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CPI : Les pays membres devraient défendre la cause de la justice

À l’occasion du 22ème anniversaire de la Cour pénale internationale, les États membres devraient démontrer leur soutien à l’égard de cette institution

Le siège de la Cour pénale internationale à La Haye, aux Pays-Bas. © 2019 Peter Dejong/AP

(New York) – Face aux pressions sans précédent exercées par les États-Unis, les pays membres de la Cour pénale internationale (CPI) devraient profiter du 22e anniversaire de sa création pour faire preuve de leur soutien envers la Cour, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le traité fondateur de la Cour, le Statut de Rome, a été adopté en 1998, le 17 juillet, une date qui marque désormais la Journée de la justice pénale internationale.

« La CPI a certes réalisé des avancées inégales pour traduire équitablement en justice les auteurs de crimes graves, mais les menaces proférées par Washington, qui veut infliger de fortes sanctions aux responsables de la Cour, pourraient porter atteinte à ces acquis durement obtenus », a déclaré Richard Dicker, directeur du programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Les pays membres de la CPI devraient continuer à s’opposer à l’obstruction de la part des États-Unis et défendre publiquement le mandat de la Cour consistant à mettre en place des procès équitables, quelle que soit la nationalité des accusés. »

Le 11 juin 2020, le président américain Donald Trump a émis un décret présidentiel radical qui permet d’infliger à certains responsables de la CPI le gel de leurs avoirs et l’interdiction d’entrer dans le pays, étendue à leur famille. Ces sanctions, normalement employées à l’encontre de personnes soupçonnées de terrorisme ou de violation des droits humains, pourraient être appliquées aux juges, enquêteurs et procureurs cherchant à rendre la justice dans les affaires d’atrocités de masse. L’administration Trump a menacé à plusieurs reprises d’empêcher les enquêtes sur l’Afghanistan et la Palestine qui pourraient se pencher sur la conduite de ressortissants américains et israéliens et annulé le visa américain de la Procureure en 2019. Ce décret présidentiel implique également que les sanctions pourront être appliquées à toute personne qui aide les enquêtes de la Cour, ce qui est susceptible de porter atteinte à la coopération avec la CPI de façon générale.

Ce n’est pas la première fois que la CPI affronte une opposition politisée, mais faire appel aux pouvoirs de coercition des États-Unis constitue une nette escalade des efforts cherchant à porter atteinte à la Cour et à entraver la justice rendue aux victimes. En réponse, 67 pays membres de la CPI, dont des alliés clés des États-Unis, ont publié une déclaration conjointe transrégionale. Ce signal fort s’accompagnait de déclarations de l’Union européenne, du président de l’Assemblée des États parties à la CPI et d’organisations non gouvernementales des États-Unis et d’ailleurs. Les pays membres devraient poursuivre leurs efforts pour appuyer la Cour et montrer à Washington qu’ils soutiendront ses responsables dans leur mission, qui est de rendre justice de façon impartiale, a déclaré Human Rights Watch.

Les menaces des États-Unis surviennent au moment où plusieurs processus cruciaux sont en cours à la CPI. Suite à une requête de la direction de la Cour, les pays membres ont créé un collège de neuf experts indépendants, chargé d’évaluer le travail de la Cour et de recommander des moyens d’améliorer ses performances. Cette décision faisait suite à plusieurs coups durs dans des dossiers d’accusation clés, des décisions judiciaires surprenantes et un impact trop limité de la Cour en faveur des victimes.

Le collège d’experts se penche actuellement sur divers problèmes liés à la gouvernance de la Cour et au travail des juges et du Bureau de la Procureure. Ses recommandations finales sont attendues pour la fin du mois de septembre. Entretemps, les pays membres ont eux aussi identifié des questions prioritaires à régler, y compris en ce qui concerne leur coopération avec la Cour.   Il est capital que ces efforts entrepris par différentes parties prenantes respectent le principe d’indépendance des juges et de l’accusation, a déclaré Human Rights Watch.

« Depuis un an, on observe des avancées notables à la CPI, notamment la reddition du premier suspect accusé des crimes commis au Darfour avec l’aval du gouvernement soudanais depuis 2003 », a déclaré Richard Dicker. « La CPI n’entre en jeu que lorsque les tribunaux nationaux ne font pas leur travail et le processus d’audit par des experts devrait vérifier qu’elle est à la hauteur de son rôle de ‘tribunal de dernière instance’. »

Par ailleurs, les pays membres éliront cette année le prochain Procureur de la Cour et plusieurs nouveaux juges. Les pays membres ont la responsabilité clé de veiller à ce que la CPI soit dirigée par l’équipe la plus solide possible. L’Assemblée des États parties a mis en place des comités pour évaluer les candidats. Le 30 juin, un comité sur l’élection du Procureur, qui a examiné près de 90 candidatures à l’aide d’un groupe d’experts, a recommandé une présélection de quatre candidats.

Les audiences publiques de ces candidats sont en cours de planification, les pays membres cherchant à parvenir à un premier choix qui fasse consensus. Afin de veiller à ce que la Cour puisse pleinement exécuter son mandat en cette période difficile, Human Rights Watch a appelé à adopter une approche strictement fondée sur le mérite et à élire un Procureur qui ait une expérience pratique approfondie des affaires pénales et qui s’engage à faire preuve d’une grande détermination dans les poursuites à mener, indépendamment de toute pression politique.

Le travail de la CPI est étroitement lié aux efforts judiciaires plus larges aspirant à donner satisfaction au droit des victimes à obtenir justice – que ce soit au sein des tribunaux nationaux, à travers les commissions d’enquête internationales ou via la coopération internationale et nationale que permettent les institutions hybrides. Les avancées accomplies l’année passée montrent que les progrès en faveur de la justice se poursuivent, a déclaré Human Rights Watch. On peut notamment citer l’ordonnance de la Cour internationale de Justice, unanimement saluée et qui a fait jurisprudence, ordonnant au Myanmar de ne pas commettre et d’empêcher un génocide à l’encontre de la minorité ethnique Rohingya, et le premier procès, en Allemagne, d’anciens responsables syriens accusés d’actes de torture généralisés.

« Même si la CPI est mise à l’épreuve comme jamais auparavant, il est important que les gouvernements saisissent cette occasion pour manifester clairement leur solidarité », a déclaré Richard Dicker. « Un soutien politique fort, s’appuyant sur le processus d’audit pour renforcer les performances de la Cour, ainsi que l’élection de dirigeants parmi les plus qualifiés, sont essentiels pour s’assurer que la CPI soit à même de rendre justice d’une façon qui compte. »

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