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Myanmar : Une action urgente est nécessaire pour bloquer les revenus étrangers

Le retrait des entreprises du secteur de l’énergie souligne la nécessité de nouvelles sanctions

Un gazoduc de gaz naturel et de pétrole du projet Yadana au Myanmar. © Getty Images

(New York) – L’armée du Myanmar continuera de percevoir des revenus massifs provenant du gaz naturel et d'autres secteurs extractifs si de nouvelles sanctions ciblées ne sont pas mises en place pour bloquer les paiements en devises étrangères soutenant le régime abusif de la junte, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Le 21 janvier 2022, TotalEnergies et Chevron ont annoncé leur intention de quitter le Myanmar, mais les revenus issus du gaz naturel reçus par la junte se poursuivront car d'autres entreprises reprendront leurs opérations.

Les États-Unis, l'Union européenne, le Royaume-Uni, le Japon et les autres gouvernements concernés devraient maintenant adopter une position commune pour imposer des sanctions sur tous les revenus du gaz naturel. L’entreprise publique thaïlandaise PTT et la société sud-coréenne POSCO, les deux principales entreprises énergétiques encore présentes au Myanmar, devraient exprimer leur soutien à de telles mesures.

« Après près d'un an au pouvoir, la junte du Myanmar continue de commettre de terribles abus sans pour autant faire face à des conséquences significatives de la part de la communauté internationale », a déclaré John Sifton, directeur du plaidoyer pour l'Asie à Human Rights Watch. « Les dirigeants de la junte ne renonceront à leur brutalité et leur oppression que si les gouvernements leur infligent une pression financière plus importante ».

Les projets d’exploitation du gaz naturel au Myanmar génèrent chaque année plus d'un milliard de dollars de recettes étrangères pour la junte, ce qui constitue sa principale source de revenus en devises étrangères. L'argent est transmis en dollars américains à la Myanmar Oil and Gas Enterprise (MOGE) et à d'autres comptes bancaires contrôlés par les militaires dans des pays étrangers, sous la forme de droits, de taxes, de redevances et de dividendes provenant de l'exportation de gaz naturel, dont la majeure partie est acheminée par gazoduc vers la Thaïlande ou la Chine.

Dans son annonce du 21 janvier, TotalEnergies a indiqué que l'entreprise se retirait du Myanmar en raison de la détérioration de la situation des droits humains, qui « ne permet plus à TotalEnergies d'apporter une contribution positive suffisante dans ce pays ». TotalEnergies, en partenariat avec Chevron et PTT, exploite depuis les années 1990 le projet gazier de Yadana, l'un des plus grands champs gaziers du pays. Chevron a envoyé une brève déclaration aux journalistes le même jour, indiquant qu'elle procédait à « une transition planifiée et ordonnée qui conduira à un retrait du pays ».

L'annonce de TotalEnergies reprend les points soulevés par son PDG, Patrick Pouyanné, dans une lettre adressée le 18 janvier à Human Rights Watch, indiquant que l'entreprise avait informé les autorités françaises et américaines qu'elle soutenait « la mise en œuvre de telles sanctions ciblées » pour mettre fin aux flux financiers vers la MOGE.

Depuis le coup d'État du 1er février 2021, l'armée du Myanmar a mené une répression à l’échelle nationale contre les manifestants s’opposant à la junte, les activistes et l’opposition politique, en se livrant à grande échelle à des meurtres, à la torture et à d’autres abus, constituant des crimes contre l'humanité. Elle a multiplié les opérations militaires dans les zones de minorités ethniques, donnant lieu à de nombreuses violations des lois de la guerre, y compris des crimes de guerre. Au cours de l'année écoulée, TotalEnergies a fait face à des pressions croissantes de la part de la société civile birmane, de groupes internationaux de défense des droits et d'investisseurs institutionnels pour qu'elle suspende les paiements à la junte ou soutienne des sanctions qui bloqueraient ces paiements.

À la suite du coup d'État, les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et les États membres de l'Union Européenne ont imposé des sanctions économiques ciblées aux dirigeants de la junte et aux entreprises contrôlées par les militaires du Myanmar, mais pas à la MOGE ni aux paiements qu'elle reçoit. Ni les gouvernements français et américain, ni l'UE n'ont soutenu de telles mesures.

Les États-Unis et l'Union européenne sont dans une position clé pour imposer des sanctions puisque les paiements pour les opérations gazières –même ceux effectués par des entreprises non américaines et non européennes– sont généralement effectués en dollars américains et impliquent des banques correspondantes américaines et européennes. Les sanctions de la part des États-Unis et de l'Union européenne peuvent stopper des paiements effectués en dollars américains ou en euros, même lorsque ces paiements sont effectués par des banques en Thaïlande, à Singapour, en Corée du Sud et ailleurs, car ces banques ont toujours besoin, en fin de compte, de banques correspondantes américaines et de l’UE –qui tombent sous la juridiction des lois américaines et de l’UE– pour finaliser, ou « régler », d’importantes transactions en dollars ou en euros.

Lorsque TotalEnergies et Chevron partiront du Myanmar, les flux financiers qui alimentent la junte ne seront pas interrompus. TotalEnergies a indiqué qu'elle continuerait à exploiter le champ et le gazoduc de Yadana pendant six mois, conformément aux accords existants, qui stipulent qu' « qu’en cas de retrait, les intérêts de TotalEnergies seront répartis entre les partenaires actuels sauf refus de leur part et que le rôle d’opérateur sera repris par un des partenaires ».

PTT, le partenaire étranger restant du projet Yadana, qui détient actuellement 25,5 % du projet, a annoncé qu'il « étudiait les orientations potentielles du projet Yadana ».

Les plus gros revenus gaziers versés sur des comptes contrôlés par la junte le sont par l’intermédiaire de PTT, qui achète environ 80 % du gaz naturel exporté par le Myanmar de Yadana et du champ gazier de Zawtika, qu'elle exploite elle-même. En outre, PTT détient des parts dans des coentreprises (joint-ventures) avec POSCO, qui transporte et vend du gaz à la Chine. Human Rights Watch a précédemment écrit à toutes ces entreprises et à leurs actionnaires, leur demandant instamment de soutenir les sanctions sur les revenus du gaz.

« Le départ des entreprises énergétiques du Myanmar ne constituera qu'un geste tant que la junte continuera à gagner de l'argent », a déclaré M. Sifton. « Il est nécessaire que les États-Unis et l'UE imposent de toute urgence des mesures à même d’avoir un impact économique réel sur la junte, pour obtenir un quelconque progrès en matière de droits humains au Myanmar. »

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