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Yémen : L'attaque israélienne contre Hodeidah était un possible crime de guerre

La frappe menée par Israël contre ce port en juillet, en guise de représailles, menace l’accès des Yéménites à la nourriture, à l’électricité et à l’aide humanitaire

Des flammes jaillissaient de réservoirs de pétrole incendiées, peu après une frappe israélienne menée contre le port de Hodeidah, au Yémen, le 20 juillet 2024. © 2024 AP Photo

(Beyrouth, le 19 août 2024) – Les frappes aériennes menées par Israël contre le port de Hodeidah au Yémen, dans la soirée du 20 juillet 2024, ont constitué une attaque apparemment illégale, menée de manière indiscriminée ou disproportionnée contre des civils, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui ; cette attaque risque d’avoir un impact à long terme sur des millions de Yéménites qui dépendent de ce port pour la réception de nourriture et d’aide humanitaire.

Les frappes israéliennes ont eu lieu au lendemain d’une attaque menée par les forces houthies avec un drone contre un quartier résidentiel de Tel-Aviv ; cette frappe, susceptible de constituer également un crime de guerre, a tué un civil et blessé quatre autres personnes. Les frappes aériennes israéliennes contre le port de Hodeidah, situé dans le nord-ouest du Yémen, ont tué au moins six civils et auraient blessé au moins 80 autres civils ; elles ont touché plus d’une vingtaine de réservoirs de stockage de pétrole et deux grues à conteneurs, ainsi qu’une centrale électrique dans le quartier de Salif à Hodeidah. Ces attaques semblent avoir causé des dommages disproportionnés aux civils et aux biens civils. Les violations graves des lois de la guerre commises délibérément, c’est-à-dire de manière intentionnelle ou imprudente, constituent des crimes de guerre.

« Les frappes israéliennes contre Hodeidah, menées en réponse à l’attaque des Houthis contre Tel-Aviv, risquent d’avoir un impact durable sur la vie de millions de Yéménites dans les territoires contrôlés par les Houthis », a déclaré Niku Jafarnia, chercheuse sur le Yémen et Bahreïn à Human Rights Watch. « Les Yéménites souffrent déjà d’une faim généralisée après une décennie de conflit. Cette attaque ne fera qu’exacerber leurs souffrances. »

Human Rights Watch a mené des entretiens avec 11 personnes au sujet de l’attaque contre Hodeidah, dont un responsable houthi de l’industrie pétrolière du Yémen et quatre employés des Nations Unies ayant une bonne connaissance du port. Human Rights Watch a également analysé des images satellite des lieux ciblés, ainsi que des photos de fragments d’armes, possiblement utilisées lors des frappes et collectées par l’organisation non gouvernementale yéménite Mwatana for Human Rights. Human Rights Watch a transmis ses conclusions préliminaires aux autorités israéliennes et aux autorités houthies, respectivement le 31 juillet et le 7 août, mais n’a reçu aucune réponse à ce jour.

Les frappes israéliennes contre Hodeidah ont tué six employés de la Yemen Petroleum Company (compagnie pétrolière yéménite) : Ahmed Abdullah Musa Jilan, Salah Abdullah Muqbil al-Sarari, Abdul Bari Muhammad Yusuf Ezzi, Nabil Nasher Abdo Abdullah, Abu Bakr Hussein Abdullah Faqih et Idris Dawood Hassan Ahmed.  La veille, l’attaque de drone houthi contre Tel-Aviv a tué Yevgeny Ferder, 50 ans, dans un immeuble résidentiel.

Un porte-parole des Forces de défense israéliennes, Daniel Hagari, a déclaré que le drone houthi était un véhicule aérien sans pilote (unmanned aerial vehicle, UAV) de type « Samad-3 », de fabrication iranienne. Les capacités de guidage et de ciblage du Samad-3 sont peu claires, et l’on ignore quelle était la cible précise des Houthis ; il est donc difficile de déterminer si la frappe a atteint sa cible prévue. Les Houthis n’ont pas indiqué qu’ils avaient visé une cible militaire, mais un porte-parole a déclaré que leur drone avait frappé une « cible importante » ; c’était peut-être une allusion à la proximité d’un bureau de l’Ambassade américaine, dans ce quartier de Tel-Aviv.

L’attaque des Houthis, qui a nui à des civils et à des biens civils de manière délibérée ou indiscriminée, pourrait constituer un crime de guerre. Ces derniers mois, les Houthis ont tiré sans discernement de nombreux missiles sur les villes portuaires d’Eilat et de Haïfa, en Israël.

Human Rights Watch a constaté que les forces israéliennes ont endommagé ou détruit au moins 29 des 41 réservoirs de stockage de pétrole du port de Hodeidah, ainsi que les deux seules grues utilisées pour charger et décharger les fournitures transportées par des navires. Les frappes aériennes ont également détruit des réservoirs de pétrole reliés à la centrale électrique de Hodeidah, provoquant l’arrêt de cette centrale pendant 12 heures.

Un débris de munition que l’ONG Mwatana for Human Rights a récupéré sur le site comportait la marque d’une entreprise américaine, l'équipementier aéronautique Woodward, ; il semble s’agir d’un fragment d’une bombe GBU-39, fabriquée par la société américaine Boeing. La bombe GBU-39, connue sous le nom de « bombe de petit diamètre » (Small-Diameter Bomb, SDB), est une munition guidée qui est larguée par avion.

Human Rights Watch a également écrit à Woodward et Boeing le 14 août, mais n’a pas reçu de réponse à ce jour.

Le port de Hodeidah est essentiel pour l’acheminement de nourriture et d’autres produits de première nécessité à la population yéménite, qui dépend des importations. Environ 70 % des importations commerciales du Yémen et 80 % de son aide humanitaire transitent par ce port, que le représentant du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Auke Lootsma, a décrit comme étant « absolument crucial pour les activités commerciales et humanitaires ». Selon Rosemary DiCarlo, Sous-secrétaire générale du Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix de l’ONU, le port de Hodeidah est une « bouée de sauvetage pour des millions de personnes », et devrait donc rester constamment « ouvert et opérationnel ».

En vertu de la résolution 2534 (2020) du Conseil de sécurité de l'ONU, la Mission des Nations Unies pour l'appui à l'accord sur Hodeidah est chargée de surveiller la ville et le port de Hodeidah pour s'assurer qu'aucun personnel ou matériel militaire n'est présent. Un responsable d'une agence de l'ONU qui surveille le port a déclaré que l'agence n'avait jamais trouvé de preuve d'une présence militaire houthie dans le port. Il a déclaré qu'une autre agence de l'ONU qui inspecte les navires avant leur entrée dans le port n'avait trouvé aucune arme. Deux responsables de l'ONU qui opèrent à Hodeidah ont noté que les autorités houthies donnent une approbation préalable aux représentants de l’ONU et les accompagnent, lors des inspections.

Les lois de la guerre interdisent les attaques délibérées, indiscriminées ou disproportionnées contre des civils et des biens civils. Une attaque qui ne vise pas un objectif militaire spécifique est aveugle. Une attaque est disproportionnée si les pertes civiles attendues sont excessives par rapport au gain militaire attendu de l’attaque. Lorsqu’ils sont utilisés par une force armée ou un groupe armé non étatique, les installations portuaires, les réservoirs de stockage de pétrole et les centrales électriques peuvent être des objectifs militaires valables.

Les alliés d’Israël, y compris les États-Unis et le Royaume-Uni, devraient suspendre l’aide militaire et les ventes d’armes à Israël tant que ses forces commettent des violations systématiques et généralisées des lois de la guerre, notamment à Gaza et au Liban, en toute impunité. Les gouvernements qui continuent de fournir des armes au gouvernement israélien risquent d’être complices de crimes de guerre.

Le Groupe d’experts des Nations Unies sur le Yémen a précédemment conclu que l’Iran fournissait probablement des armes aux Houthis. L’Iran devrait cesser de livrer des missiles aux Houthis, tant que ces derniers continueront de les utiliser dans des attaques illégales.

Communiqué complet en anglais : en ligne ici.

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