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Depuis déjà une semaine, des milliers de personnes battent de nouveau le pavé à Budapest et ailleurs en Hongrie, bravant le froid, pour s’opposer à une série de nouvelles lois du gouvernement de Viktor Orbán. C’est l’adoption par le Parlement de deux lois en quelques heures à peine qui aura mis le feu aux poudres. Celle qui est surnommée «la loi esclavagiste» permettra aux employeurs d’exiger de leurs employés jusqu’à 400 heures supplémentaires par an, payables jusqu’à trois ans plus tard.

Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, montre un document lors d'un débat sur la situation de la Hongrie au Parlement européen à Strasbourg, le 11 septembre 2018. © 2018 Fredercik Florin / AFP / Getty Images

La seconde établit une nouvelle juridiction administrative qui traitera un large éventail de litiges, dont les affaires électorales, les cas de violence policière, l’asile et les marchés publics. A première vue, pas de scandale. Sauf qu’il reviendra au ministre de la Justice, membre de l’exécutif en même temps que membre du Fidesz, d’en nommer tous les juges censés obliger cette même administration dominée par le parti au pouvoir à rendre des comptes. Ce camouflet au principe de séparation des pouvoirs intervient à un moment où le gouvernement Orbán se débat contre de multiples allégations de corruption, de clientélisme et d’irrégularités, y compris quant à l’utilisation de fonds européens.

Mais les manifestants dénoncent aussi un malaise plus large causé par la dérive autocratique du gouvernement et la mise au pas de la plupart des organes de presse dans le pays. Le regroupement il y a quelques jours de plus de 500 groupes de médias au sein d’une même instance dirigée par un proche de Viktor Orbán est perçu comme une tentative non-dissimulée d’influencer encore plus leur ligne éditoriale. Depuis 2010, les médias ont subi une érosion de leur indépendance et de leur pluralisme suite à la restructuration des médias publics et à des achats massifs d’organes de presse par des proches du gouvernement.

Expulsion manu militari

Hier, l’expulsion manu militari du bâtiment de la télévision publique de parlementaires d’opposition qui demandaient qu’un temps d’antenne soit accordé aux revendications des manifestants n’a rien arrangé. Les manifestants accusent la télévision publique d’être devenue le porte-parole officiel du gouvernement. De fait, l’institution qualifie déjà les manifestants d’agents du philanthrope George Soros, désigné ennemi public numéro un du gouvernement Orbán qui, plutôt que de s’atteler au fond des revendications, accuse une nouvelle fois sa cible favorite.

Au-delà de la situation de plus en plus inquiétante de la presse, la Hongrie de M. Orbán a été marquée au cours des huit dernières années par des mesures antidémocratiques sans précédent en Europe. M. Orbán a doté la Hongrie de la législation la plus répressive de l’UE en matière de liberté associative. Depuis avril 2017, une imitation de la très problématique loi russe dite sur les «agents étrangers» impose à toutes les organisations de la société civile recevant plus de 22 250 euros par an de fonds internationaux de s’identifier comme «financées par l’étranger» faute de quoi elles risquent une amende ou la radiation.

En juin dernier, sous prétexte de lutter contre l’immigration irrégulière, le gouvernement a criminalisé des activités parfaitement légales partout ailleurs en Europe, telles que l’assistance humanitaire ou juridique aux demandeurs d’asile, la documentation indépendante des abus ou le plaidoyer public sur ce sujet. Dans le même temps, des campagnes agressives de dénigrement frappent les associations, les qualifiant de «mercenaires étrangers» ou «d’agents de Soros». Dans ce contexte, les associations peuvent-elles encore être indépendantes et critiques à l’encontre des autorités?

Le départ forcé de l’université d’Europe Centrale de Budapest, résultat de la croisade personnelle de Viktor Orbán contre Soros qui l’avait établie en 1991, est un autre exemple de la méthode Orbán et cache une offensive plus large contre la liberté académique. Au cours de l’été, le gouvernement a également interdit les études sur le genre dans les universités publiques et fait pression pour l’annulation de conférences jugées dérangeantes.

Cessons de regarder M. Orbán comme un simple trouble-fête en Europe. A quelques mois d’élections européennes qui s’annoncent tendues, les nouveaux assauts du gouvernement hongrois contre les principes démocratiques ne doivent pas rester sans réponse. En septembre dernier, le Parlement européen a pleinement joué son rôle en déclenchant l’Article 7 sur la situation en Hongrie –la réponse des traités européens aux Etats qui mettent en danger les valeurs démocratiques de l’UE. La balle est désormais dans le camp du Conseil européen.

Il est urgent que les autres Etats de l’UE, en premier lieu la France et l’Allemagne, exigent du Premier ministre hongrois un sérieux changement de cap. Ils doivent d’abord arrêter de traîner les pieds et s’emparer frontalement du dossier au Conseil européen. Ils doivent aussi user de leviers que M. Orbán comprend et conditionner l’attribution de fonds européens au respect de l’Etat de droit.

Le rôle des républicains

Les alliés politiques traditionnels du parti de M. Orbán au sein du Parti Populaire Européen (PPE), la plateforme européenne de centre droit à laquelle appartient notamment le parti français Les Républicains, ont aussi un rôle majeur à jouer. Les Républicains ne doivent plus accepter que le débat sensible sur les politiques migratoires justifie les pratiques liberticides du Fidesz. M. Wauquiez n’a sans doute pas tort lorsqu’il dénonce la bipolarisation superficielle autour de la personnalité du leader hongrois, mais il est urgent que les Républicains prennent clairement leurs distances avec le parti de M. Orbán en soutenant son exclusion du PPE.

Le futur de l’Europe dépendra de la réponse collective qu’elle donnera aux tentations autoritaires de certains de ses dirigeants. Ne la laissons pas décevoir les milliers de Hongrois qui appellent à la défense de leur démocratie.

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