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Maroc : Libérez un citoyen qui n’a fait que s’exprimer sur Facebook

Appelant à manifester, il s’est vu condamner pour « rébellion »

(Beyrouth) – Les autorités marocaines devraient libérer un entrepreneur condamné à deux ans de prison en violation de son droit à la liberté d’expression, et réexaminer ce verdict abusif, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le procès en appel de Soufian al-Nguad est en cours, la prochaine séance est prévue le 11 février 2019. 

Soufian al-Nguad, de son compte Facebook.  © 2018 Image privée

Le tribunal de première instance de Tétouan, ville du nord du Maroc, avait condamné al-Nguad, 29 ans, copropriétaire d’une agence immobilière, à cette peine d’emprisonnement et à une amende de 20 000 dirhams (1 850 euros) pour avoir encouragé à prendre part à une manifestation non autorisée. Le dossier d’accusation était fondé sur des commentaires d’al-Nguad sur Facebook, encourageant à se joindre à une manifestation pour protester contre la mort d’une candidate à l’émigration tuée par des garde-côtes marocains.

« Soufian al-Nguad na fait qu’exprimer sa colère et pousser à manifester suite à la mort dune femme innocente », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les accusations qui pèsent contre lui sont illégitimes, il devrait être libéré sur le champ. »

Le 25 septembre 2018, des garde-côtes marocains avaient fait feu sur une embarcation en Méditerranée, tuant Hayat Belkacem, une étudiante de 20 ans, et blessant trois autres passagers alors qu’ils tentaient d’émigrer vers l’Europe. L’agence de presse officielle marocaine a affirmé que les garde-côtes avaient tiré parce que le pilote de l’embarcation s’était conduit de façon « suspecte » et avait désobéi à leurs ordres dans les eaux marocaines. Les autorités ont promis une enquête, mais n'ont publié aucun résultat.

Le 27 septembre, al-Nguad a critiqué sur Facebook le silence des partis politiques marocains sur la mort de Belkacem, loué les supporters « ultras » de l’équipe de football de Tétouan qui avaient appelé à manifester en habits noirs, en mémoire de l’étudiante tuée, et encouragé à participer à cette manifestation. Six jours plus tard, la police a arrêté et interrogé al-Nguad, que le procureur de Tétouan a inculpé de rébellion, incitation à la rébellion, propagation de la haine et outrage au drapeau et aux symboles nationaux.

Dans son jugement écrit, le tribunal a soutenu qu’al-Nguad avait « avoué être [lauteur] du post [Facebook] appelant à des manifestations publiques, auxquelles il a pris part en vêtements noirs, aux côtés dautres manifestants habillés de noir, alors qu’il savait au préalable que les manifestations nécessitent une autorisation de la part des autorités compétentes ».

Toujours d’après le jugement, al-Nguad avait écrit dans une autre publication Facebook : « Félicitations aux garde-côtes de la noble Marine royale, qui ont tué Hayat alors qu’elle tentait démigrer clandestinement pour fuir les gouvernants, la corruption et le royaume du Maroc. » Le tribunal a estimé que ce post contenait des « expressions incitant à la haine et aux appels à la violence » et que l’emploi du mot « royaume » dans un tel contexte constituait une « insulte fondamentale au drapeau et aux symboles du pays ».

Human Rights Watch a examiné les posts Facebook qui ont motivé la mise en examen d’al-Nguad, mais n’a rien trouvé dedans qui puisse étayer les accusations contre lui. Il a simplement été emprisonné pour avoir critiqué le gouvernement et incité autrui à manifester, c’est-à-dire pour des types de propos qui sont protégés par le droit international relatif aux droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Le droit marocain ne devrait pas pénaliser ce type de discours. Et tant que des textes de loi qui permettent ce type d’inculpation demeureront, les autorités devraient s’abstenir de les appliquer.

« Ce verdict inique nest que la dernière illustration de lintolérance grandissante du Maroc vis-à-vis des manifestations pacifiques », a déclaré Sarah Leah Whitson. « À chaque fois que la colère sociale gronde, les autorités se hâtent de désigner comme boucs émissaires des activistes qui ont osé les défier, puis de les jeter en prison pour intimider tous les autres. » 

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Dans les médias

LeDesk.ma   Yabiladi  Paris Match

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