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« Robots tueurs » : La Russie et les États-Unis s’opposent à la négociation d’un traité

Le droit international doit être amendé pour maintenir un contrôle humain sur le recours à la force

(Genève) – La Russie, les États-Unis et une poignée d’autres pays qui investissent dans le développement des armes autonomes entravent les efforts pour débuter les négociations d’un nouveau traité visant à maintenir un contrôle humain significatif sur l’usage de la force, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.

Plus de 70 États parties à la Convention sur certaines armes classiques (CCAC) se réuniront à Genève les 20 et 21 août 2019 pour leur huitième session depuis 2014 afin d’examiner les préoccupations soulevées par les systèmes d’armes létales autonomes, également connues sous les noms d’armes entièrement autonomes ou « robots tueurs ». Mais l’approche de la Convention sur les armes classiques, fondée sur le principe « des paroles plutôt qu’une action », est révélatrice de l’impuissance à répondre à cette menace, a déclaré Human Rights Watch.

« La plupart des gouvernements veulent négocier un nouveau traité pour maintenir un contrôle humain significatif sur le recours à la force », a déclaré Steve Goose, directeur de la division Armes de Human Rights Watch et coordinateur de la Campagne contre les robots tueurs (Campaign to Stop Killer Robots). « Mais avec le blocage de toute avancée par quelques pays, ces discussions diplomatiques ressemblent de plus en plus à une tentative de gagner du temps et de détourner l’attention de l’opinion publique au lieu de s’attaquer de toute urgence aux défis de taille posés par les robots tueurs. »

Human Rights Watch et la Campagne contre les robots tueurs exhortent les États parties à la Convention à accepter d’entamer des négociations en novembre pour un nouveau traité exigeant le maintien d’un contrôle humain important sur le recours à la force, ce qui interdirait de fait les armes entièrement autonomes. Seul une modification du droit international peut répondre efficacement aux multiples préoccupations morales, juridiques, d’établissement des responsabilités, sécuritaires et technologiques soulevées par ces armes.

Les pourparlers sur la Convention sur certaines armes classiques ont débuté en 2014 avant d’être officialisés trois ans plus tard, mais ils n’ont abouti qu’à des principes juridiquement non contraignants. En mars dernier, lors de la dernière session en date de la réunion des États parties, la Russie et les États-Unis, ainsi que l’Australie, Israël et le Royaume-Uni, se sont opposés aux appels à négocier un nouveau traité, ces pays estimant qu’une telle décision était prématurée.

Lors de sessions antérieures, presque tous les États parties avaient demandé le maintien d’une forme de contrôle humain sur l’usage de la force, ce qui équivaut en réalité à interdire les armes dépourvues d’un tel contrôle. À ce jour, 28 pays ont explicitement apporté leur appui à l’interdiction des armes entièrement autonomes.

Il est de plus en plus évident que la production et l’emploi de telles armes seraient contraires aux exigences de la conscience publique, a souligné Human Rights Watch. Des milliers de scientifiques et de spécialistes de l’intelligence artificielle, ainsi qu’une vingtaine de lauréats du prix Nobel de la paix et plus de 160 chefs religieux et organisations diverses sont également favorables à l’interdiction des robots tueurs. En 2018, Google a publié un ensemble de principes éthiques aux termes desquels la compagnie s’engage à ne pas développer l’intelligence artificielle qui pourrait autonomiser de telles armes.

Les robots tueurs seraient incapables d’éprouver de la compassion ou d’exercer un jugement juridique et éthique nuancé au moment de décider du recours à la force meurtrière. Privées de ces qualités spécifiquement humaines, les armes se heurteraient à d’importants obstacles pour garantir le traitement humain d’autrui et le respect de la vie et de la dignité humaines.

Selon le droit international humanitaire, les préceptes de la conscience publique et les principes d’humanité devraient prévaloir en l’absence de traité pertinent, comme c’est actuellement le cas pour les robots tueurs.

Les 28 pays qui soutiennent cette interdiction sont les suivants : Algérie, Argentine, Autriche, Bolivie, Brésil, Chili, Chine (utilisation seulement), Colombie, Costa Rica, Cuba, Djibouti, Équateur, El Salvador, Égypte, Ghana, Guatemala, Saint-Siège, Irak, Mexique, Maroc, Nicaragua, Pakistan, Panama, Pérou, État de Palestine, Ouganda, Venezuela et Zimbabwe.

Lancée en 2013, la Campagne contre les robots tueurs est une coalition de 112 organisations non gouvernementales de 56 pays différents qui s’emploie à interdire à titre préventif le développement, la production et l’utilisation d’armes entièrement autonomes.

« Des interdictions et des obligations positives sont nécessaires pour garantir que les systèmes qui déterminent des cibles à détruire ne portent pas atteinte aux valeurs éthiques et soient toujours soumis à un contrôle humain significatif », a conclu Steve Goose. « L’opinion publique s’attend à ce que les gouvernements redoublent d’efforts pour empêcher la mise au point d’armes entièrement autonomes, avant que celles-ci ne prolifèrent à grande échelle, et adopter rien moins qu’un traité d’interdiction juridiquement contraignant. »

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