Les pays qui ont approuvé la toute première résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies sur les « robots tueurs » devraient promouvoir les négociations sur un nouveau traité international visant à interdire et réglementer ces armes, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les systèmes d’armes autonomes sélectionnent des cibles et exercent la force contre celles-ci en fonction de capteurs plutôt que sur la base d’interventions humaines.
Le 22 décembre 2023, 152 pays ont voté en faveur de la résolution de l’Assemblée générale sur les dangers des systèmes d’armes autonomes, tandis que 4 pays ont voté contre, et 11 pays se sont abstenus. La Résolution 78/241 de l’Assemblée générale reconnaît les « enjeux de taille et les vives inquiétudes que soulève […] l’utilisation de nouvelles applications technologiques dans le domaine militaire, y compris celles liées à l’intelligence artificielle et à l’autonomie des systèmes d’armes ».
« La résolution de l’Assemblée générale sur les systèmes d’armes autonomes souligne l’urgente nécessité pour la communauté internationale de faire face aux dangers que représente la suppression du contrôle humain dans le recours à la force », a prévenu Mary Wareham, directrice du plaidoyer auprès de la division Armes de Human Rights Watch. « Le large soutien dont bénéficie cette résolution démontre que les gouvernements sont prêts à agir et qu’ils devraient négocier dans les meilleurs délais un nouveau traité international. »
Certains systèmes d’armes autonomes existent depuis des années, mais les types, la durée de fonctionnement, la portée géographique et l’environnement dans lesquels ils fonctionnent sont limités. Cependant, les progrès technologiques stimulent le développement de systèmes d’armes autonomes sans contrôle humain significatif, déléguant des décisions de vie ou de mort à des machines, qui détermineraient où, quand ou contre quels adversaires elles seront utilisées, plutôt qu’un opérateur humain.
La résolution demande au Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, de recueillir l’avis des pays et autres parties prenantes sur les moyens de répondre aux défis et aux préoccupations soulevés par les systèmes d’armes autonomes « d’un point de vue humanitaire, juridique, sécuritaire, technologique et éthique », et de refléter ces points de vue dans un rapport présenté à l’Assemblée générale d’ici septembre 2024.
La résolution prévoit également l’inscription d’un point à l’ordre du jour provisoire de l’Assemblée générale des Nations Unies en 2024, intitulé « Systèmes d’armes létaux autonomes », offrant ainsi une plate-forme de discussions aux États qui souhaitent poursuivre leurs actions en vue de répondre à ce problème. L’Assemblée générale est un forum inclusif et accessible auquel tout État membre de l’ONU peut contribuer. Relever le défi des robots tueurs sous ses auspices permettrait de mieux prendre en compte des préoccupations négligées dans les délibérations tenues jusqu’à présent, notamment les perspectives éthiques, le droit international des droits de l’homme, la prolifération et les impacts sur la sécurité mondiale et la stabilité régionale et internationale, y compris le risque d’une course aux armements et l’abaissement du seuil de déclenchement d’un conflit, a relevé Human Rights Watch.
Les pays ayant voté contre la résolution sont la Biélorussie, l’Inde, le Mali, le Niger et la Russie. Les abstentionnistes sont l’Arabie saoudite, la Chine, la Corée du Nord, les Émirats arabes unis l’Iran, Israël, la Syrie et la Turquie. Parmi ces États, la Chine, l’Inde, l’Iran, Israël et la Turquie ont investi massivement dans des applications militaires recourant à l’intelligence artificielle et aux technologies associées pour développer des systèmes d’armes autonomes aériens, terrestres et maritimes.
L’Autriche a présenté le projet de résolution, parrainé par 42 autres États, devant la Commission du désarmement de l’Assemblée générale de l’ONU ; lors d’un vote préliminaire le 1er novembre 2023, ce projet avait été approuvé par 164 voix pour, cinq voix contre et huit abstentions.
Plus de 100 pays considèrent qu’un nouveau traité sur les systèmes d’armes autonomes assorti d’interdictions et de restrictions est nécessaire, urgent et réalisable, et en 2023, de nombreux États et organisations internationales ont réitéré leur soutien à cet objectif.
En février, plus de 30 pays d’Amérique latine et des Caraïbes ont approuvé le Communiqué de Belén, reconnaissant la nécessité de « promouvoir la négociation urgente d’un instrument international juridiquement contraignant, comportant des interdictions et des réglementations concernant l’autonomie des systèmes d’armes ». En septembre, 15 États des Caraïbes ont approuvé une déclaration de la CARICOM sur les impacts humains des armes autonomes lors d’une réunion à Trinité-et-Tobago.
Le 5 octobre, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, et la présidente du Comité international de la Croix-Rouge, Mirjana Spoljaric, ont lancé un appel conjoint aux États membres de l’ONU pour qu’ils négocient un nouveau traité international d’ici 2026 pour interdire et réglementer les systèmes d’armes autonomes.
La plupart des partisans du traité ont appelé à l’interdiction des systèmes autonomes qui, étant donné leur nature, fonctionnent sans contrôle humain significatif ou qui ciblent des personnes, ainsi qu’à des réglementations garantissant que tous les autres systèmes d’armes autonomes ne pourront être utilisés en l’absence de contrôle humain significatif.
Des discussions sur les systèmes d’armes létaux autonomes se sont tenues dans le cadre de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC ) à Genève depuis mai 2014, mais n’ont abouti à aucun résultat substantiel. La principale raison tient au fait que les États parties à cet instrument s’appuient sur une approche consensuelle de la prise de décision, ce qui signifie qu’un seul pays suffit à rejeter une proposition, même si tous les autres l’acceptent. Une poignée de grandes puissances militaires ont exploité cette situation pour bloquer à plusieurs reprises les propositions de négociation d’un instrument juridiquement contraignant.
Le 17 novembre, les États parties à la CCAC ont convenu de se réunir pendant 20 jours au maximum, en 2024 et 2025, pour « examiner et formuler, par consensus, un ensemble d’éléments relatifs à un instrument, sans préjuger de sa nature ». L’accord ne contraint pas les États à négocier et à adopter un nouveau protocole à la CCAC.
« Les mutations technologiques rendent imminent un futur fait de meurtres automatisés qui doit être empêché », a conclu Mary Wareham. « Pour sauvegarder l’humanité, tous les gouvernements devraient soutenir la négociation urgente d’un nouveau traité international interdisant et restreignant les systèmes d’armes autonomes. »
Human Rights Watch a cofondé Stop Killer Robots, la coalition de plus de 250 organisations non gouvernementales réparties dans 70 pays qui œuvre en faveur d’une nouvelle loi internationale sur les systèmes d’armes autonomes.