Skip to main content

Voilà presque vingt ans que des gouvernements se sont réunis pour mettre fin au commerce des «diamants du sang» qui alimentent plusieurs guerres cruelles en Afrique. Ils ont mis en place le Processus de Kimberley, un système de contrôle des exportations et des importations de diamants bruts. Mais il apparaît plus que jamais évident que ce dernier ne suffit pas: le commerce des diamants continue d’engendrer de graves violations des droits humains.

Des groupes de mineurs creusent dans les champs diamantifères de Marange en 2006. Au plus fort de la ruée vers les gisements, en octobre 2008, plus de 35 000 personnes, hommes, femmes et enfants, extrayaients ou achetaient des diamants à Marange. © 2006 Associated Press

Prenons par exemple ce qui se passe actuellement dans les mines d’exploitation de diamants de Marange, dans l’est du Zimbabwe. Des habitants ont été victimes de travail forcé, de tortures et d’autres violences. Il y a tout juste deux semaines, ils ont protesté contre le présumé pillage de revenus issus des diamants, et les événements ont pris une tournure violente. Les habitants affirment que les forces de sécurité ont frappé les femmes à coups de matraque, tiré en l’air à balles réelles, et lancé des grenades lacrymogènes — entraînant l’hospitalisation de trois enfants.

A Marange, on lâche les chiens

Bon nombre des habitants de Marange se sentent harcelés par les autorités qui ont déclaré leur village «zone protégée» dans laquelle toute visite d’un non-résident requiert une autorisation spéciale, et qui ont appréhendé plusieurs personnes sans pièce d’identité attestant de leur résidence. En plus, des agents de sécurité privés, employés par l’entreprise d’exploitation de diamants de Marange, Zimbabwe Consolidated Diamond Company, ont fait usage d’une violence brutale pour dissuader les résidents locaux d’extraire des diamants, selon plusieurs victimes. L’un des mineurs a décrit son arrestation: «Les gardes nous ont menottés mes collègues et moi, et nous ont ordonné de nous asseoir. Puis ils ont lâché des chiens féroces et les ont regardés s’acharner sur nous durant environ dix-quinze minutes, nous blessant gravement.»

La triste réalité est que les diamants entachés d’abus, de Marange ou d’ailleurs, peuvent encore facilement accéder au marché mondial. Les gouvernements et les entreprises de la chaîne d’approvisionnement des diamants portent tous deux la responsabilité de cette situation.

Le Processus de Kimberley se concentre uniquement sur des diamants dont la vente profite aux groupes armés — et non aux gouvernements abusifs. Aussi n’est-il pas surprenant qu’il ait autorisé les exportations de diamants zimbabwéens. En plus, les gouvernements concernés ne sont pas parvenus à créer un système de surveillance indépendant à même de vérifier si les contrôles douaniers indispensables sont en place. Enfin, le Processus de Kimberley ne s’applique qu’aux diamants bruts, ce qui exclut de son champ d’application les pierres totalement ou partiellement taillées ou polies.

Les entreprises ont, elles aussi, la responsabilité de ne pas contribuer aux violations des droits humains. Elles doivent mettre en place les mesures nécessaires à leur devoir de diligence afin d’identifier les risques en la matière tout au long de leur chaîne d’approvisionnement et leur apporter une réponse adéquate.

Responsabilité des joailliers

De nombreuses sociétés ne sont en fait pas en conformité avec cette exigence. Human Rights Watch a récemment examiné les pratiques en matière d’approvisionnement en diamants de 13 compagnies de renom spécialisées dans la joaillerie et l’horlogerie. Cette enquête a montré que de nombreuses entreprises ne connaissaient pas la provenance de leur or ou de leurs diamants, et étaient défaillantes quant à l’évaluation des risques en termes de droits humains. En outre, joailliers et sociétés horlogères publient souvent des informations limitées quant à leur façon de gérer ces risques dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Le Processus de Kimberley devrait adopter une définition plus large des «diamants de la guerre» (pour traiter des abus tels qu’ils se passent à Marange), mettre en place un système de surveillance indépendant, et assurer des contrôles rigoureux. Les sociétés de joaillerie, les marchands, tailleurs et polisseurs de diamants doivent également instaurer un devoir de diligence en matière de droits humains, et l’exiger de la part de leurs fournisseurs.

Les abus commis à Marange ternissent gravement l’image de l’industrie du diamant à l’échelle mondiale. Pour les clients, les pierres précieuses symbolisent l’amour, pas la violence. Les sociétés de joaillerie doivent donc agir pour mettre fin à la souffrance.

-------------------------

Tweets :

Vidéos :

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.