européens, y compris au Royaume-Uni, doivent mieux prendre soin de leurs propres institutions démocratiques et de l'État de droit.
Depuis le discours prononcé par le vice-président américain à Munich sur la menace la plus importante pour l'Europe venant de l'intérieur, le soutien des États-Unis à la Russie à l'ONU concernant son invasion totale de l'Ukraine, et la réunion au bureau ovale entre les présidents américain et ukrainien, il règne actuellement une grande incertitude sur ce que la position du nouveau gouvernement américain signifie pour la sécurité et l'avenir de l'Europe.
Les débats portent principalement sur l'augmentation des dépenses de défense et la coopération paneuropéenne en matière de sécurité, la lutte contre la désinformation et la protection contre les ingérences malveillantes dans les élections. Quels que soient les mérites de ces démarches, elles ne suffiront pas à préserver l'avenir de l'Europe si ses gouvernements et ses institutions ne sont pas déterminés à défendre de manière significative ses valeurs communes sur son propre territoire.
Des institutions telles que le Conseil de l'Europe - qui abrite la Cour européenne des droits de l'homme et le traité sur les droits de l'homme - ont été fondées en parallèle de l'ONU au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et des ravages subis par l'Europe. Elles ont été conçues pour protéger et défendre ces valeurs communes, notamment les droits humains, et ainsi servir de rempart contre les futurs conflits.
Les droits humains sont essentiels à la santé des démocraties. Ils exigent que l'État agisse de manière à protéger tous les membres de la société et à fournir des recours s'il ne le fait pas. Les libertés qu'ils contiennent, notamment la liberté de pensée, d'expression et d'association, garantissent l'espace nécessaire à un discours qui remet en question le gouvernement. Les droits humains contribuent au bon fonctionnement de la société civile, des médias et des tribunaux indépendants, qui sont des institutions démocratiques essentielles.
Si les dirigeants européens réagissent maintenant à l'expansion des menaces extérieures sans défendre les droits humains et les institutions démocratiques chez eux, ils échoueront. Et l'Europe aura perdu les fondations qui contribuent à nous protéger tous.
Les dirigeants politiques de l'UE et du Royaume-Uni ont récemment semblé prêts à mettre de côté les droits humains universels, à critiquer les tribunaux, à saper les manifestations et la société civile ou à s'immiscer dans les médias pour des raisons d'opportunisme politique. Et certains gouvernements, notamment celui de Hongrie, ont vidé la démocratie de sa substance, avec des conséquences néfastes pour les droits humains à l'intérieur et à l'extérieur du pays.
D'autres partis au pouvoir en Europe, qui se disent toujours attachés à une démocratie ouverte, semblent tentés de suivre l'exemple du gouvernement hongrois du Fidesz.
Le 24 février, le parti menant les négociations pour former le prochain gouvernement allemand a demandé au Parlement une enquête sur les organisations de la société civile qui critiquent les partis politiques, ce qui a renforcé les inquiétudes existantes concernant les restrictions imposées aux manifestations pacifiques et à l'activisme dans le pays. En France, une loi a restreint la liberté d'association et risque de limiter la capacité d'action des organisations critiques envers l'État.
En Grèce, le parti au pouvoir exerce des pressions et des ingérences sur les médias. En Pologne, des militants risquent la prison pour avoir aidé des migrants confrontés à la mort et à des blessures à la frontière avec le Bélarus. Et au Royaume-Uni, en raison du durcissement des restrictions sur les manifestations, des militants écologistes ont été emprisonnés pour avoir manifesté pacifiquement.
Une véritable défense de l'Europe et de ses valeurs fondamentales doit renforcer, et non affaiblir, les contrôles du pouvoir exécutif : les tribunaux, la société civile, les médias et le pouvoir législatif. Elle doit tenir pour responsables les gouvernements et les institutions qui faillissent à leurs devoirs. Idéalement, cela devrait se faire par le biais des législatures nationales et des tribunaux, et si nécessaire par le biais d'organismes régionaux et internationaux, notamment le Conseil de l'Europe, les organismes des Nations unies et, dans le cas des États de l'UE, les institutions de l'Union européenne.
Le respect du droit international n'est pas une faiblesse en ces temps difficiles. C'est un engagement envers des valeurs communes et l'État de droit.
Les gouvernements européens doivent également rejeter les voix, à l'intérieur et à l'extérieur de l'Europe, qui chercheraient à diviser les sociétés et les communautés ou à suggérer que certaines personnes méritent plus de droits que d'autres. Ne pas le faire crée un espace pour la normalisation de la haine et la marginalisation des minorités en politique, et l'histoire montre que cela peut mener à la tyrannie.
Nous assistons à des débats sur les migrations qui ignorent ou occultent les êtres humains qui subissent les conséquences des discriminations, de la marginalisation et des abus de la part de l'État. Un véritable leadership européen signifie défendre les droits de tous, indépendamment de leur identité et de leurs origines.
Un engagement rhétorique en faveur des droits et de l'État de droit ne servira pas à grand-chose si les gouvernements ne le traduisent pas en actes responsables ou s'ils l'appliquent de manière incohérente. Les électeurs chez eux s'en rendront compte et les États hostiles à l'étranger l'exploiteront comme preuve que l'Europe est une proie facile et que ses valeurs tant vantées sont vides de sens.
La défense de la démocratie en Europe commence chez soi avec les droits humains et l'État de droit.