(Beyrouth) – Plus d’un millier de frappes israéliennes menées au Liban ont déjà tué des centaines de personnes et en blessé des milliers d’autres depuis le 23 septembre, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui ; ces attaques exposent les civils de tout le pays à de grave risques.
Les Nations Unies devraient diligenter d’urgence, avec le soutien des États membres de l’ONU, une enquête internationale sur les récentes hostilités au Liban et dans le nord d’Israël ; cette enquête devrait rapidement débuter, afin de recueillir des informations, tirer des conclusions sur les violations du droit international et formuler des recommandations pour que les auteurs de telles violations en soient tenus responsables.
« L’armée israélienne a tué des centaines de personnes au Liban en une seule journée ; des milliers de personnes ont été blessées et contraintes de fuir leurs foyers, et des centaines de maisons, d’entreprises et de fermes ont été détruites », a déclaré Lama Fakih, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Il est essentiel qu’Israël et le Hezbollah respectent les lois de la guerre, afin de minimiser les dommages causés aux civils. »
Le 24 septembre, l’armée israélienne a déclaré avoir mené plus de 1 600 frappes contre des cibles du Hezbollah au Liban. Le même jour, le ministère libanais de la Santé a déclaré que les attaques avaient tué 558 personnes, dont 50 enfants et 94 femmes, et blessé plus de 1 835 personnes, tout en endommageant « des hôpitaux, des centres médicaux et des ambulances ». Des dizaines de milliers de personnes ont été déplacées par les frappes, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
Depuis le 22 septembre, le Hezbollah a lancé plus de 200 roquettes sur des villes du nord d’Israël, blessant 6 personnes, selon les médias. Le 22 septembre, le Hezbollah a déclaré avoir ciblé une base militaire israélienne et le siège d’une entreprise de fabrication d’armes, mais une roquette aurait frappé un quartier résidentiel près de Haïfa, et un fragment d’une roquette interceptée a atterri à Nazareth, dans le nord d’Israël.
Les 17 et 18 septembre, des milliers de bipeurs et de talkies-walkies ont explosé à travers le Liban, tuant au moins 37 personnes, selon le ministère libanais de la Santé, dont des enfants et des travailleurs médicaux. Des responsables américains et d’autres ont déclaré qu’Israël était responsable de ces attaques, bien que l’armée israélienne n’ait fait aucun commentaire à ce sujet. L’utilisation d’armes de ce type de dispositifs de communication semble violer l’interdiction des pièges prévue par le Protocole sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des mines, pièges et autres dispositifs de 1996.
L’utilisation d’un engin explosif dont l’emplacement exact ne peut être connu de manière fiable constituerait une attaque illégale et indiscriminée, qui ne pourrait pas être dirigée contre une cible militaire spécifique et qui, par conséquent, frapperait des cibles militaires et des civils sans distinction.
Le 23 septembre, le porte-parole de l’armée israélienne a recommandé « aux civils des villages libanais situés à l'intérieur ou à proximité de bâtiments et de zones utilisés par le Hezbollah à des fins militaires […] de se mettre immédiatement à l'abri pour leur propre sécurité ». Selon les médias, des dizaines de milliers de personnes à travers le Liban ont reçu des appels avec des messages préenregistrés en arabe, sur l’urgence d’évacuer leurs bâtiments. Selon Reuters, des habitants du sud du Liban auraient reçu des appels leur enjoignant de s’éloigner des bases du Hezbollah, à une distance d’au moins un kilomètre. Dans un tweet publié sur son compte X, le porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne a demandé aux habitants de la région de la Bekaa au Liban de faire de même « dans les deux heures ».
Plus tard dans la journée du 23 septembre, le Liban a enregistré son plus grand nombre de morts dans une journée, depuis la guerre civile de 1975-1990.
Human Rights Watch a examiné les données de détection d’incendie enregistrées par le Fire Information for Resource Management System (FIRMS) le 23 septembre, qui montrent une augmentation substantielle des anomalies thermiques dans les gouvernorats du sud du Liban et de Nabatieh par rapport aux données collectées le 22 septembre. Certaines de ces anomalies thermiques ont été détectées le long ou à proximité des routes.
Le droit international humanitaire, qui rassemble les lois de la guerre, exige que les parties à un conflit prennent constamment soin, lors des opérations militaires, d’épargner la population civile ; il s’agit notamment de prendre « toutes les précautions pratiquement possibles » pour éviter ou minimiser les « pertes en vies humaines » parmi les civils, ou d’autres dommages « qui pourraient être causés incidemment ». Ces précautions comprennent l’obligation de vérifier que les cibles de l’attaque sont des objectifs militaires et non des civils ou des biens civils, de donner un « avertissement en temps utile et par des moyens efficaces » lorsque les circonstances le permettent, et de s’abstenir d’attaques violant le principe de proportionnalité, selon lequel les pertes civiles ou les dommages aux civils ne doivent pas être « excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu ».
Les avertissements qui ne donnent pas aux civils suffisamment de temps pour partir vers une zone plus sûre sont susceptibles de ne pas être considérés comme « efficaces » au regard du droit international. De même, des avertissements vaguement formulés qui ne portent pas d’une manière précise sur une attaque imminente ne peuvent pas être considérés comme « efficaces », et peuvent au contraire susciter indûment la peur au sein de la population recevant de tels avertissements.
Le droit international coutumier interdit « les actes ou menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile ». Des déclarations qui appellent à évacuer des zones qui visent principalement à provoquer la panique parmi les résidents ou à les contraindre à quitter leur domicile pour des raisons autres que leur sécurité relèveraient de cette interdiction.
Les civils qui n’évacuent pas les lieux après avoir reçu un avertissement restent entièrement protégés par le droit international humanitaire. Le déplacement forcé est interdit par les lois de la guerre, sauf dans les cas « où la sécurité des civils ou des impératifs militaires l’exigent ». En outre, certains civils ne sont pas en mesure de tenir compte d’un ordre d’évacuation, que ce soit pour des raisons de santé, de handicap, de peur ou de manque d’endroit sûr où aller.
En avril 2024, le Conseil des ministres du Liban avait demandé au ministère des Affaires étrangères de déposer une déclaration auprès du greffier de la Cour pénale internationale (CPI), reconnaissant la compétence de la Cour sur les crimes graves commis sur le territoire libanais depuis le 7 octobre 2023. Toutefois, fin mai, le gouvernement a annulé cette décision. Une telle déclaration reconnaissant la compétence de la CPI permettrait conférerait à son Procureur un mandat pour enquêter sur les crimes graves commis au Liban, quelle que soit la nationalité des suspects.
Human Rights Watch a appelé les principaux alliés d’Israël à suspendre l’assistance militaire et les ventes d’armes à Israël, compte tenu du risque réel qu’elles soient utilisées pour commettre de graves abus.
Communiqué complet : en ligne en anglais.
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