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Iran : Recours à la force brutale dans la répression de la dissidence

Les autorités devraient libérer les manifestant-e-s pacifiques, mettre fin aux simulacres de procès et enquêter sur les décès et les actes de torture

Des Iraniennes et Iraniens manifestaient à Téhéran le 1er octobre 2022, suite à la mort de Mahsa Amini, une jeune femme iranienne âgée de 22 ans qui est décédée quelques jours après son arrestation par la police des mœurs. © 2022 AP Photo/Images du Moyen-Orient

(Beyrouth) – Les autorités iraniennes ont fait usage d'une force excessive et létale pour réprimer les manifestations ayant éclaté à travers le pays en septembre 2022, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui dans son Rapport mondial 2023. Le gouvernement a emprisonné des centaines d’activistes sur la base d’accusations douteuses, et a prononcé des condamnations à mort dans le cadre de procès manifestement inéquitables.

Le décès de Mahsa (Jina) Amini, une jeune femme kurde de 22 ans originaire de Sanandaj dans l'ouest de l'Iran, survenu le 16 septembre alors qu’elle se trouvait sous la garde de la police des mœurs après avoir été arrêtée pour port d’un hijab « inapproprié », a déclenché des manifestations à travers le pays, notamment dans les écoles et les universités. Human Rights Watch a documenté l’utilisation par les forces de sécurité de fusils de chasse, de fusils d’assaut et d’armes de poing contre des personnes participant à des manifestations largement pacifiques, souvent dans des quartiers densément peuplés. Au 14 novembre, des organisations de défense des droits humains enquêtaient sur les décès signalés d'au moins 341 manifestants, dont 52 enfants.

« Dans un contexte de répression massive, d’élections inéquitables et manifestement de corruption et mauvaise gestion, l'autocratie iranienne ne règne qu’avec un outil : la force brutale », a déclaré Tara Sepehri Far, chercheuse senior sur l'Iran à Human Rights Watch. « D'autres pays, notamment les pays du Sud, devraient augmenter la pression sur ces autorités brutales et veiller à ce que leurs crimes fassent l’objet de reddition de comptes. »

Dans son Rapport mondial 2023, sa 33e édition qui compte 712 pages, Human Rights Watch passe en revue les pratiques en matière de droits dans près de 100 pays. Dans son essai introductif, la directrice exécutive par intérim Tirana Hassan explique que dans un monde où l’équilibre des pouvoirs a changé, il n'est plus possible de compter sur un petit groupe de gouvernements, principalement du Nord, pour défendre les droits humains. La mobilisation mondiale autour de l'Ukraine nous rappelle le potentiel extraordinaire lorsque les gouvernements s’acquittent de leurs obligations en matière de droits humains à l'échelle internationale. Il incombe à tous les pays, grands et petits, d'appliquer un cadre des droits humains à leurs politiques, puis de conjuguer leurs efforts pour protéger et promouvoir ces droits.

Les autorités iraniennes ont arrêté plus de 15 000 manifestants, détenant des milliers d'entre eux dans des prisons surpeuplées et les privant de leurs droits à une procédure régulière. Il s'agit notamment de centaines de défenseurs des droits humains, d’activistes, de journalistes et d'avocats arrêtés pour leur dissidence pacifique ou leur soutien aux manifestations. Les autorités ont également confisqué des passeports et imposé des interdictions de voyager à des dizaines de personnalités publiques, dont des acteurs et des athlètes. Human Rights Watch a déjà documenté le recours à la torture et aux mauvais traitements en détention, y compris le harcèlement sexuel à l'encontre de détenues.

Au 21 novembre, au moins 21 personnes étaient accusées de « moharebeh » (« inimitié à l’égard de Dieu ») et d’« isfad fil arz » (« corruption sur terre ») – des crimes passibles de la peine de mort – dans le cadre des manifestations, a rapporté Amnesty International. Des tribunaux de première instance ont prononcé au moins six condamnations à mort pour ces chefs d'accusation dans le cadre de procès largement en deçà des normes internationales.

Au 5 janvier, les autorités iraniennes avaient exécuté deux hommes accusés d'avoir tué et blessé des membres des forces de sécurité, d’avoir « utilisé une arme pour semer la terreur » et d’avoir « troublé l'ordre et la sécurité de la société » dans le cadre des manifestations, à l'issue de procès manifestement inéquitables. Plusieurs autres manifestants détenus courent aussi un risque imminent.

Les tribunaux iraniens, et en particulier les tribunaux révolutionnaires, sont régulièrement loin d'offrir des procès équitables et utilisent des aveux souvent obtenus sous la torture comme preuves devant les tribunaux. Les autorités n'ont pas enquêté de manière significative sur un grand nombre d’allégations de torture contre des détenus et ont systématiquement restreint l'accès des détenus à un avocat, en particulier pendant la période d'enquête initiale.

Plus tôt en 2022, les grèves syndicales ainsi que les manifestations en cours contre la hausse des prix se sont intensifiées et ont également été accueillies par le recours à la force. Selon l'Agence de presse des militants des droits humains (Human Rights Activists News Agency, HRANA), entre mai 2021 et mai 2022, plus de 69 activistes pour les droits des travailleurs ont été arrêtés, des dizaines d'autres ont été convoqués pour des interrogatoires, et bon nombre ont été soumis à la violence et à la torture. Les autorités n'ont montré aucune volonté d'enquêter sur les graves violations des droits humains commises sous leur contrôle.

Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits humains en Iran, dans son rapport de juillet 2022 à l'Assemblée générale, s'est également inquiété de l'augmentation du nombre d’exécutions liées à la drogue. Selon des organisations de défense des droits humains, 306 exécutions ont été documentées depuis le 21 mars, date du Nouvel An iranien, dont 130 pour des accusations liées à la drogue, et 151 sur la base du principe islamique de « qisas » (châtiment de « rétribution en nature »).

En Iran, les femmes sont victimes de discrimination dans les affaires de statut personnel liées au mariage, au divorce, à l'héritage ainsi qu’aux décisions relatives aux enfants. Malgré la hausse du nombre de cas de féminicide signalés dans les médias et sur les réseaux sociaux, l'Iran ne dispose toujours pas de loi sur les violences domestiques pour prévenir les abus et protéger les survivantes.

Le gouvernement discrimine également les minorités religieuses, notamment les Bahaïs et les musulmans sunnites, et restreint les activités culturelles et politiques parmi les minorités ethniques azérie, kurde, arabe et baloutche du pays. Les autorités ont arrêté et poursuivi des membres de la foi bahaïe sur la base de vagues accusations de sécurité nationale et ont fermé des entreprises leur appartenant, tout en poursuivant leur répression contre les activistes politiques kurdes.

Le 24 novembre, les membres du Conseil des droits de l'homme de l’ONU ont voté pour la création d'une mission d'enquête chargée d'enquêter de manière approfondie et indépendante sur les allégations de violations des droits humains en Iran liées aux manifestations, de collecter, de consolider et d'analyser les preuves de ces violations, et de préserver ces preuves en vue d'une coopération dans toute procédure judiciaire future.

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