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Afghanistan : La crise humanitaire nécessite une réponse urgente

Le risque de famine augmente, tandis que les systèmes d’éducation et de santé s’effondrent

Une foule d’Afghans faisait la queue devant une banque à Kaboul, dans l’espoir de pouvoir retirer de l’argent, le 30 août 2021. © 2021 Khwaja Tawfiq Sediqi/AP Photo

(New York, le 3 septembre 2021) – Les donateurs étrangers qui soutiennent l'Afghanistan devraient prendre des mesures immédiates pour s'assurer que l'aide nécessaire parvienne aux Afghans confrontés à la faim et à l’effondrement des services de santé depuis la prise de contrôle des talibans le 15 août 2021, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Les donateurs devraient également élaborer un plan d'action coordonné pour soutenir les systèmes éducatifs et bancaires, et répondre aux autres besoins pressants qui nécessitent la coopération des autorités talibanes, alors même que celles-ci menacent les droits humains fondamentaux, en particulier les droits des femmes et des filles.

Le précédent gouvernement afghan a, en grande partie, cessé de fonctionner du fait des financements incertains, tandis que l’aide humanitaire et l’assistance fournie par les agences des Nations Unies et par les organisations non gouvernementales ont diminué considérablement en raison des problèmes de sécurité, des évacuations de personnel, des fermetures et des incertitudes juridiques. Le 31 août, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a prévenu qu’« une crise humanitaire se profile » en Afghanistan et a exhorté les gouvernements donateurs à « mettre la main à la poche » dans un appel éclair aux dons pour une aide d’urgence. Les États-Unis et l’Union européenne ont déclaré qu’ils continueraient d’apporter une aide humanitaire à l’Afghanistan. 

« On comprend aisément que les gouvernements donateurs hésitent à fournir de l’aide et des fonds à l’Afghanistan contrôlé par les talibans, compte tenu de leur bilan déplorable en matière de droits humains et des abus que l’on voit réapparaître », a affirmé Patricia Gossman, directrice adjointe de la division Asie de Human Rights Watch. « Pour empêcher la situation déjà catastrophique de s’aggraver, les donateurs devraient toutefois accepter de soutenir les agences internationales et les groupes non gouvernementaux capables d’offrir des secours d’urgence dans les secteurs de l’alimentation, de la santé et de l’éducation. Ils devraient aussi élaborer un plan d’assistance impliquant directement les talibans. »

L’Afghanistan fait face à un effondrement économique majeur. Le prix des denrées alimentaires et d’autres biens de première nécessité a augmenté, et pourtant la plupart des banques restent fermées. Les Nations Unies ont rapporté qu’il était difficile de se procurer de l’argent liquide et que des pénuries alimentaires étaient attendues. Avant la prise de contrôle par les talibans, plus de 30 % du pays vivaient dans une insécurité alimentaire aiguë, contre plus de 40 % aujourd’hui. En décembre 2020, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a déclaré que selon les estimations, sur les quelque 7 millions d’enfants de moins de 5 ans en Afghanistan, 3,1 millions souffraient de malnutrition aiguë et que « cela signifie qu’une proportion alarmante des enfants de moins de 5 ans — un sur deux — a besoin d’une prise en charge de la malnutrition aiguë pour survivre ».

Les donateurs ont interrompu la plupart des aides internationales à destination des agences et institutions gouvernementales afghanes peu de temps avant et après la prise de pouvoir des talibans. La Banque centrale afghane, désormais sous contrôle des talibans, a été dissociée du système bancaire international et n’a plus accès aux réserves de devises étrangères du pays. Le Fonds monétaire international a, à la demande présumée des États-Unis, également suspendu l’accès de l’Afghanistan à des crédits et à d’autres ressources, notamment aux 440 millions de dollars en droits de tirage spéciaux que la banque avait accordés au pays pour l’aider à faire face à la pandémie de Covid-19. En vertu d’anciennes résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies ayant instauré des sanctions et d’autres restrictions contre les talibans à la suite d’actions terroristes, la Banque centrale afghane ne peut pas recevoir de nouveaux billets de banque afghans, lesquels sont imprimés en Europe.

Le régime complexe de sanctions imposées aux talibans, d’une part par le Conseil de sécurité des Nations Unies et d’autre part par les États-Unis, l’Union européenne et plusieurs autres gouvernements, devrait être passé en revue pour s’assurer qu’il n’entrave pas l’apport d’aide humanitaire par les organisations non gouvernementales.

Le système éducatif, qui couvrait jusqu’à présent l’inscription à l’école d’environ sept millions d’élèves, dont 62 % de garçons et 38 % de filles, continuera d’avoir urgemment besoin de l’apport de fonds étrangers. Les organisations non gouvernementales ont joué un rôle crucial dans ce secteur, mais n’assurent l’éducation que de quelques centaines de milliers d’élèves en dehors du système public. Les gouvernements donateurs ayant financé ce secteur devraient exhorter les talibans à laisser toutes les écoles ouvertes et à autoriser les filles et les femmes à y accéder, quel que soit leur niveau, sans les intimider ni les menacer.

Dans le secteur de la santé, le rôle principal des organisations non gouvernementales a été de fournir des services au nom du gouvernement, mais ces ONG ne peuvent pas remplacer le système public, qui dépendait de fonds internationaux alloués au gouvernement afghan par un fonds fiduciaire géré par la Banque mondiale, puis transférés aux organisations dans les provinces. Les talibans devraient autoriser le maintien de ce système et s’engager à ne pas pratiquer de discrimination dans la distribution de ces services.

« L’Afghanistan fait face aujourd’hui à une crise économique qui touche les besoins essentiels de millions de personnes », a déclaré Patricia Gossman. « Les donateurs devraient s’atteler de toute urgence à la tâche difficile qu’est de veiller à ce que le soutien d’urgence parvienne aux Afghan⸱e⸱s les plus démuni⸱e⸱s tout en évitant que les talibans ne commettent des abus. »

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