(Lusaka, 13 mars 2024) – Le gouvernement zambien retarde la prise d’urgentes mesures requises pour nettoyer la grave contamination au plomb dans la ville de Kabwe, a déclaré aujourd’hui l’Alliance pour Kabwe sans plomb (Alliance for Lead-Free Kabwe), une coalition d’organisations zambiennes et internationales de la société civile.
Le gouvernement devrait élaborer une proposition technique afin d’entreprendre, avec le soutien des agences donatrices et des entreprises responsables de la pollution, un nettoyage complet de l'ancienne mine de Kabwe, l'un des sites les plus pollués au plomb dans le monde.
« Il est inconcevable que 30 ans après la fermeture de la mine, des enfants de Kabwe souffrent encore du saturnisme et de graves conséquences sur leur santé qui risquent de durer toute leur vie », a déclaré Juliane Kippenberg, directrice adjointe de la division Droits des enfants à Human Rights Watch. « Cette mine toxique devrait être nettoyée immédiatement pour protéger la santé et la vie des enfants. »
Kabwe est l'une des villes les plus polluées dans le monde, en raison de la contamination provenant d’une ancienne mine de plomb et de zinc établie pendant la période coloniale britannique. La mine a été fermée en 1994, mais des déchets toxiques subsistent. La poussière de plomb émanant de ses vastes décharges non couvertes continue de se répandre dans des zones résidentielles voisines, exposant près de 200 000 personnes à des niveaux élevés de plomb toxique. Cette situation est aggravée par les activités minières à petite échelle et informelles sur l’ancien site minier.
En mars 2022, le président Hakainde Hichilema avait demandé au ministère de l'Économie verte et de l'environnement de créer un comité technique chargé d’« élaborer et diriger un processus d'assainissement complet » à Kabwe. Cependant, après une première réunion informelle en juin 2022, le comité technique n’a toujours pas été formellement créé. En 2023, le ministère a exprimé son intention de faire de Kabwe une « ville verte », dont le développement économique se déroulerait au-dessus des « surfaces de plomb enfouies ». Mais le ministère n’a pas précisé concrètement comment il envisage de transformer cette vision en réalité.
« Nous sommes déçus par l’inaction du gouvernement », a déclaré Namo Chuma, directeur national d’Environment Africa Zambia. « Le gouvernement devrait enfin élaborer un plan concret et un calendrier pour lutter contre les déchets toxiques à Kabwe, tout en consultant la société civile et les communautés affectées. »
Le plomb est un métal toxique, sans niveau d’exposition qui soit sans risque. L’exposition au plomb peut provoquer un retard de la croissance, des difficultés d'apprentissage, une perte de mémoire, des retards de développement et de nombreux autres effets irréversibles sur la santé. Elle peut également provoquer le coma et la mort. Les enfants et les femmes enceintes sont particulièrement exposés. L'Organisation mondiale de la santé répertorie le plomb « parmi les 10 produits chimiques gravement préoccupants pour la santé publique ». Selon des recherches médicales, plus de 95 % des enfants vivant à proximité de l’ancienne mine de Kabwe ont des taux de plomb élevés dans le sang, et la moitié d’entre eux nécessiteraient une intervention médicale urgente.
En 2020, des avocats d’Afrique du Sud et du Royaume-Uni ont déposé un recours collectif devant un tribunal sud-africain, au nom des enfants et des femmes en âge de procréer vivant à Kabwe. Ce recours collectif demandait une indemnisation, un système de dépistage du plomb pour les enfants et les femmes enceintes, ainsi que l'assainissement de la zone. La plainte indiquait que la mine de Kabwe avait été exploitée et gérée par la société Anglo American entre 1925 et 1974 ; cependant, cette société affirme n’avoir ni détenu ou exploité la mine, mais plutôt qu’elle y fournissait des « services techniques ».
En décembre 2023, la Haute Cour sud-africaine a refusé d’instruire cette affaire, qualifiant le recours de « requête ingérable qui créerait un grave précédent ». Les avocats des plaignants ont annoncé qu'ils feraient appel. En vertu des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, les entreprises ont la responsabilité de fournir des voies de recours lorsqu'elles ont causé des impacts négatifs, ou y ont contribué.
Grâce à un prêt de la Banque mondiale, le gouvernement zambien a entrepris des efforts limités pour lutter contre la contamination à Kabwe. Les autorités ont effectué des examens médicaux et soigné certains enfants, et nettoyé un petit nombre de maisons ainsi qu’un canal très pollué. Mais le gouvernement n'a toujours pas assaini la source de la contamination, ce qui limite la durabilité des mesures déjà prises, et tend à effacer les progrès réalisés.
« Les habitants de Kabwe ont droit à mieux que cela », a déclaré le père Gabriel Mapulanga, directeur de Caritas Zambia. « Une action immédiate est nécessaire pour garantir que les enfants de Kabwe puissent jouir du droit à un environnement sain. »
Organisations signataires, membres de l’Alliance pour Kabwe sans plomb (Alliance for Lead-Free Kabwe)
- Advocacy for Child Justice
- Advocacy for Teen Mothers’ Education and Empowerment
- Caritas Zambia
- Centre for Environmental Justice
- Children’s Alliance Zambia
- Children’s Environmental Health Foundation
- Conservation Advocates Zambia
- Creative Thinkers Consulting
- Environment Africa Zambia
- Environment Savers of Zambia
- Human Rights Watch
- Keepers Zambia Foundation
- Lifeline Childline Zambia
- Media Network on Child Rights and Development
- Paralegal Alliance Network
- Prisoners’ Future Foundation
- Save Environment and People Agency
- Zambian Governance Foundation
- Zambia National Education Coalition
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