(Beyrouth) – Les forces houthies ont attaqué plusieurs habitations civiles et d’autres infrastructures civiles au Yémen entre le 5 et le 12 janvier 2025, alors qu’elles recherchaient des hommes armés, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Les attaques menées à Hankat al-Massoud, un village du gouvernorat d’al-Bayda situé dans le nord du Yémen, qui est sous le contrôle des Houthis, ont tué plusieurs personnes et en ont blessé des dizaines d’autres. Les forces houthies ont également arrêté des centaines d’habitants de ce petit village ; de nombreuses personnes sont toujours détenues, sans avoir été inculpées. Ces attaques menées par les Houthis pourraient constituer des crimes de guerre.
« Les Houthis ont affiché peu de volonté à limiter le tort qu’ils causent aux civils yéménites », a déclaré Niku Jafarnia, chercheuse sur le Yémen et Bahreïn à Human Rights Watch. « Les attaques répétées menées par les Houthis contre les civils dans des zones sous leur contrôle devraient faire l’objet d’une enquête indépendante, et la communauté internationale devrait prendre des mesures plus sérieuses pour garantir la reddition de comptes et renforcer la protection des civils yéménites. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec quatre personnes, dont un proche de l’une des victimes et deux défenseurs des droits humains qui suivent la situation. Les chercheurs ont vérifié des vidéos et des photos publiées sur Facebook, X (ex-Twitter) et YouTube, et ont analysé des images satellite à haute et basse résolution.
L’opération militaire a été menée pour rechercher des hommes armés qui, selon le ministère de l’Intérieur houthi, avaient attaqué une patrouille des forces de sécurité et un autre poste de contrôle dans le gouvernorat d’al-Bayda, tuant et blessant des soldats.
Les personnes interrogées ont déclaré que les Houthis ont utilisé des drones, des véhicules blindés, des roquettes, ainsi que des armes légères et de petit calibre, pour attaquer des civils et des biens civils. Human Rights Watch a pu vérifier visuellement l’utilisation d’armes légères et de petit calibre par les Houthis lors des attaques.
Mohammed, dont le nom de famille n’est pas divulgué pour des raisons de sécurité, a déclaré que son oncle, qu’il a décrit comme un civil, a été tué chez lui lors d’une attaque. « Ils ont emporté son corps et ont refusé de nous le rendre », a-t-il déclaré. Il connaissait cinq autres personnes qui ont également été tuées lors des attaques. Human Rights Watch n’a pas été en mesure de vérifier les informations sur leur décès. Selon SAM for Human Rights, une organisation yéménite de défense des droits humains, 15 personnes ont été tuées lors des attaques.
Mohammed a ajouté avoir été informé par des membres de sa famille et des amis habitant dans la région que « les forces houthies ont pillé des maisons de personnes, emportant de grandes quantités d’argent et d’or, et des armes personnelles ».
Un militant des droits humains de la région a déclaré avoir recueilli des informations auprès des habitants, selon lesquelles les Houthis avaient détruit des maisons civiles et attaqué des civils dans le village. Il a déclaré que des dizaines de familles avaient été déplacées en raison des attaques. SAM for Human Rights a documenté la destruction de 10 maisons, l’incendie d’une mosquée et d’une école religieuse, ainsi que le pillage et la détention arbitraire de centaines de civils.
Human Rights Watch a géolocalisé une vidéo publiée sur X le 11 janvier, montrant des dizaines d’hommes et une camionnette se déplaçant vers l’est sur la route qui sort du village. La personne qui enregistre la vidéo dit que les Houthis fuient le village. On peut entendre des coups de feu au loin.
Les chercheurs ont également vérifié des vidéos et des photos publiées en ligne qui montrent des hommes en tenue de camouflage, et armés de fusils, en train de mettre le feu à un bâtiment de deux étages. Les chercheurs ont analysé des images satellite haute résolution prises le 18 janvier au-dessus de Hankat al-Massoud, montrant des traces de brûlure sur le toit du bâtiment. Un deuxième bâtiment à environ 220 mètres au sud-est de cet immeuble présente aussi des signes de dommages importants.
L’organisation SAM for Human Rights et les personnes interrogées par Human Rights Watch ont déclaré que les Houthis ont imposé au village un siège de quatre jours ; durant cette période, ils n’ont pas autorisé l’entrée de nourriture ou de médicaments dans la zone. Depuis le 5 janvier, les Houthis ont également coupé et restreint par intermittence l’accès à Internet et aux télécommunications dans la zone.
Les Houthis contrôlent le ministère des Télécommunications et des Technologies de l’information à Sanaa, et ont fréquemment coupé ou restreint les services de télécommunications dans les zones sous leur contrôle lors de manifestations ou d’autres événements. Le blocage et les restrictions imposés par les Houthis sur Internet et les télécommunications ont entravé la capacité des organisations de défense des droits humains à recueillir des informations sur les violations en cours auprès des résidents.
L’activiste a déclaré qu’il était difficile d’obtenir les noms des personnes blessées et tuées en raison de la coupure des télécommunications. Il a ajouté que même lorsque le black-out n’était pas en vigueur, il était difficile d’obtenir des informations car les gens étaient souvent trop effrayés pour parler au téléphone de ce qui se passait dans la région.
Le 15 janvier, le ministère de l’Intérieur houthi a annoncé dans un communiqué que « la campagne de sécurité dans la région de Hanka al-Masoud du district d’al-Quraishyah a réussi à débarrasser la zone des éléments criminels de l’EI [État islamique] qui s’y étaient rassemblés… la campagne de sécurité a abouti à l’arrestation de dizaines d’éléments criminels de l’EI et à la mort de plusieurs autres ». Human Rights Watch, cependant, n’a trouvé aucune preuve que les personnes tuées, blessées ou arrêtées étaient des membres de l’État islamique, ou que des combattants de l’EI étaient présents dans le village.
Les attaques délibérées contre des civils et des infrastructures civiles sont des crimes de guerre.
Tout au long du conflit qui dure depuis plus de neuf ans au Yémen, les Houthis ont systématiquement attaqué des civils et des infrastructures civiles. Le 19 mars 2024, par exemple, les forces houthies ont employé des explosifs pour démolir une maison à Rada’a, dans le gouvernorat d’al-Bayda, tuant neuf civils – tous membres d’une même famille, dont des enfants – et en blessant au moins sept autres. Cette attaque a aussi gravement endommagé cinq autres maisons à proximité.
Les Houthis ont par la suite reconnu que leurs forces avaient commis l’attaque du 19 mars 2024 de manière abusive. Le porte-parole du ministère de l’Intérieur a décrit cette attaque comme une « réaction irresponsable impliquant un usage excessif et illégal de la force ». Abdulmalik al-Houthi, le chef des Houthis, a exprimé ses condoléances dans un discours télévisé, et a demandé aux autorités compétentes d’enquêter et d’accorder réparation aux familles touchées, ce qu’elles ont finalement fait, selon deux personnes qui en ont parlé à Human Rights Watch.
En 2021, Human Rights Watch a documenté des attaques indiscriminées menées par les Houthis – des tirs d’artillerie et de missiles balistiques – contre des zones peuplées du gouvernorat de Marib au Yémen, qui ont fait des victimes civiles, dont des femmes et des enfants, et provoqué une nouvelle vague de déplacements de populations civiles.
« Les Houthis ont montré à maintes reprises qu’ils étaient prêts à tuer et détenir arbitrairement des Yéménites vivant dans les zones qu’ils contrôlent », a déclaré Niku Jafarnia. « Les discours et les excuses ne compenseront jamais la perte de vies civiles, et les Houthis devraient immédiatement mettre fin aux attaques contre les civils, libérer ceux qui sont détenus arbitrairement, lever le black-out médiatique imposé à al-Bayda, et indemniser les familles des victimes. »
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