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Il ne s’agissait de rien de plus que rigoler un coup. Mais parce qu’elles ont choisi ce moyen, universel, de conjurer l’angoisse du confinement et du Coronavirus, une jeune Marocaine est aujourd’hui en prison, et une Tunisienne risque de l’y rejoindre.

Au Maroc, l’histoire se passe à Merzouga, petite localité saharienne réputée pour ses dunes de carte postale. Début avril, une jeune femme, peut-être pour se consoler d’être bloquée entre quatre murs si près d’un paysage naturel fabuleux, exécute un petit sketch. Sur une vidéo de 15 secondes, filmée dans un salon et postée sur le réseau social Tik Tok, on la voit imiter la « Caïda Houria », une figure locale des forces de l’ordre devenue célèbre pour sa manière unique de gronder les Marocains qui ne respectent pas les consignes de confinement. L’imitation est convaincante, on sourit volontiers.

Il faut croire que les autorités manquent d’humour. Quelques jours plus tard, la jeune femme est arrêtée puis condamnée à deux mois fermes, qu’elle purge actuellement à la  prison d’Errachidia. Chef d’accusation principal : pendant le sketch, elle portait un treillis, en violation de l'article 382 du code pénal qui interdit de « porter publiquement, sans droit, un uniforme réglementaire ». Le treillis appartenait à un ami gendarme.

C’est sans doute aussi pour partager un sourire que la tunisoise Emna Chargui a republié, sur Facebook, un petit texte intitulé « Sourate Corona » écrit et formaté, sur le ton de la plaisanterie, à la manière d’une sourate coranique. Mal lui en a pris. Le 4 mai, elle est convoquée par la police judiciaire. Deux jours plus tard, pas moins de sept membres du bureau d’un procureur public la soumettent à un interrogatoire serré. Selon Chargui, l’un d’entre eux déclare : « il n’y a pas de liberté d’expression qui tienne quand il s’agit de religion ».

Le 7 mai, la jeune blogueuse est inculpée pour « incitation à la haine entre les religions en utilisation de procédés hostiles ou de violence » en vertu de l’article 52 du décret-loi relatif à la liberté de la presse. Elle risque jusqu’à trois ans de prison.

Dans des situations de crise comme la pandémie de Covid-19, le droit international permet aux autorités d’interdire exceptionnellement certains discours, dont les conséquences mettraient en danger la santé publique. Mais pas des blagues, dont le pire effet serait de faire mourir de rire.

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