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Liban : Discrimination par des écoles à l’encontre des enfants handicapés

Il faudrait rendre les écoles inclusives afin de moins dépendre d’institutions spécialisées

 
(Beyrouth) – Le système d'éducation publique du Liban est discriminatoire envers les enfants handicapés, selon un nouveau rapport de Human Rights Watch publié aujourd'hui. Ces enfants se voient souvent refuser l'admission à l'école en raison de leurs handicaps. Quant à ceux qui parviennent à s'inscrire, la plupart des écoles ne prennent pas de mesures raisonnables pour leur fournir une éducation de qualité. Au lieu de s’inscrire dans des écoles, de nombreux enfants handicapés au Liban fréquentent des institutions qui ne sont pas habilitées à dispenser une éducation, ou bien ne reçoivent aucune forme de scolarisation.
 
Le rapport de 75 pages, intitulé « "I Would Like To Go to School": Barriers to Education for Children with Disabilities in Lebanon » (« " Je voudrais aller à l’école" : Entraves à la scolarisation des enfants handicapés au Liban »), constate que bien que la loi libanaise interdise aux écoles de discriminer contre les enfants handicapés, les écoles publiques et privées refusent d’inscrire de nombreux enfants handicapés. Quant à ceux qui sont autorisé à s’inscrire, les écoles ne fournissent souvent pas d’aménagements raisonnables, tels que l’accessibilité physique élémentaire, un personnel suffisamment formé et une approche individualisée en matière d’éducation ; de plus, les écoles exigent que les familles paient des frais et des dépenses discriminatoires. 
 
« Les pratiques d’admission discriminatoires privent les enfants libanais de leur droit à l’éducation », a déclaré Lama Fakih, directrice adjointe de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « En l’absence de toute possibilité véritable de recevoir une éducation inclusive de qualité, des milliers d'enfants handicapés sont laissés pour compte. »
 
Des enfants libanais, dont certains ont un handicap. Les enfants handicapés sont confrontés à de grandes difficultés pour aller à l’école au Liban, où peu d’établissements scolaires sont prêts à les accueillir ou équipés pour le faire. © 2017 Amanda Bailly pour HRW (photos en haut + photo à gauche en bas) - Sam Koplewicz pour HRW (photos du milieu et à droite en bas)
 
En vertu du droit libanais et du droit international, tous les enfants devraient avoir accès à une éducation de qualité sans discrimination. La Loi libanaise n° 220, promulguée en 2000, garantit à toute personne handicapée le droit à l’éducation et à d'autres services ; toutefois, cette loi n’est pas appliquée, a constaté Human Rights Watch. Le parcours éducatif des enfants handicapés au Liban est semé d'embûches logistiques, sociales et économiques qui compromettent leur expérience scolaire – ceci dans le cas où ils auraient pu s’inscrire.
 
Human Rights Watch a interviewé plus de 200 enfants handicapés et leurs familles, des responsables du gouvernement, des experts en matière des droits des personnes handicapées ainsi que du personnel éducatif, et a visité 11 écoles publiques et privées, 17 institutions et 6 prestataires de services. 
 
Les familles ont déclaré que les responsables des écoles ont fourni des raisons diverses et parfois brutales pour justifier le refus d’admettre leurs enfants. « Bien que l'exclusion ne représente pas une politique, c’est devenu la norme », a affirmé l’un des experts en matière des droits des personnes handicapées.
 
Peu d'écoles au Liban sont physiquement accessibles et le gouvernement fait très peu pour fournir aux enfants les aménagements nécessaires à leur réussite scolaire. Dans presque tous les cas, Human Rights Watch a constaté que les enseignants et les administrateurs scolaires manquaient de formation en matière d'éducation inclusive et que les écoles manquaient de fonds pour fournir un personnel suffisant, notamment des accompagnants qui peuvent procurer un soutien direct à un ou plusieurs enfants. L'éducation inclusive implique que les enfants handicapés suivent leur scolarité dans une école de leur communauté en bénéficiant d’un accompagnement adapté à leur réussite, notamment scolaire.
 
« Nous essayons de faire de notre mieux », a déclaré un enseignant. « Nous n'avons pas les ressources ou les outils dont nous avons besoin. »
 
Il existe 103 institutions spécialisées, financées par le ministère des Affaires sociales, qui servent d'alternative aux enfants handicapés ne pouvant s’inscrire dans des écoles. Toutefois, les ressources éducatives de plusieurs de ces institutions sont de piètre qualité. Un manque de suivi, des mécanismes d'évaluation de mauvaise qualité ainsi qu’une pénurie de ressources appropriées suscitent de sérieuses inquiétudes quant à la question de savoir si ces institutions permettent aux enfants de bénéficier de leur droit à l’éducation.
 
Human Rights Watch a constaté que les conditions qui prévalent dans certaines de ces institutions sont problématiques. Dans deux établissements résidentiels visités, il n'y avait pas de séparation entre les enfants et des résidents adultes qui ne leur sont pas apparentés, ce qui représente une atteinte à l’intimité des enfants et rend problématique la supervision. Dans de nombreux cas, la distance et le coût du transport ont pour conséquence que de nombreux enfants finissent par dormir dans des institutions, ce qui les sépare effectivement de leur famille et de leur communauté pour une période de temps considérable.
 
Il n’existe pas de chiffres précis ni sur le nombre total d'enfants handicapés au Liban, ni sur le nombre de ceux qui, parmi eux, sont scolarisés. Sur les 8 558 Libanais de 5 à 14 ans enregistrés au ministère des Affaires sociales comme enfants handicapés, 3 806 sont placés dans des institutions financées par le gouvernement et encore moins fréquentent des écoles publiques ou privées.
 
Cependant, d'autres données font craindre que des dizaines de milliers d'enfants libanais handicapés ne soient exclus de l'enregistrement officiel consacré aux handicapés. Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), l'Organisation mondiale de la santé et la Banque mondiale estiment que 5% des personnes de moins de 14 ans sont en situation de handicap, ce qui, selon une estimation prudente, situerait le nombre d'enfants libanais handicapés âgés de 5 à 14 ans aux alentours de 40 000.
 
Ces dernières années, le gouvernement libanais a pris des mesures qui vont dans le bon sens. Le ministère de l'Éducation a fait des efforts visant à intégrer les enfants ayant des troubles d'apprentissage dans les écoles publiques. Il prépare un programme pilote pour l’année 2018 dans le cadre duquel 30 écoles publiques intégreront des enfants ayant des troubles d'apprentissage et 6 écoles inscriront des enfants ayant des handicaps visuels, auditifs ou physiques, ou un retard mental modéré. 
 
Le droit à l'éducation s'applique à tous les enfants, y compris ceux qui sont handicapés. En tant qu’État partie à la Convention relative aux droits de l'enfant et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Liban est tenu d'assurer l'enseignement primaire gratuit et obligatoire et l'accès à l'enseignement secondaire à tous les enfants sans discrimination. L'éducation inclusive est bénéfique pour tous les élèves, non seulement aux élèves handicapés. Un système qui répond aux divers besoins de tous les élèves profite à tous les apprenants, constitue un moyen de parvenir à une éducation de qualité et peut promouvoir une société plus inclusive.
 
Les obstacles auxquels sont confrontés les enfants handicapés ne sont pas spécifiques au Liban. L'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) estime que plus d'un tiers des 121 millions d'enfants en âge d’être inscrit à l’école primaire ou dans le premier cycle du secondaire qui ne sont pas scolarisés dans le monde, sont des enfants handicapés.
 
Le gouvernement libanais devrait appliquer et faire respecter la législation existante en matière des droits des personnes handicapées, a déclaré Human Rights Watch. Le ministère de l'Éducation devrait assurer une éducation inclusive dans toutes les écoles, de manière à permettre une intégration maximale des enfants handicapés dans les écoles publiques et privées, y compris en adaptant les programmes scolaires et en recrutant du personnel expérimenté. Le ministère des Affaires sociales devrait créer et mettre en œuvre un plan d'action assorti d'un calendrier pour la désinstitutionnalisation.
 
« Dix-huit ans après que le Liban a adopté une loi garantissant que les enfants handicapés peuvent bénéficier d’une éducation, presque rien n'a été fait pour que cela devienne une réalité », a conclu Lama Fakih. « Le Liban devrait mettre fin de toute urgence à sa dépendance envers les institutions et veiller à ce que les enfants handicapés puissent bénéficier d'une éducation de qualité dans une classe aux côtés de leurs pairs. »
 
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